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Chers compatriotes et amis de partout,
Je me réjouis de pouvoir être en votre compagnie pour célébrer le 220e anniversaire d'un des plus importants moments de l'histoire de l'humanité. Il s'agit d'un événement qui bouleversa l'ordre mondial existant. Ce qui se passa sur l'île caraïbéenne de Saint-Domingue le 18 novembre 1803 devrait avoir sa place dans tous les manuels d'histoire parmi les faits marquants du début du 19e siècle. Ce que nous célébrons ensemble aujourd'hui n'est ni une simple insurrection ni une rébellion parmi tant d'autres. La Bataille de Verrières mérite d'être relatée en lettres d'or dans l'histoire de l'humanité puisqu'elle se solda par la victoire qui donna au monde la seule et unique révolte d'esclaves victorieuse de toute l'histoire.
En commémorant avec grande fierté la Bataille de Verrières, nous célébrons l'invincibilité de tout peuple qui s'attache à ses traditions ancestrales et à son humanité. Toutefois, l'esclavage continua d'exister après la défaite de la France à Vertières. Une injustice qui change de nom demeure une injustice. Les générations se succèdent et les discours se modernisent. Mais l'exploitation de l'humain par l'humain persiste. Les choses n'ont pas vraiment changé depuis le 18 novembre 1803. Voilà ce qui explique que notre Vertières ne soit pas un joyau du patrimoine de l'humanité.
En effet, on ne peut pas s'empêcher de reconnaître que le 18 novembre n'est pas une date commémorée ou même mentionnée en dehors des frontières d'Haïti ou des communautés haïtiennes dans la diaspora. C'est que ce monde si épris de liberté, de justice et de démocratie, n'a jamais jugé bon d'acclamer la victoire qui marqua le début de la fin de l'ordre mondial esclavagiste, et la naissance du premier État noir souverain du Nouveau Monde.
Le 18 novembre de chaque année devrait être commémoré par toutes les nations comme étant le jour où, en l'an 1803 à Vertières, Jean-Jacques Dessalines, à la tête d'une armée d'esclaves révoltés, infligea une claire et humiliante défaite aux troupes esclavagistes de la France, commandées par le général Rochambeau. Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui encore, ont du mal à digérer cette éloquente leçon d'humilité, et ce remarquable triomphe de la dignité humaine. Mais Vertières appartient d'abord et avant tout aux Haïtiens. C'est notre histoire. C'est notre identité. Nous avons de véritables héros que nous devons honorer fièrement. C'est à Vertières que la porte de la liberté s'ouvrit pour le monde entier. C'est à nous d'être fiers de notre précieuse identité, et de rappeler au monde que la liberté naquit à Vertières le 18 novembre 1803.
La Bataille de Vertières est un événement historique de très grande importance qui appartient d'abord et en tout premier lieu à la nation haïtienne. Mais elle appartient aussi d'une manière assez significative à l'espèce humaine dans son ensemble, car elle signala le début de la fin d'une ère. Avec la défaite irréversible de l'armée esclavagiste de la France, l'ordre mondial esclavagiste se trouva gravement atteint, et ne tarda pas à succomber. Quant à notre Haïti, ce fut le mauvais exemple. Et nous voici aujourd'hui. Notre chère Haïti est réduite aujourd’hui à sa plus simple expression.
À présent, toutes les humiliations ressemblent au pays qui, le premier janvier 1804, porta si fièrement l'étendard de la liberté. Pourtant, la Bataille de Vertières qui représente le triomphe de la bravoure contre la tyrannie peut encore nous inspirer. Nos ancêtres n'avaient pas choisi l'esclavage. Ils l'ont vaincu en s'unissant et en comptant sur eux-mêmes. Nous n'avons pas choisi l'isolement et le mépris. C'est aussi en nous unissant et en comptant d'abord sur nous-mêmes que nous parviendrons à nous imposer. Je vous invite tous à célébrer le 220e anniversaire de la Bataille de Vertières avec beaucoup de fierté.
Lesly Condé