Principaux faits
- On estime qu’il y avait, en 2019, 272 millions de migrants internationaux (1). Les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière sont un motif de préoccupation particulière et ont besoin de protection et de soutien.
- Les migrants et les réfugiés peuvent être exposés à divers facteurs de stress qui nuisent à leur santé mentale et à leur bien-être avant et pendant leur parcours migratoire et pendant leur installation et leur intégration.
- La prévalence de troubles mentaux courants tels que la dépression, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique est généralement plus élevée chez les migrants exposés à l’adversité et chez les réfugiés que parmi les populations d’accueil.
- De nombreux migrants et réfugiés n’ont pas accès aux services de santé mentale ou se heurtent à des obstacles pour en bénéficier. Ils sont également pénalisés par des perturbations dans la continuité des soins.
- Pour répondre aux besoins en santé mentale des migrants et des réfugiés, il faudrait organiser des programmes de promotion et de prévention inclusifs et accessibles, renforcer la santé mentale dans le cadre des services de santé généraux et assurer un diagnostic, un traitement et une réadaptation en temps opportun.
- Les migrants et les réfugiés apportent une contribution positive à la société, mais ils ne peuvent atteindre leur plein potentiel que s’ils sont en bonne santé physique et mentale.
Problèmes et facteurs de stress affectant les migrants et les réfugiés
Les migrants et les réfugiés connaissent souvent différents problèmes et facteurs de stress à une étape ou l’autre du processus de migration :
Avant la migration elle-même : manque de moyens de subsistance et manque d’accès à l’éducation et au développement ; exposition aux conflits armés, à la violence, à la pauvreté et/ou aux persécutions.
Pendant le voyage ou en transit : exposition à des conditions difficiles voire susceptibles d’entraîner la mort, notamment à la violence et à la détention, et manque d’accès aux services nécessaires pour satisfaire à leurs besoins fondamentaux.
Après la migration : obstacles dans l’accès aux soins de santé et à d’autres services permettant de répondre à leurs besoins fondamentaux et mauvaises conditions de vie, séparation d’avec les membres de la famille et les réseaux de soutien, incertitude éventuelle quant au permis de travail et au statut juridique (demande d’asile) et, dans certains cas, rétention administrative.
Intégration et installation : mauvaises conditions de vie ou de travail ; chômage ; difficultés d’assimilation ; difficultés en lien avec l’identité culturelle, religieuse ou de genre ; difficultés à faire valoir ses droits à prestations ; changement de politiques dans le pays d’accueil ; racisme et exclusion ; tensions entre la population d’accueil et les migrants et les réfugiés ; isolement social et éventuelle expulsion.
Facteurs de risque et de protection face aux troubles mentaux
Tous les facteurs de stress mentionnés ci-dessus peuvent accroître le risque de développer des troubles mentaux. Par exemple, le chômage, les mauvaises conditions socioéconomiques et le manque d’intégration sociale auxquels se heurtent les migrants comme les réfugiés sont des facteurs de risque de troubles mentaux tels que la dépression. Ils peuvent aussi aggraver des problèmes sociaux ou de santé mentale préexistants.
Parmi les différents facteurs qui nuisent à la santé mentale et au bien-être des enfants migrants et réfugiés, on peut citer le dénuement socio-économique, la discrimination, le racisme, le manque de cohésion familiale ou encore les changements fréquents d’école. Les enfants qui ont été séparés de leurs parents migrants courent un risque accru de développer une dépression, de l’anxiété, des idées suicidaires, un trouble des conduites et des problèmes d’usage de substances psychoactives.
D’autre part, l’impact des facteurs de stress peut être atténué par des facteurs de protection tels que l’accès à l’emploi et aux services, le soutien social, la maîtrise de la langue du pays d’accueil et le regroupement familial. Chez les enfants réfugiés réinstallés, les facteurs de protection sont notamment un niveau socio-économique plus élevé, l’accès à l’éducation, un sentiment de sécurité, des contacts avec la famille, le fait de vivre et de se socialiser auprès d’autres personnes de la même origine ethnique, la stabilité et la cohésion de la structure familiale et la bonne santé mentale des parents.
Prévalence des troubles mentaux
De nombreux migrants et réfugiés peuvent ressentir une détresse psychologique (se traduisant par exemple par de l’anxiété et de la tristesse, du désespoir, des troubles du sommeil, une lassitude, de l’irritabilité ou de la colère et/ou des douleurs). Chez la plupart d’entre eux, ces réactions s’atténueront avec le temps.
Certaines études indiquent que la prévalence de troubles mentaux courants tels que la dépression, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique est généralement plus élevée chez les migrants exposés à l’adversité et chez les réfugiés que parmi les populations d’accueil. Le risque de suicide est souvent majoré chez les demandeurs d’asile. Les données tendent également à montrer que, dans plusieurs pays, l’incidence des psychoses est plus élevée chez les populations migrantes, ce que l’on a pu relier à l’effet cumulé des désavantages sociaux subis avant, pendant et après la migration.
Répondre aux besoins en santé mentale des migrants et des réfugiés
Une approche globale, multidisciplinaire et inclusive est nécessaire pour répondre aux besoins en santé mentale des migrants et des réfugiés.
Vaincre les obstacles à l’accès aux soins de santé mentale
Pour lever ces freins, il faut :
- fournir des renseignements clairs sur les droits aux prestations de soins de santé mentale et sur la façon d’y accéder (en indiquant par exemple s’il faut passer par les centres d’accueil, les services de sensibilisation communautaire ou les écoles ou si ces prestations sont assurées dans un cadre religieux ou culturel) ;
- sensibiliser les groupes à risque (par exemple les mineurs non accompagnés, les personnes handicapées, les personnes qui se considèrent comme LGBTIQ+) ;
- faciliter l’accès à des soins d’un coût abordable, sans discrimination et indifféremment du statut juridique, en veillant à la couverture financière des services et soins de santé mentale ;
- faciliter la communication (notamment en recrutant des interprètes et des médiateurs culturels) ;
- fournir des soins centrés sur la personne, dans le respect des différences culturelles ; et
- mobiliser les différents secteurs et systèmes (par exemple, forces de l’ordre ou services de protection, services sociaux ou secteur de l’éducation) afin que les considérations de santé mentale soient pleinement prises en compte, qu’un soutien soit apporté dans ce domaine et que les personnes soient aiguillées vers des services de santé mentale auxquelles elles aient effectivement accès.
Intégrer la santé mentale dans les soins de santé primaires
En faisant en sorte que les soins de santé mentale soient accessibles dans le cadre des soins généraux, on peut mieux identifier les migrants et les réfugiés qui sont atteints de troubles mentaux et améliorer aussi l’accessibilité et le rapport coût/efficacité des soins (à ce sujet, voir par exemple, le Guide d’intervention humanitaire et le Guide d’intervention pour la prise en charge des troubles mentaux, neurologiques et liés à l’utilisation de substances psychoactives dans les structures de soins non spécialisées, publiés par le programme mhGAP de l’OMS). La mise en œuvre des interventions peut nécessiter de s’adapter aux populations migrantes et réfugiées afin de tenir compte de considérations linguistiques et culturelles. Il faut aussi veiller à ce qu’elles soient conformes aux lignes directrices et politiques nationale applicables dans le pays d’accueil en matière de santé mentale.
Assurer la continuité des soins
Une considération importante, lorsque l’on dispense des soins de santé mentale, est la durée de séjour des migrants ou des réfugiés dans le pays d’accueil. Il est possible d’améliorer la continuité et la qualité des soins de santé mentale prodigués aux migrants et aux réfugiés en déplacement en créant des protocoles internationaux destinés à assurer la continuité des soins, en améliorant la communication entre les différents prestataires de services sociaux et de santé mentale et en communiquant aux migrants et aux réfugiés, sous forme écrite, les principales informations, qu’ils pourront emporter avec eux et faire connaître aux différents prestataires.
Agir sur les déterminants sociaux et promouvoir l’intégration sociale et l’inclusion
Il faut éviter de suivre les politiques de gestion des migrations dont l’expérience a montré qu’elles ont des répercussions négatives sur le bien-être mental des migrants (et, par exemple, ne pas séparer les familles et les enfants). L’égalité d’accès aux possibilités d’emploi et au travail décent, à la formation professionnelle, au soutien financier, aux services de protection sociale et aux services de police et de justice ainsi qu’aux soins de santé mentale et au soutien psychosocial peut faciliter l’intégration sociale des migrants et des réfugiés. La reconnaissance des compétences et des qualifications obtenues avant la migration peut aussi contribuer à l’intégration de ces personnes dans le secteur de l’emploi. Plusieurs activités ou événements permettent de promouvoir l’inclusion sociale des migrants et des réfugiés, notamment des forums communautaires ou des programmes de mentorat entre pairs organisés par des membres de groupes de réfugiés ou de migrants déjà bien intégrés dans la communauté locale. Les demandeurs d’asile appellent une attention particulière.
Action de l’OMS
L’OMS est l’institution internationale cheffe de file chargée de fournir des conseils techniques en matière de santé mentale.
Elle a élaboré un Plan d’action mondial pour promouvoir la santé des réfugiés et des migrants 2019-2023, que l’Assemblée mondiale de la Santé a approuvé en mai 2019. Le Plan d’action mondial présente une série de grandes priorités et de principes directeurs pour promouvoir la santé des migrants et des réfugiés et contribuer à atteindre le but du Programme de développement durable à l’horizon 2030 : ne laisser personne de côté. Le Plan d’action mondial souligne que les nombreux obstacles auxquels les migrants et les réfugiés se heurtent dans l’accès aux services de santé peuvent aggraver les problèmes de santé mentale.
Le Plan recommande au Secrétariat d’agir sur certaines priorités et de prendre une série de mesures, en coordination et en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et d’autres partenaires concernés.
Par ailleurs, en mai 2021, l’Assemblée mondiale de la Santé a adopté une mise à jour du Plan d’action global pour la santé mentale 2013-2030, dont le but général est de promouvoir le bien-être mental, de prévenir les troubles mentaux, de dispenser des soins, d’améliorer les chances de guérison, de promouvoir les droits humains et de réduire la mortalité, la morbidité et le handicap chez les personnes atteintes de troubles mentaux.
L’OMS s’engage à soutenir les États Membres dans les efforts qu’ils déploient pour promouvoir la santé physique et mentale des migrants et des réfugiés en renforçant les services de santé, comme il convient et comme cela est acceptable en fonction des contextes nationaux et des situations financières, et conformément aux priorités nationales, aux cadres juridiques et aux compétences. L’OMS s’engage également à inclure les composantes essentielles, y compris la fourniture de traitements et de soins pour les troubles de la santé mentale et du comportement.
Conformément au Plan d’action mondial, l’OMS intervient en santé mentale dans tout un ensemble de pays et de territoires qui accueillent un grand nombre de migrants et de réfugiés : Bangladesh, Colombie, Iraq, Jordanie, Liban, Libye, Ouganda, Pakistan, Soudan du Sud, Soudan et Turquie.
L’OMS entretient des relations de travail étroites avec d’autres partenaires des Nations Unies, notamment le HCR et l’OIM en vue de répondre aux besoins de santé mentale des migrants et des réfugiés.
Elle copréside le Groupe de référence du Comité permanent interorganisations pour la santé mentale et le soutien psychosocial dans les situations d’urgence, qui fournit des conseils et un soutien aux organisations qui interviennent dans les urgences et contribue à garantir que l’action en matière de santé mentale soit coordonnée et efficace. Les situations d’urgence entraînent souvent des déplacements et engendrent des réfugiés ou des déplacés intérieurs.
Les conseils et outils de l’OMS sont utilisés par la plupart des organisations internationales d’aide humanitaire actives dans le domaine de la santé mentale. Avec ses partenaires, l’OMS élabore des outils pratiques et des lignes directrices pour répondre aux besoins que les personnes se trouvant en situation d’urgence peuvent ressentir dans ce domaine, y compris les migrants et les réfugiés.
Source: OMS