Panel Lindor obtient un doctorat en droit à la Sorbonne

Jeudi 16 janvier 2025, Paris. Peu avant 14 heures, des Haïtiens élégamment vêtus foulent le pavé avec une détermination visible, passant devant l’université Sorbonne Panthéon, où reposent les grands noms que l’État français honore. Non loin, se dressent la bibliothèque Saint-Geneviève et la mairie du cinquième arrondissement de Paris. Leur démarche empreinte de fierté, mène ces expatriés à soutenir leur compatriote, M. Panel Lindor, qui s’apprête à accomplir son dernier grand devoir universitaire : la soutenance de sa thèse de doctorat.

Au deuxième étage de l’Université Panthéon-Sorbonne, les couloirs adjacents à la salle 16 sont en effervescence. La présentation de thèse est une étape fondamentale dans le parcours d’un doctorant, marquée par une préparation minutieuse et un protocole rigoureux.

M. Panel Lindor, consul général fait son entrée, vêtu d’un élégant costume bleu marine. Parmi l’assistance se trouvaient des personnalités notables, dont M. Louino Volcy, chargé d’affaires à l’ambassade de la République d’Haïti en France.

Une dame, vêtue de noir, annonce l’arrivée des membres du jury, composé de cinq personnes dont une femme (1).  La présidence est assurée par M Loïc Cadiet directeur de thèse, qui, bien que n’étant pas physiquement présent, suit et intervient à distance via un écran illustrant ainsi la puissance de la technologie moderne, véritable révolution dans les pratiques académiques. La composition du jury garantit une diversité d’opinions et de perspectives. La présence d’au moins la moitié des membres extérieurs à l’établissement assure une évaluation objective, évitant tout biais institutionnel.

La session débute par une série de questions posées par les membres du jury. Mme Jocelyne Leblois-Happe ouvre le dialogue en félicitant l’impétrant pour la qualité de son travail, soulignant les dix années de recherches qui l’ont conduit à ce moment décisif. Tout en émettant quelques remarques constructives concernant quelques erreurs mineures relevées dans le travail de mémoire, elle maintient un ton bienveillant, fidèle à l’esprit des échanges académiques lors de telles occasions.

Une atmosphère rigoureuse

Le dialogue se poursuit dans une atmosphère à la fois rigoureuse et respectueuse, où les membres du jury interrogent le titulaire sur les aspects clés de son mémoire intitulé « Le système judiciaire haïtien à l’épreuve du droit au procès équitable », dirigée par M. Loïc Cadiet. Panel Lindor, brillant dans ses réponses, enrichissait ses réponses en citant des exemples concrets et en se référant aux normes internationales. Il ne manque pas de faire des rappels historiques pertinents et bien documentés. Les échanges reflètent une véritable conversation intellectuelle, mettant en valeur le sérieux et la profondeur du travail accompli.

Les experts apportent une perspective enrichissante en s’appuyant sur leurs propres expériences académiques ou professionnelles. Cette diversité favorise une critique constructive et contribue à élever la qualité scientifique de son travail. Le président, désigné parmi les membres, occupe une position clé. En tant que professeur des universités ou assimilé, il apporte une expertise académique reconnue. Il est chargé de veiller au respect des règles de la soutenance et joue un rôle d’arbitre dans les discussions. Sa présence confère également une dimension solennelle à l’événement.

Bien qu'il ait guidé le doctorant tout au long de ses recherches, le directeur de thèse s’abstient de participer à la décision finale afin d’éviter tout conflit d’intérêts et de garantir l’indépendance de l’évaluation. Toutefois, son rôle dans les échanges est crucial, car il peut éclairer le jury sur certains aspects techniques ou méthodologiques du travail. La délibération qui suit la présentation est un moment décisif, car elle aboutit à un verdict concernant la qualité scientifique de la thèse et son apport au domaine étudié. »

L’indépendance des membres du jury dans cette décision est essentielle pour préserver l’intégrité du processus. La soutenance est non seulement un examen, mais aussi une opportunité pour le doctorant de défendre ses idées, démontrer sa maîtrise du sujet et répondre aux critiques. Une préparation approfondie, incluant une compréhension claire des attentes du jury et des capacités à répondre aux questions, est primordiale. La défense de thèse n’est pas seulement un passage obligé, mais un moment de reconnaissance et de validation du travail accompli. Elle symbolise l’aboutissement d’années de recherche et marque une transition vers de nouvelles responsabilités dans le monde académique ou professionnel. Le protocole strict qui l’entoure est garant de l’équité, de la rigueur et de la valeur scientifique du titre de docteur.

Dans la continuié de Monferrier Dorval

Cet événement représente pour moi une expérience mémorable, car il s’agissait de ma trente-deuxième séance de soutenance à laquelle j’assistais. Cette épreuve va au-delà du cadre purement académique, incarnant l’excellence intellectuelle de nos compatriotes et leur engagement indéfectible à poursuivre et valoriser des réalisations d’une portée internationale.

Notre présence nombreuse à cet événement n’était pas une simple formalité, mais un acte de reconnaissance envers ceux qui, par leur travail acharné, contribuent à projeter une image positive d’Haïti. Avec cette présentation, nous franchissons un cap symbolique car elle s’inscrit dans une continuité, y compris celle du regretté Monferrier Dorval, figure emblématique du savoir et de la réflexion haïtienne, qui avait soutenu sa thèse sur l’administration publique haïtienne, le 8 juillet 1992, à Aix-en-Provence.

Au-delà des chiffres, ce moment revêtait une portée symbolique et émotionnelle profonde. Il s’agissait d’affirmer notre attachement à la quête du savoir et au rayonnement intellectuel de notre nation. Ces instants de célébration intellectuelle enrichissent collectivement l’image d’Haïti à l’échelle mondiale, tout en honorant les victoires individuelles de ceux qui portent fièrement le flambeau du savoir.

Dans un contexte où la médiocrité envahit trop souvent la scène nationale, ces exposés sont comme de véritables bouffées d’oxygène. Elles rappellent que notre lumière intellectuelle brille encore, même au cœur des ténèbres qui assombrissent parfois notre histoire contemporaine. Ces événements ne célèbrent pas uniquement la rigueur académique, mais aussi la fierté nationale et la résilience face aux défis.

En assistant à cette soutenance, je ne me contentais pas d’encourager un compatriote : j’ajoutais ma voix à un chœur collectif, tissant des ponts entre Haïti et le reste du monde, tout en promouvant un héritage intellectuel dont nous devons être fiers.

Panel Lindor, ancien collègue au Consulat Général de la République d’Haïti et ami cher, incarne cet engagement et cette excellence. En célébrant cette réussite, nous honorons les valeurs qui définissent notre nation : la résilience, le talent et l’excellence.

Ce moment à la Sorbonne n’était pas simplement une soutenance académique mais un acte de foi en notre capacité, en tant que peuple, à continuer d’éclairer le monde, même dans ses heures les plus sombres.

Après deux heures d’intenses échanges autour du travail de Lindor, le président du jury annonce enfin la fin des débats. Il demande alors à l’auditoire de sortir afin que le verdict puisse être délibéré. Une employée procède à l’évacuation de la salle. À peine dix minutes plus tard, on nous invite à revenir. La dame aux talons aiguilles fait son retour et, avec emphase, nous demande de rester debout, car le président du jury va rendre son verdict. Sans trop de suspense, Panel Lindor obtient la mention la plus élevée et sa thèse fut jugée digne de publication.

Maguet Delva

Notes

(1)Le jury était constitué du directeur de thèse M Loïc Cadiet et des rapporteurs M Renaud Bourget et Mme Jocelyne Leblois-Happe. M. Thomas Clay, président du jury  et M. Luis-Miguel Gutierre examinateur.

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