Dans la perspective de l'organisation des prochaines élections générales en Haïti qui devraient renouveler le personnel politique en Haïti, quelles seront les nouvelles responsabilités mystiques des futurs candidats ou dirigeants qui sortiront gagnants et gagnantes de ces compétitions, en sachant que les morts représentent un élément central dans les activités mystiques, tant dans les traditions culturelles et religieuses, que dans les luttes de pouvoir ?
Devant ces dizaines, ces centaines et milliers de morts que le pays compte dans les différentes institutions sociales et les collectivités locales, il faudrait inévitablement inscrire un nouveau chapitre dans les prochains documents de campagne électorale, dans les futurs discours et dans l'agenda des promesses électorales qui seront à l'ordre du jour.
Devenir chef, officiel ou responsable d'État en Haïti, se confirme avant toute chose dans le présent et le futur d'Haïti, comme une véritable mystique visant à réparer la mémoire de tous les morts que chacune des familles d'ici et d'ailleurs continue de compter ?
Des secteurs religieux, parmi les plus proches des pratiques mystiques en Haïti, qui sont déjà représentés au sein des organisations électorales, autant que les autres qui vont se faire représenter dans les différentes institutions politiques et pendant la prochaine campagne électorale, se doivent à tout prix de définir une charte ou un engagement en lien avec les prochaines responsabilités mystiques des futurs dirigeants haïtiens ?
Dans l'histoire d'Haïti, il est pratiquement impossible de dissocier deux des plus importantes institutions sociales qui dirigent, qui dominent, qui divisent et déterminent les grandes orientations dans la vie nationale, en dehors des secteurs comme la diplomatie, l'éducation, l'économie ou la finance.
De nombreuses personnalités politiques, parmi les plus influentes dans l'évolution de la nation haïtienne, ont toujours été associées à des pratiques mystiques, avant, pendant et après l'indépendance. Quelles sont les dimensions ou les différentes formes de relations entre la politique et la mystique dans les espaces de pouvoir en Haïti ? Quelles sont les influences et les limites entre les deux concepts clés pouvoir politique et responsabilité mystique ?
Dutty Boukman, Jean-Jacques Dessalines, Henry Christophe, Faustin Soulouque, François Duvalier, en passant par Jean-Bertrand Aristide, pour aboutir à Jovenel Moïse, ces nombreuses figures, parmi les plus célèbres dans l'histoire d'Haïti, peuvent servir d'échantillons ou des modèles d'études pour aborder la question des relations possibles entre le pouvoir politique et la responsabilité mystique en Haïti.
De l'initiation mystique des hommes et femmes politiques avant, pendant ou après la prise du pouvoir, en passant par les négociations avec les principales institutions ou temples mystiques d'ici et d'ailleurs, parmi les plus influents, quelles sont les principales responsabilités mystiques manquées par les dirigeants haïtiens durant les deux derniers siècles et demi? Pourquoi et comment pourraient-ils se rattraper pour mieux jouir des multiples pouvoirs que seule la politique peut offrir ?
Du Vodou, en passant par la Franc-Maçonnerie, l'Église Catholique et d'autres sphères religieuses et des cercles ésotériques, l'origine et les parcours respectifs, et un grand nombre de faits, des récits et des anecdotes associées à des histoires surnaturelles ou paranormales permettent de confirmer certaines dimensions ou manifestations mystiques, avant, pendant et à la sortie du pouvoir.
Diplomatie culturelle et négociation politique: dans quel sens les visites des chefs d'État haïtiens au Vatican participent à renforcer les pouvoirs de ces derniers ? Quel aurait été le pouvoir mystique, symbolique ou mythique du message du Pape Jean Paul II, en séjournant quelques heures à Port-au-Prince pour annoncer l'ère du changement en 1986 ?
Des leaders religieux haïtiens qui se sont tournés vers la politique dans l'histoire du pays, combien sont-ils ? A partir de quel cadre politique pourrait-on apprécier la dynamique de la relation entre pouvoir politique et responsabilité mystique dans le contexte des Duvalier et post-1986 ? Comment les mouvements spirituels participent-ils dans la construction des pouvoirs politiques en Haïti ? Comment la responsabilité mystique assumée par certaines figures politiques favorise leur accession au pouvoir ?
Dans la nomenclature des morts politiques en Haïti, entre les leaders, les membres de partis politiques ou des agents du Conseil électoral, des observateurs, des personnes qui vont voter, comme le cas des élections du 29 novembre 1987, ou des victimes de la campagne électorale de Jean-Bertrand Aristide à Pétion-Ville le 5 décembre 1990, en dehors des dirigeants, comment les politiques pourraient-ils négocier mystiquement la réparation de la mémoire de ces âmes martyrs-victimes ? Quels sont les pouvoirs des morts dans la politique en Haïti ?
Difficile d'aborder les dimensions du sacré dans la politique ou d'explorer les contours de l'architecture des institutions mystiques, partout dans le monde, en Haïti comme partout ailleurs, sans associer ces dernières au phénomène existentiel et incontournable que représente la mort.
De la mort avant la vie, ou de la vie après la mort, même si les avis seront toujours partagés, on retiendra que dans l'histoire d'Haïti, comme dans d'autres environnements politiques et mystiques, qu'il existe des morts qui sont plus vivants que des vivants eux-mêmes, comme il existe des vivants qui sont bel et bien morts dans la vie politique, en attendant leur trépas. Pourquoi et comment ?
Découvrons une sélection de pistes susceptibles de nous orienter vers des observations, des recherches ou des réflexions sur l'univers et les frontières qui définissent les liens entre le pouvoir politique et la responsabilité mystique en Haïti.
Douze questions parmi les plus pertinentes, que toute femme ou homme, en particulier les familles qui accompagnent ou encouragent leurs membres à se lancer dans la politique devraient au moins aborder, à défaut de fournir des réponses cohérentes et pertinentes.
Devenir un acteur puissant ou influent dans la sphère du pouvoir politique d'ici ou d'ailleurs, quelles sont les véritables responsabilités mystiques (officielles, formelles, informelles, secrètes ou imprévisibles) de tout homme ou femme d'Etat haïtien ? Peut-on prétendre diriger Haïti, sans savoir comment et pourquoi négocier avec les nombreux morts qui habitent cette terre, qui se réfugient dans les fonds marins et survolent l'espace aérien ? Qui sont ces morts à honorer ou à servir, qui sont répartis entre les plus anciens habitants de l'île, les différents colons cultures de colons européens, les nombreux peuples issus d'Afrique et les autres peuples et civilisations qui sont tués, enterrés, disparus, massacrés et sacrifiés dans les quatre points cardinaux du territoire haïtien ? Comment identifier ou répertorier tous ces morts (vivants, violents, absents, revanchards, rebelles, rêvant d'une possible justice) qui participent dans la dynamique sociale, économique, politique et mystique en Haïti ?
Dualité entre politique et mystique en Haïti en prélude aux prochaines élections dans une approche progressiste : Quelles sont les responsabilités des autorités mystiques en Haïti dans les dérives des pouvoirs politiques et l'effondrement programmé de la société au cours des soixante-dix dernières années ? Quel serait le poids des morts (parmi les milliers de disparus, assassinés, vendus et massacrés) dans ces crimes parfois de trop et les injustices sociales répétées, qui pourraient bien se renouveler à partir de certains engrenages invisibles et karmiques au fil des générations ? En considérant Haïti comme l'une des plus grandes nations dans le monde, comme d'autres puissances phares comme la Chine, la Russie, et plus proches de nous les États-Unis, ces pays, tout en dépassant de loin la population haïtienne ont connu des périodes où ils comptaient des centaines de milliers de morts dans des luttes internes et externes. On pourrait jusqu'à se demander si Haïti ne vient pas à peine de rentrer dans le tunnel de la mort, avec ces massacres en cascade ?
Dynamique institutionnelle et diplomatie existentielle: Quels seront les poids qualitatifs et quantitatifs des morts durant les prochaines élections en Haïti ? Quelles sont les prochaines négociations ou alliances mystiques incontournables à engager par nos politiques inévitablement, en passant par des morts, pour sortir le pays de ce chaos ? Comment les candidats devront-ils aborder et faire campagne dans les anciens et les nouveaux hauts lieux mystiques en Haïti dominés en grande partie par des morts qui portent tous les noms, de saints, de vierge, de martyrs, de massacrés, des disparus et des orphelins qui attendent justice et réparations depuis des siècles ?
Dans cette réflexion autour du pouvoir politique et de la responsabilité mystique, qui devra inévitablement prendre en compte la vie (en termes de bien-être) et l'avenir de la population dans toutes ces composantes, il parait légitime de nous questionner sur l'obligation d'inscrire dans l'agenda de la prochaine campagne électorale et dans les nombreux projets politiques qui seront à l'ordre du jour, les prochaines responsabilités mystiques des futurs élus, pour une meilleure cohabitation entre les forces mystiques et politiques, dans une perspective de bonne gouvernance des différents espaces physiques et invisibles dans la République.
De la formation politique à l'éducation mystique des candidats, ces derniers doivent se rappeler avant toute intention de diriger les institutions de la nation et de jouir des privilèges de toute sorte, qu'on entre en politique avant tout pour profiter de l'héritage des morts, pour les rattraper et les dépasser par des actions et des réalisations partagées entre la construction, la réparation, et les innovations, portées par les successions de pouvoirs politiques en accord avec le monde mystique.
Dominique Domerçant