HAITI / POLITIQUE

Trente-sept ans après le massacre de la ruelle Vaillant, un regard sur une démocratie vacillante

Le 29 novembre 1987 demeure une date sombre dans l’histoire politique haïtienne. Le massacre de la ruelle Vaillant, perpétré lors des premières élections démocratiques après la chute de la dictature duvaliériste, reste un cadre tragique pour la jeune démocratie haïtienne. En ce 37e anniversaire, le sociologue Willy Jean-Louis, contacté par Le National, revient sur cet événement et son impact durable sur le processus démocratique en Haïti.

Pour Willy Jean-Louis, ce massacre constitue un véritable coup dur porté à la démocratie haïtienne. Depuis les élections présidentielle et sénatoriale de 1957, soit 30 ans avant, Haïti n’avait jamais pu organiser de véritables élections libres et inclusives, donnant au peuple le droit d’exprimer ses choix politiques, souligne-t-il.

Cet événement sanglant, orchestré sous la présidence du Conseil National de Gouvernement (CNG) dirigé par le général Henri Namphy, illustre, selon le sociologue, la résurgence des forces conservatrices et réactionnaires, notamment les « Duvaliéristes sans Duvalier » , déterminées à perpétuer l’héritage autoritaire de l’ancien régime.

Jean-Louis insiste également sur le symbole que représente le sang versé ce jour-là, à Port-au-Prince comme dans l’Artibonite. « Ce sacrifice témoigne de la passion et de la détermination du peuple haïtien, avide de changement. Mais il reste un cauchemar pour ceux qui ont vécu cette époque. », déclare-t-il.

Malgré l’enthousiasme populaire constaté dans les bureaux de vote, la journée électorale fut marquée par une violence extrême. Pour le sociologue, cet épisode reflète une constante historique en Haïti, les forces antidémocratiques n’hésitent pas à utiliser la violence pour saboter toute tentative de participation populaire au processus électoral.

« Le massacre de la ruelle Vaillant, bien qu’il ait été abondamment relayé par la presse internationale à l’époque, reste peu documenté dans les manuels d’histoire haïtiens. En ce sens, il dit avoir regretté que cette tragédie, tout comme d’autres massacres, n’ait pas fait l’objet d’une analyse approfondie. Suivant lui, les gouvernements successifs ont parfois rendu hommage aux victimes par des cérémonies symboliques, mais ils continuent de bafouer la mémoire de ces martyrs en répandant le sang du peuple et en entravant l’organisation d’élections libres, critique-t-il.

Aussi, selon lui, les enseignements de cet événement sont clairs comme les forces antidémocratiques en Haïti rejettent systématiquement les processus électoraux. La violence est souvent utilisée comme un moyen de dissuasion pour éloigner les masses des urnes. Les élections ne sont autorisées que lorsqu’elles profitent au régime en place ou servent les intérêts de la communauté internationale.

Ainsi, M. Jean-Louis a laissé comprendre que depuis la ruelle Vaillant, Haïti traverse une série de crises politiques à répétition. Ces crises ont favorisé la prolifération de régimes de transition et l’instabilité chronique, notamment avec le coup d’État de 1991, qui a anéanti les espoirs d’un retour à l’ordre démocratique. « En dépit des sacrifices du peuple, la démocratie haïtienne reste fragile. Le peuple demeure la cible principale et la grande victime de ces élections, alimentant des rêves souvent irréalisables. À chaque nouvelle tentative, il continue de verser des larmes de sang. », conclut Jean-Louis avec amertume.

 

Vladimir Predvil

 

 

 

 

 

 

 

 

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