Les violences armées qui règnent dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince affectent dramatiquement l’accès aux écoles, notamment dans les quartiers précaires de la Saline, Cité Soleil, Matissant, Bel-Air, Carrefour Feuille, ect. Selon les dernières observations de Monsieur William O’Neill, Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti, plus de 500.000 enfants sont privés des salles de classe. Beaucoup d’entre eux y sont empêchés à cause des violences dans leurs quartiers, aux environs de leur école, ou de l’occupation des espaces scolaires par des groupes armés qui en font des bases.
En effet, depuis après le 13 octobre 2023, le Lycée national de la saline et l’établissement des pères salésiens ainsi que de nombreuses institutions d’enseignement communautaire ou privée de Cité Soleil, de La Plaine du cul-de-sac et autres sont séquestrées et occupées par des groupes armés qui en font leur stationnement. Ce qui constitue une violation grave des droits de l’enfant au regard de la résolution 1612 du conseil de sécurité des Nations Unies en période de conflit armé. Les enfants de l'École des sœurs salésiennes ont été bloqués dans l’établissement pendant plus de deux jours ; ils n’ont jusqu'à présent pas pu retourner en classe depuis leur évacuation grâce à la vigilance de CPD et de l’UNICEF le 15 octobre 2023.
Toutes les écoles des quartiers de Martissant, Fontamara et Village de Dieu n’ont pas fonctionné depuis deux ans ; des dizaines d'établissements scolaires de la commune de la Croixdes-Bouquets ont fermé leurs portes ; à la Saline, les récents conflits armés ont contraint les écoles à fermer leurs portes. C’est la même situation qui se répète au Bel-Air, à Solino, à la Croix des missions et aussi à Carrefour-Feuille où des milliers d’enfants ont dû fuir leur maison pour se réfugier dans des camps de fortune. Mariani est le dernier quartier à subir la loi des groupes armés depuis la semaine du premier novembre 2023 où toute la population fuit pour échapper à l’invasion des bandits armés et les écoles sont fermées.
La population assiste avec impuissance et amertume la descente aux enfers de la situation sécuritaire et l’occupation des espaces scolaires par des bandes armées. Malgré ce tableau macabre, les autorités du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle n’ont annoncé aucune mesure visant à offrir des alternatives aux enfants. Pendant que d’autres écoles dans les quartiers plus aisés continuent de fonctionner, celles des quartiers populaires ferment leurs portes.
C’est une situation qui augmente les disparités entre les enfants et qui conduit à une société inégalitaire, source de tensions permanentes entre les groupes sociaux.
À l’occasion de la journée mondiale de l’enfance, le 20 novembre 2023, le Combite pour la Paix et le Développement lance un cri d’alarme et enjoint les responsables de l’État à tout mettre en œuvre pour rétablir les droits aux enfants à l’éducation. Ils doivent trouver des moyens pour reloger les écoles publiques des zones précaires dans des espaces sécurisés et mettre à disposition des enfants et des parents des moyens de transport et d’autres incitatifs pour faciliter l’accès aux cours.
CPD tient à rappeler que depuis août 1994, Haïti a ratifié et adopté la Convention sur les droits des enfants qui fait obligation à l’Etat de protéger les droits des enfants et de tout mettre en œuvre afin de faciliter leur réalisation. Par conséquent, les détenteurs d’obligations doivent, tôt ou tard rendre compte de leurs actions en faveur des droits de l’enfant. Il est inconcevable que sous nos yeux les écoles soient transformées en casernes des groupes armés ou abris pour les personnes déplacées internes à cause de l’insécurité.
CPD rappelle que l’éducation est le moteur de la socialisation des enfants et le levier pour un changement social, et la construction d’une société avec égalité des chances pour tous les enfants. Le non-accès à l’éducation fait obstacle aux intérêts supérieurs des enfants et compromet le développement de la société.
Par conséquent le Combite pour la Paix et le Développement invite les détenteurs d’obligation à agir vite pour rétablir les enfants dans leurs droits et à définir les bonnes stratégies pour stopper les diverses violations des droits humains que subissent les enfants en Haïti. Nous invitons également les acteurs de la société civile ainsi que la communauté internationale de porter mains fortes pour que nos enfants puissent retrouver leurs salles de classe.
Godson Lubrun