Musée haïtien de l’Éducation: miroir des écoles qui ferment leurs portes à jamais !

Durant l'année 1986, lors des mouvements de violences, on allait certainement compter dans la liste des départs pour l’exil, des victimes de la colère populaire, et des destructions de biens dans tous les domaines, certainement des tontons Macoutes, des sympathisants et des membres du régime des  Duvalier. Pratiquement plus de 36 ans, la génération actuelle aura certainement du mal à identifier ces professeurs tués ou exilés, et les institutions scolaires partis entre les dechoukaj et les flammes du mouvement démocratique en Haïti.

D'ici quelques années, en dehors de quelques rares archives et documentations encore disponibles en Haïti, tous les témoins et les survivants de cette génération et les acteurs de ces périodes importantes de l’histoire d'Haïti finiront par traverser dans l’autre monde. Quelles sont les écoles et d’autres institutions éducatives sur tout le territoire national qui ont été détruites lors des mouvements populaires et politiques de 1986 ?

D'autres périodes comme celles des années de coups d’État en Haïti, entre celui du professeur et président Leslie François Manigat, dans la nuit du 20 juin 1988, comme celui du prêtre et président Jean-Bertrand Aristide en septembre 1991, nombreux étaient à la fois des conseillers et membres de ces régimes politiques, mais également des intellectuels, fondateurs et dirigeants des institutions éducatives qui ont été soit victimes ou contraints de fermer les portes de leurs établissements scolaires à jamais, au lendemain de ces chocs politiques souvent inattendus.

Des années après, avec le séisme du 12 janvier 2010, nombreuses étaient les institutions éducatives privées endommagées et détruites par le séisme, et qui n’avaient malheureusement pas pu bénéficier de l’assistance à l'époque ou disposer des héritiers survivants pour assurer la relève et la réouverture de leurs portes au lendemain de ce drame  national. Quels sont les kindergarten ou institutions du préscolaire, les établissements scolaires, les centres professionnels et universitaires, entre autres, qui ont définitivement fermé leurs portes à la suite du tremblement de terre du 12 janvier 2010 en Haïti ? Où trouver les archives, les images et les souvenirs de ces institutions avant et après la catastrophe ?

Dans un musée de l’Éducation certainement, qui choisirait d'aménager une salle d’exposition dédiée à tous les équipements du système éducatif qui n’existent plus dans le secteur, qui ferment à jamais leurs portes et resteront pendant un temps dans les souvenirs des anciens professeurs, des élèves et des parents, entre autres !

Depuis la période de pays-lock en passant par la redéfinition des frontières des plusieurs quartiers, villes et régions en Haïti, notamment dans la capitale haïtienne, elles sont de plus en plus nombreuses les institutions (privées, publiques et religieuses ) du système éducatif haïtien, qui après des années de fonctionnement et de services fournis à la population, qui ont été contraintes de fermer leurs portes et de se délocaliser.

Dans beaucoup de cas, ce ne seront pas toutes les institutions victimes de la violence urbaine en Haïti devenue la norme institutionnelle, qui disposeront à la fois  des moyens et surtout de la motivation assez, pour initier des démarches pour trouver une nouvelle adresse alternative, de son personnel  et de la clientèle minimale pour rouvrir ses portes.     

Devant ce miroir du délabrement social, de la délocalisation institutionnelle, de la destruction de l'être haïtien, nous assistons en silence et de manière impuissante, à la fermeture progressive des portes de nombreuses institutions phares, responsables et de qualité qui assurent tant bien que mal la garde du  système éducatif en Haïti, en offrant un minimum ou une moyenne de service de qualité dans  leurs communautés respectives, composées du personnel engagé par l'institution, les familles et leurs enfants, l’ensemble des activités socio-économiques formelles et informelles qui profitaient du fonctionnement régulier de ces établissements éducatifs.

Derrière ce miroir, sont nombreuses les institutions du système éducatif haïtien qui continuent d’assurer la résistance, et ceci, pour combien de temps ? Pendant combien de temps, les parents vont continuer à prendre le risque de faire le va-et-vient avec leurs enfants dans des zones rouges de la capitale ?

Dans cette catégorie, on pourrait citer les établissements scolaires situés dans les zones avoisinantes du centre-ville de la capitale, du côté de Bel-Air, à la rue Lamarre, dans le voisinage de Portail Léogâne, à Martissant, dans la zone de Frères, à Croix-des-Bouquets, et toutes les autres villes, qui, de façon progressive, s’invitent dans la cartographie de la violence urbaine en Haïti.

Dans un souci de respecter l'identité des institutions victimes de ces catastrophes haïtiennes et naturelles, qui ont depuis des années fermé leurs portes, mais qui pourraient aussi bien à tout moment ressusciter et dans l’objectif de ne pas cibler directement les autres institutions éducatives actuelles qui tenter de résister en dépit de tout ni pour traumatiser et encourager  parallèlement leur clientèle, des familles et des enfants qui viennent de passer une année scolaire difficile et à haut risqué, dont certains se préparent déjà à choisir une nouvelle école, entre laisser la ville, la capitale ou le pays, j’ai choisi volontairement de ne pas citer aucun nom d'établissement scolaire et éducatif dans cette publication.

Dans le miroir du présent et la mémoire collective de chaque enfant, de chaque parent, de chaque professeur, de chaque responsable d'école, de centre professionnel ou d'université, chacun des lecteurs et lectrices pourra se rappeler, se souvenir ou revivre les moments inoubliables passés sur les bancs de cette école qui n’existe plus. Il était une fois, des écoles en Haïti qui ferment leurs portes à jamais. Pour cause de dechoukaj, de destruction causée par la nature, de délabrement institutionnel et de déshumanisation programmée de l'intérieur comme de l'extérieur, de l'être haïtien.

Dans le prochain musée de l’Éducation en Haïti, nous sommes tous invités à enrichir les collections du musée, de façon individuelle et collective, afin de pouvoir découvrir dans un proche avenir des expositions importantes et inédites, certainement virtuelles, qui présentent l’histoire des institutions et des personnalités, des activités et des souvenirs du système éducatif haïtien, en pleine évolution et révolution. Avant qu’il soit trop tard, nous devons garder dans nos archives un bulletin scolaire, une fiche de paiement, un maillot, une chemise ou un des uniformes, une photo des différents endroits fréquentés durant son passage dans l'établissement, la photo souvenir prise avec les professeurs les plus aimés comme les plus détestées par certains, et d’autres membres du personnel.

Désormais l’espace haïtien se renouvelle, en particulier la capitale haïtienne et d’autres régions du pays se transforment drastiquement sous le poids des catastrophes naturelles, des violences urbaines et de la migration sauvage des communautés. Le secteur éducatif comme un pilier incontournable dans la société comme l'économie et la culture n’est certainement pas épargné. Il revient à tous les acteurs du système éducatif de sauver et de sauvegarder des fragments de notre mémoire collective qui  s’en vont tristement dans le néant, en silence, face à la violence aveugle et l'inconscience démesurée ou diabolisée de l'ignorance, sans aucune forme de résistance de l’intelligence collective.    

Dominique Domerçant     

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES