À propos de Commission de la société civile pour la recherche d’une solution haïtienne à la crise

Du samedi 16 au lundi 18 octobre dernier, quatre membres de la Commission de la société civile pour la recherche d’une solution haïtienne à la crise, ont séjourné en Floride. Il s’agit, par ordre alphabétique, de Magalie Comeau Denis (MCD), Magalie Georges (MG), Monique Clesca (MC) et Ted Saint-Dic. Au cours de cette tournée floridienne, les membres de la Commission ont rencontré un important échantillon de la société civile diasporique du sud des États-Unis. Ils ont aussi, entre deux réunions, accordé une entrevue au directeur du bureau de Floride du National, Frandley Denis Julien.

Frandley Denis Junior: Bonjour! Bienvenue en Floride ! Pouvez-vous me parler du mécanisme de formation de la Commission ?

 

Magalie Comeau Denis:  Nous n’avons pas été amenés par un coup de tonnerre (rires). Le 31 janvier 2021, la société civile a tenu un forum, à l’initiative de la CAS (Coalition des acteurs de la société civile), et auquel ont pris part un grand nombre d’organisations telles que la CNEH, NOU PAP DÒMI, etc. Ce forum a été organisé après plusieurs tentatives infructueuses —notamment celle de Passerelle où la société civile jouait un rôle de facilitateur visant à faire converger les politiques— et il en a résulté des résolutions politiques, l’une d’entre-elles consistant à d’abandonner ce rôle passif de facilitateur, ou son rôle semi-passif d’observateur pour adopter celui d’acteur, déterminé à assumer sa responsabilité citoyenne. Que chacun, où qu’il soit, prenne conscience que le pays se trouve au bord du péril et s’engage à jouer du bec et des ongles pour l’en tirer. À mesure que la crise évoluait, nous pouvions constater l’émergence d’une lecture binaire, donc réductrice de la réalité, voulant camper deux (2) protagonistes sur la scène : Les gens au pouvoir, d’une part, et quelques leaders de l’opposition d’autre part. Une telle lecture est responsable du fait que la population a été mise sur le banc de touche pendant des siècles. Il était temps pour la population d’entrer en lice, car la crise n’affecte pas uniquement le gouvernement et l’opposition ; elle touche l’État et la société. De ce fait, la société civile a décidé d’endosser sa responsabilité citoyenne.

 

Le Comité de suivi de ce forum, créé en janvier, a mis en place la commission en s’adressant à des organisations appartenant à différents secteurs pour désigner leurs représentants au sein de la commission. C’est ainsi que Magalie Georges, qui est syndicaliste et secrétaire générale de la CNEH, fut désignée par la CHOSHARPCO, le Collectif des syndicats pour la défense de la Constitution de 1987. Je fus choisie par CATAN, le Collectif des artistes engagés, dont je suis membre. Dix (10) secteurs, dont le secteur paysan, l’organisation 4G qui désigna Joel Joseph Louis. Sont aussi représentés au sein de la Commission, le secteur des droits humains, celui des femmes, la diaspora, l’Église épiscopale, la Fédération protestante, les vodouisants, etc. La Commission compte 13 membres dont 10 représentants représentant autant de secteurs, et trois (3) personnalités choisies pour leur intégrité connue, leur engagement dans la défense de la démocratie et pur leurs positions publiques.

 

FDJ : Qui sont ces trois (3) personnalités ?

 

MCD : Il s’agit de Ted Saint-Dic, de Michel Péan, qui, bien qu’il soit président de l’Association haïtienne d’aide aux aveugles, a rejoint la Commission à titre personnel, et Monique Clesca.       

 

FDJ : Est-ce que les membres de la Commission, au cas où vous réussiriez, s’engagent à ne pas occuper de fonctions politiques durant la transition ?

 

Monique Clesca : Absolument. Et je vous demanderais de retirer la réserve, « au cas où vous réussiriez » émise dans votre question. Le fait même que nous soyons ici aujourd’hui en train de participer à cette entrevue avec vous, témoigne d’un certain niveau de réussite.

 

FDJ: Qu’espérez-vous accomplir au cours de votre passage en Floride ?

 

MCD : Cette visite fait suite à une invitation que nous avait adressée la Haitian-American Foundation for Democracy qui voulait en apprendre davantage sur le travail, le processus, et les objectifs que nous poursuivons. Et il devient de plus en plus évident que les Haïtiens ont besoin de leurs compatriotes vivant à l’étranger. Ce voyage fournit la possibilité à la Commission d’associer cette part vibrante d’Haïti à la bataille qui se livre au sein du pays. En découvrant les circonstances dans lesquelles nous vivons, les Haïtiens de la diaspora arriveront à saisir la gravité de la crise que nous affrontons. Aussi édifiante que puisse être la lecture d’un article sur l’insécurité faisant rage en Haïti, l’interaction avec les congénères aux prises avec ces difficultés favorisera une meilleure compréhension de la situation. Bien que nous ayons organisé plusieurs réunions via Zoom avec différentes organisions et leaders de la diaspora, dont celle à laquelle vous avez participé, il ne fait aucun doute qu’une interaction telle que celle-ci permet de renforcer notre relation et d’agrandir le champ de ralliement.

 

Nous devons aussi reconnaître que, outre les questions spécifiques telles que le 4H, la migration, c'est la première fois que se produit une mobilisation aussi exceptionnelle dans la Diaspora sur la vie des Haïtiens vivant en Haïti. Une telle sensibilisation, effectuée peut-être grâce à cette nouvelle dynamique, contribue à faire bouger les lignes. Dans cet esprit, nous désirons, tout d'abord, exprimer notre reconnaissance pour cet accomplissement de taille, et ensuite, explorer ensemble les meilleures avenues nous permettant de partager plus d'informations et de relayer la voix du peuple en souffrance. 

 

 

FDJ: Je constate avec plaisir que trois (3) des quatre (4) membres de la délégation sont des femmes, mais y a-t-il quelqu’un de moins de quarante (40) ans parmi vous ?

 

Ted Saint-Dic : Non. Il nous faut à tout prix éviter de tomber dans le piège du conflit de générations, car une telle attitude pourrait aussi bien s'avérer un positionnement politique. Répartir les rôles selon les classes d'âge constituerait davantage un facteur de division que d'unité au sein du pays. La question est de savoir comment se mettre ensemble pour construire. Nous détenons aujourd’hui cette capacité de rassembler les gens, de réunir toutes les organisations en question pour travailler vers un objectif commun ; prenons la CNEH, par exemple, ou l'Église, des organisations constituées de membres de toutes classes sociales, de tous âges, mais qui ont désigné leurs représentants selon un consensus important et parlant. Ces mandataires sont en pleine possession et plein exercice de leurs capacités physiques ; leur mission n’est pas de défendre un groupe d'âge en particulier, mais de se battre pour tout le pays ayant fait appel à eux. A cet égard, nous avons réuni autant d'organisations populaires possibles, composées essentiellement de jeunes mus par leur droit et leur devoir de citoyen. Et c’est bien la première fois qu’un accord politique au sein de la République d'Haïti comporte une représentation d'organisations populaires avec voix délibérative. Ces jeunes-là ne sont pas des figurants ; ils font partie intégrante du processus de prise de décision. Le mouvement d'unité en Haïti ne peut être entravé par un clivage d'âge, de couleur, de catégorie sociale, de religion. C’est une globalité en marche.

 

Magalie Georges : J’aimerais ajouter que cette bataille concerne, par-dessus tout, les jeunes, qui ont besoin d’un lendemain meilleur. Dans dix (10) ans, Haïti leur appartiendra ; ce sont eux qui détiendront les rênes du pays. La lutte se livre pour eux, avec eux. Par conséquent, les organisations populaires, en substance, un regroupement de jeunes mus par des revendications jouent un rôle d’autant plus primordial dans le rassemblement. En outre, leurs mandataires sont tous deux des universitaires, l’un, ingénieur et l’autre, sociologue, qui, au lieu de s'intégrer avec les organisations propres à leurs domaines respectifs, l'Organisation des ingénieurs et l’Organisation des agronomes, ont choisi de s’allier à des organisations populaires déterminées à ramener le pays à l'ordre. Nous sommes en train de créer le mouvement avec eux, et pour eux. Ainsi, l'expérience d’une génération permettra-t-elle à une autre génération de tirer son épingle du jeu dans l'Haïti de demain. 

 

MC : - Je tiens à réitérer combien la question de la représentation est importante. Tant la représentation des femmes que celle des jeunes. Pour appuyer les arguments soulevés par Ted et Magalie, je tiens à ajouter que 54 % de la population a 24 ans et 70 % fait partie des moins de 30 ans. Donc, c’est un pays jeune. Mais les jeunes eux-mêmes sont ceux qui désertent le pays. Le travail se fait dans le but d’assurer que les jeunes, les ressources humaines essentielles au développement de ce pays, y demeurent.  La lutte est de les inciter à rester au pays. 

 

MCD : Dans le cadre de l’accord, lorsque le Bureau de suivi a contacté les différents partis politiques et les organisations sociales pour leur demander d’envoyer des représentants pour former le CNT, Conseil national de transition, il a été textuellement et expressément spécifié que la priorité soit accordée aux jeunes et aux femmes. Des femmes et des jeunes qui constitueront le corps d'électeurs qui éliront, au second degré, le président et le Premier ministre. Encore une fois, nous devons éviter de tomber dans le piège de l'âgisme, qui est aussi une forme de discrimination. Il n'y a pas de place dans notre lutte pour la discrimination. Être jeune n’est pas une vertu en soi. Tout comme être femme n’est pas une vertu en soi. Le gouvernement de Martelly était composé majoritairement de femmes et de jeunes. La ministre du Tourisme, Stéphanie Villedrouin, n’avait pas encore trente ans lorsqu’elle fut nommée au poste. Martelly et Lamothe étaient relativement jeunes lorsqu’ils occupaient leurs fonctions respectives de président et de Premier ministre. Mais il suffit de parcourir le dossier PetroCaribe du regard pour se rendre compte que la jeunesse n’est pas une vertu en soi. Encore une fois, nous sommes mandatés par des jeunes.

 

FDJ : Que répondez-vous au secteur politique, notamment André Michel, qui soutient que vous voulez supplanter le secteur sur son propre terrain ?

 

TSD : L’Accord est conclu entre la société civile et les partis politiques, comment ces deux entités pourraient-elles donc être en compétition ? Elles se cherchent plutôt une complémentarité. Par ailleurs, il faut aussi noter la spécificité de la lutte à laquelle se livre la société civile. Nous ne menons pas la lutte dans le but de diriger le pays, mais pour formuler des revendications concernant le droit au travail, le droit à la liberté, le droit à la bonne gouvernance, le droit de circuler librement, des revendications nationales qu’il revient aux partis politiques de satisfaire. Il se peut qu’un individu s’exprimant d’une certaine façon et projetant une certaine aura ou une résonance nationale soit inquiétant pour certains, mais jusqu'à présent, nous n’avons jamais eu de candidats entre nous et cela ne risque pas de se produire. Ce n'est pas la solution que nous prônons. Notre rôle est de définir, ensemble, le processus de candidature aux postes de responsabilité et de direction, et non de briguer ces fonctions. Et puisque le CNT se compose de l’ensemble de la société civile et de la majorité des partis politiques, comment une assemblée réunie de la sorte pourrait-elle se conduire à l’évincement des politiques sur leur propre terrain ? Seulement, nous tenons les partis politiques pour responsables de leurs actions et leur inaction passées et nous les empêcherons de répéter les mêmes comportements qui ont conduit le pays dans le gouffre actuel. 

 

MC : Nous sommes confrontés à un échec collectif, mais en grande partie un échec des politiques, et par politiques, je veux dire les politiciens. Nous accumulons des échecs depuis 1986 et la réalité de la crise a engendré en nous un réveil citoyen qui nous pousse à admettre que nous avons tous échoué. Nous enregistrons en ce moment une levée, voire une montée de boucliers, contre les politiques; la classe politique elle-même est perçue comme  ayant échoué de manière radicale. Cependant, il ne s’agit pas d’une confrontation avec le secteur politique, ce n’est pas « nous contre eux », mais plutôt une demande de responsabilité des politiciens que le peuple haïtien a fini par associer à la corruption, à l'impunité, ce qui a contribué au réveil de la société civile. Au lieu de continuer de nous en prendre à eux, de les blâmer, le moment est venu de nous impliquer. Pour souligner le point soulevé plus tôt par Ted, nous attribuons le déclin du pays à leur inaction et leur incompétence, et, pour empêcher que cela ne se reproduise, nous nous immisçons dans son redressement en leur fournissant des directives et des mesures institutionnalisées.

 

MCD : Nous faisons montre d’une humilité totale dans le travail que nous entreprenons. Chacun a sa part de responsabilité dans la situation : soit à cause de par nos actions, soit du fait de notre inaction. Il est toujours choquant de constater à quel point les politiques se montrent agressifs vis-à-vis de leurs électeurs et de leurs électrices que nous sommes. C’est uniquement dans ce contexte actuel que la société civile se trouve épinglée contre le secteur politique. En général, la société civile se dresse face à l'État. Dans les pays développés, nombre de grands syndicats font alliance avec des partis politiques. Nous, citoyens, constituons la société civile, et nous nous rejoignons pour monter des organisations. Lorsque vous nous attaquez, oubliez-vous que nous sommes vos électeurs et vos électrices ? Et après vous viendrez nous courtiser au moment des élections. Si nous autres, en tant que société civile ne vous donnons pas nos votes, vous n’aurez pas de mandat. Je tiens à insister sur la réponse de Ted, à savoir que la Commission elle-même comme entité mandatée pour trouver une solution à la crise n'est pas là pour briguer des postes politiques. Dans son rôle de coordinateur au sein de la CNT, non seulement elle ne peut poser sa candidature, elle n’a pas non plus le droit de désigner un candidat, ni de voter au sein du CNT où elle jouera un rôle de coordination. Le CNT est composé de 52 membres, parmi lesquels 27 sont désignés par des organisations de la société civile et des secteurs sociaux; les 25 autres sont désignés par les politiques. Comment donc supplanterions-nous les politiques ? Au contraire, il nous appartient à tous, citoyens, de nous unir en bloc pour faire face à ce défi énorme qu’aucun secteur, qu’aucun parti ne peut affronter tout seul.

  

FDJ: Quel genre de soutien attendez-vous de la Diaspora?

 

TSD : Nous n'espérons pas de soutien de la Diaspora, pour ainsi dire. Le mot soutien est réducteur du rôle que nous aimerions que la diaspora joue dans le processus, au même titre que les autres secteurs. L’objectif est de nous unir pour construire un bloc, une collectivité, ce que nous pourrons achever par une collaboration plus étroite avec la diaspora. Nous menons tous la même bataille ; la lutte pour une meilleure Haïti est autant la leur que la nôtre.

 

MC :  Et c’est la raison pour laquelle, depuis la création de la Commission, nous nous sommes engagés dans des activités visant à inviter la diaspora à venir regagner sa place au bord de la table ; la réunion à laquelle vous aviez participé fait partie de cette stratégie. Que ce fût au moment de la consultation ou au moment de l’élaboration de l’Accord, nous étions engagés dans un partenariat avec la diaspora. Nous sommes un seul et même pays : nous, en Haïti, eux, en dehors d'Haïti. Nos soucis et nos aspirations sont les mêmes. Le soutien financier de la Diaspora à Haïti est indubitable. 

 

MCD : Pourtant, nous voulons changer cette perception de la diaspora comme un distributeur de billets alors qu’elle prend part à un autre forme d’engagement transversal, visant à changer le pays. C’est ce qui se passe en Haïti : des micro-résistances deleuziennes que la Commission a décidé de mettre en réseau. Et cette même résistance se retrouve aussi dans la diaspora, pour une autre Haïti. Le réseau s’élargit aujourd’hui.

 

MC : Nous sommes en Floride pour rencontrer la société civile de la Diaspora.

 

TSD : Il est facile d'établir que le fondement de notre démarche est le souci d'élargissement du consensus. La même démarche est prévue dans la constitution des organes de l’Accord. On y trouve la Commission, les partis politiques intégrés dans le bureau de Suivi, la société civile, et les organisations populaires. Ce qui nous ramène à la question de l’ouverture. Cette même dynamique se répète dans la constitution du CNT au sein duquel la même composition est observée. De même pour l'Organe de Contrôle qui compte deux (2) représentants de la diaspora. Il a fallu un niveau d'unité impressionnant pour achever un tel mécanisme. On ne peut s’empêcher de se demander comment des groupes divers, de tendances politiques et d’idéologies différentes ont pu se mettre d’accord pour exécuter un tel document. Le résultat de toutes ces négociations, de toutes ces discussions est l’expression d'unité historique d’un moment. Voilà pourquoi nous faisons la sourde oreille à toute propositions consistant à l'amender, à le refaire ou à le dissoudre.

 

MCD : Votre question charrie les marques d’un handicap que nous nous efforçons de combattre: la crise de méfiance qui caractérise la société haïtienne. Un fléau qu’il nous faut éradiquer, non avec des décrets, mais avec des alliances. Étant donné que la Commission dispose de moins de temps pendant cette visite, l'établissement des rapports de confiance s'avère d’autant plus urgent. Plus grand est notre nombre d'alliés, plus efficaces nous serons à court-circuiter l'adversité. Plutôt que de questionner les rôles et les taches de la Commission, convenons de favoriser ses activités.

 

MC : Pour ajouter à la remarque de Magalie, il n'y a pas un groupe, certainement pas un groupe politique, de ceux que nous avons rencontrés qui n’ait soulevé la question de méfiance des haïtiens vis-à-vis des leurs. Même les organisations internationales nous le reprochent. La crise de méfiance est réelle et nos efforts de redressement s’en ressentent. Il est essentiel que nous nous engagions à nous faire confiance. Alors seulement pourrons-nous charpenter et respecter le rôle de chacun au sein de la société.

 

FDJ: Au cas où vous parviendriez à atteindre le plein succès dans votre mission, pouvez-vous décrire votre vision d'Haïti dans dix (10) ans?  

 

TSD : Encore une fois, prière de supprimer la réserve formulée dans la question (rires)... Notre objectif est de réussir. Et la tâche n’incombe pas seulement à la Commission, au Bureau de suivi ou à ce courant de mouvement actif. Nous visons à créer un espace permettant au pays de se prendre en main. La première victoire serait pour Haïti de recouvrer sa souveraineté. Cette concrétisation donnerait lieu à un flux d'intégration sociale, une montée d'activités économiques, une amélioration des rapports interpersonnels, une ruée d'avancées sociétales. Nous œuvrons à fournir au peuple les outils nécessaires lui permettant de s’inspirer pour pouvoir écrire une nouvelle constitution et définir son propre contrat social. L’erreur courante est de présumer que le peuple est inapte à défendre ses intérêts, qu’il lui faut des têtes pensantes pour définir ses règles de société. La dynamique sociale qui est à l'œuvre nous procure cette ouverture. Si nous arrivons à saisir cette ouverture et à réussir complètement en dépit des obstacles connus, le pays sera en mesure de mener des élections autonomes, avec la participation populaire adéquate favorisant la désignation des dirigeants de l’État, définir des programmes d'économie et, de ce point, si le manque de ressources se fait sentir, négocier l’obtention des ressources nécessaires avec les puissances étrangères dans l’autonomie et dans la souveraineté. La prochaine étape, l'épanouissement des Haïtiens dans leur propre pays, est aussi importante. Qu’ils cessent de déserter leur pays, qu’ils y bâtissent des ressources, qu’ils se partagent ces ressources équitablement au lieu de voir un groupe en particulier les leur ravir. Cette vision n’est pas l’apanage de la Commission.  Elle appartient au peuple qui se bat depuis deux siècles à cette fin. Bien qu’il ait acquis son indépendance, sa liberté, la question du partage de la richesse nationale, de coresponsabilité, de la copropriété du pays lui échappe continuellement ; il se trouve toujours des groupes prêts à se positionner pour s’approprier les ressources. L’union du peuple haïtien dans cette lutte vers cet objectif commun nous sera salutaire. Ensemble, nous pourrons enfin embrayer vers une meilleure Haïti. Certes, cette dynamique de construction nous fait à présent défaut, mais une fois la notion du bien commun restaurée, les Haïtiens n’auront plus aucune raison de fuir leur pays.

 

Frandley Denis Junior

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