Fégens Saint-Louis : « Je ne demande pas ce que mon pays peut m’offrir, mais je demande ce que je peux faire pour Haïti »

Fégens Saint-Louis, jeune épidémiologiste qui a quitté Haïti, en 2020, pour se spécialiser en épidémiologie à cause des limites des cursus universitaires du pays, a obtenu son diplôme de Master 2 à Sorbonne Université, en France. Très brillant et amoureux de son pays, il s’apprête à retourner au bercail afin de contribuer au développement d’Haïti.

Alors qu’en Haïti les centres hospitaliers sont très mal équipés et les médecins sont traités en parents pauvres, Fégens Saint-Louis veut mettre ses compétences aux services du pays. « Je pense que je serai plus utile si je me mets disponible pour servir Haïti, en dépit de grandes opportunités que la France m’offre », confie-t-il au « National ».

Les problèmes qui minent la médecine haïtienne sont énormes: maltraitance du personnel hospitalier, salaire misérable, hôpitaux mal équipés, grèves de médecins… Pourtant, M. Saint-Louis est prêt à boucler ses valises pour retourner en Haïti où rien ne l’attend de pied ferme. « Je crois que les jeunes universitaires haïtiens, qu’ils soient en Haïti ou ailleurs, doivent s’impliquer à fond dans la vie de ce pays pour faire bouger les lignes », déclare-t-il, en reformulant ces propos empruntés à John F. Kennedy : «Je ne demande pas ce que mon pays peut m’offrir, mais je demande ce que je peux faire pour Haïti.»

Dans une interview accordée à notre rédaction, Fégens Saint-Louis est revenu sur les diverses raisons qui l’ont incité à entreprendre des études en médecine. « Je n’ai pas étudié la médecine pour être riche. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est sauver des vies, soigner des gens », déclare-t-il. S’exprimant sur le choix de sa spécialité, il avance, de manière philanthropique, que c’est la santé de toute la population qui l’intéresse. « En parallèle à un médecin clinicien qui, par exemple, intervient à l’échelle individuelle, je veux réfléchir pour la santé de la population haïtienne », explique le vingtenaire.

Il a déjà entrepris plusieurs démarches en vue de mettre ses connaissances au profit d’Haïti. À en croire ses propos, il a contacté les responsables de l’Université Quisqueya (UniQ), en particulier le doyen de la Faculté des sciences de la santé (FSSA) de ladite université, le professeur Christian Raccurt, afin d’aider les étudiants avec leurs Travaux pratiques (TP). « Toutes ces démarches s’inscrivent dans un souci de services à la communauté », dit Fégens Saint-Louis qui, toutefois, n’a pas confirmé si les responsables de l’UniQ ont donné une réponse positive à sa demande.

Certes, Fégens Saint-Louis vit très loin d’Haïti, mais il reste très connecté avec les jeunes qui, dit-il, sont l’avenir du pays. En utilisant les Technologies de l’information et de la communication à bon escient, il fait savoir qu’il prodigue toujours des conseils aux jeunes, partage des documents et d’autres opportunités avec eux, surtout ceux et celles de Bayonnais, 3e section communale des Gonaïves, où il est né.

Si, pour des professionnels de santé en Haïti, le métier de médecin est un crève-cœur et suggère des indignations à cause d’un système sanitaire très mal structuré, l’épidémiologiste Saint-Louis invite les jeunes haïtiens qui viennent de boucler leurs études classiques et qui ont les moyens économiques nécessaires à s’orienter vers la médecine. « Nous avons besoin de plus en plus de médecins », soutient le natif de Bayonnais ajoutant que les chiffres sur le nombre de médecins haïtiens pour la population totale sont alarmants. Selon les données qu’il a partagées avec nous, il y a en moyenne 5,9 médecins ou infirmières et 6,5 professionnels de santé pour 10 000 Haïtiens. Or, selon l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI), la population actuelle d’Haïti est estimée à plus de 11 millions d’habitants.

Prototype d’exode des cerveaux, Fégens Saint-Louis, qui entend poursuivre ses études au niveau doctoral, dénonce la politique instaurée par les autorités haïtiennes qui « pousse nos jeunes à laisser le pays et bon nombre de citoyens à se faire soigner à l’étranger ». « Haïti est transformée en jungle, il y a une volonté de maintenir le pays dans la misère. Mais cela ne veut dire pas que je dois nourrir l’idée de ne jamais retourner au pays. Haïti a besoin de ses filles et fils dignes et capables. J’aime mon pays », conclut-il.

Né à Bayonnais (3e section communale des Gonaïves), Fégens Saint-Louis, 28 ans, est le troisième d’une famille de cinq enfants. Il a fait ses études classiques à l’Institution classique de Bayonnais (ICB) dirigée par le révérend Actionnel Fleurisma. Premier lauréat pour le département de l’Artibonite aux examens du Bac 2012 et 5e lauréat national. Il a étudié la médecine à l’Université Quisqueya. M. Saint-Louis a obtenu, le 8 juillet 2022, son diplôme de Master 2, dont le sujet s’intitule « Impact des comorbidités dans l’évolution du paludisme d’importation à plasmodium falciparum en France de 1996-2018 », à Sorbonne Université.

La fuite du capital humain, en Haïti, est inquiétante. Selon des sources concordantes, plus de 2 400 Haïtiens étudient actuellement en France. Environ 40 000 sont en République dominicaine. Pour paraphraser cet auteur, si rien n’est fait pour les jeunes diplômés qui sont actuellement en Haïti, ce sera toujours une grande perte pour Haïti qui finance à ses maigres moyens des formations académiques dont les pays étrangers en bénéficieront.

 

Wilner Jean

jeanhaitiwilner@gmail.com

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