Le coronavirus, une affaire de gène aussi ?

Jusqu’à présent, on avait constaté que les principales victimes du coronavirus étaient des personnes âgées ou déjà malades. D’après une étude internationale menée cet été (1), il y a un troisième groupe à risque : les Occidentaux et les Asiatiques.

Il ne fait pas de doute que la pandémie fait plus de victimes parmi les populations européennes, américaines et asiatiques. D’abord, on avait supposé que c’était la chaleur tropicale qui faisait que les Africains contractaient moins facilement le virus que les Occidentaux. Ou encore la jeunesse de la population. Ce n’est pas tout. Une étude internationale à grande échelle a montré qu'un groupe de gènes sur le chromosome 3 est responsable du risque accru de contacter la Covid-19 chez certaines populations.

Hugo Zeberg et Svante Pääbo (2), deux scientifiques suédois de l’Institut Karolinska à Sotckholm et de l’Institut Max Planck d'anthropologie évolutive de Leipzig ont maintenant analysé le groupe de gènes en question que les chercheurs associent au virus du SRAS-CoV-2. Les Suédois ont découvert que la version du groupe de gènes associée à ce risque accru est très similaire aux séquences d'ADN correspondantes d'un Néandertalien de 50 000 ans originaire de Croatie. « Il a été démontré que les humains modernes ont hérité de cette variante génétique des Néandertaliens lorsqu'ils se sont mélangés les uns aux autres il y a environ 60 000 ans », a expliqué Zeberg à la « Deutsche Welle » (2 octobre 2020). Pour ces scientifiques, c’est une évidence. Ils ont fait un lien entre les descendants des Néandertaliens (Européens et Asiatiques) et la maladie. « La probabilité que les personnes qui ont hérité de cette variante génétique aient besoin de la respiration artificielle lorsqu'elles sont infectées par le nouveau coronavirus Sars-CoV-2 est environ trois fois plus élevée ».

L'étude montre également des différences significatives dans la distribution de cette variante de risque génétique dans différentes parties du monde. La mutation du gène que l'homme de Neandertal a transmis à l’homme moderne est particulièrement fréquente chez les habitants de l'Asie du Sud, où environ la moitié de la population porte la variante néandertalienne dans son génome. En Europe, une personne sur six a hérité de la variante à risque, tandis qu'en Afrique et en Asie de l'Est, elle est presque inexistante. 50 % d’Asie du Sud-Est ou 16 % des Européens ont donc en commun ce morceau d’ADN qui vient de l’homme de Neandertal. C’est quasiment nul chez les Africains puisqu’on affirme que seulement 2 % des Africains auraient un segment d’ADN de Neandertal.

Selon Stephan Schiffels, de l'Institut Max Planck d'histoire de l'humanité, il s'agit d'une mutation dans un seul gène qui affecte la probabilité d'une évolution plus grave de la Covid-19 grave. Ce scientifique étudie l'histoire des populations et juge l'étude très convaincante. Celle-ci permet, selon lui, d'approfondir l'étude du génome humain.

Éteints depuis 35.000 ans

La ressemblance génétique entre les Néandertaliens et les hommes modernes a déjà été établie. En 2010, Svante Pääbo et son équipe ont réussi à reconstruire une première version du génome de Neandertal. La base était constituée d'os vieux de plusieurs dizaines de milliers d'années. Il a comparé les génomes de Neandertal avec ceux des humains modernes. L'une des conclusions était qu'il y a environ 2 % d'ADN de Néandertal en nous (il fait allusion aux Occidentaux), et cela aurait influencé l'évolution humaine.

Ceci a renforcé le système immunitaire des porteurs, révèlent les scientifiques. Mais il contribue aussi à les rendre sensibles à un certain nombre de maladies - dont la COVID-19, si l’on se réfère à la dernière étude des deux Suédois.
« Et maintenant, avec le SRAS-CoV-2, on se rend soudain compte que cette mutation, que nous portons en nous depuis des dizaines de milliers d'années, n'a encore rien provoqué de mal chez les Africains. Mais maintenant, dans cette maladie COVID-19, elle a cet effet tragique », dit Schiffels. « L'étude aboutit à de nombreux résultats intéressants sur notre origine, sur nos ancêtres. Nous pouvons en apprendre beaucoup sur le passé humain, mais les effets cliniques directs sr la Covid-19 ne l’ont pas fait ».

« L'étude tente de découvrir en quoi le génome de Neandertal diffère du génome humain actuel et où nous avons hérité du même génome, indique Schiffels. Je le considère comme une autre pièce du puzzle en ce qui concerne nos origines et des questions : d’où venons-nous ? Comment fonctionne l’origine humaine ? Il s’agit d’un aperçu abstrait, qui, à première vue, n’est d’aucune utilité directe, mais qui est étonnamment pertinent grâce à l’actuelle existence de la Covid-19 ». Les recherches vont se poursuivre.

Selon l’Institut Max Planck, l'étude ne fournit pas d'explication quant aux raisons pour lesquelles les personnes possédant cette variante génétique présenteraient un risque plus élevé d'infections par COVID-19. « Il est frappant de constater que le patrimoine génétique des Néandertaliens a eu des effets aussi tragiques au cours de la pandémie actuelle. Il faut maintenant enquêter le plus rapidement possible sur les raisons de cette situation », a déclaré Svante Pääbo dans un communiqué de presse de l'Institut Karolinska de Stockholm.

Éteints depuis 35.000 ans, les Néandertaliens sont les plus proches parents des personnes vivant aujourd'hui. Les plus anciens Néandertaliens connus ont vécu il y a environ 400 000 ans. Ils ont colonisé l'Europe, le Moyen-Orient, l'Asie centrale et la Sibérie occidentale. « LesNéandertaliensont vécu en Europe et en Asie pendant près d’un demi-million d’années avant que l’homme moderne n’entre en Eurasie », précise Hugo Zeberg, un des auteurs de l’étude sur la « Deutsche Welle » (5 octobre 2020). Selon des études récentes, l’Homo Sapiens aurait quitté le continent africain 150 000 ans plus tôt qu’on l’avait supposé pour s’établir en Europe. C’est tout au moins ce que les trouvailles archéologiques, paléontologiques et génétiques ont dévoilé.

Huguette Hérard

N.D.L.R.
1) Source : Institut Max Planck, 30 septembre 2020
2) Le neurobiologiste Hugo Zeberg a déjà publié plusieurs articles sur la recherche sur l'homme de Néandertal. Svante Pääbo est considéré comme le fondateur de la paléogénétique.

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