Structuration progressive de la santé scolaire

 « Rien n’est plus puissant qu’une idée ou action dont le temps est venu »

Victor Hugo

 Au Dr Ary Bordes, père de l’hygiène en Haïti, véritable monument de l’histoire de la médecine haïtienne, assassiné par le banditisme chronique et qui m’avait fortement encouragé à poursuivre son oeuvre…

 Comment s’articulent les actions ou réalisations de la Direction Santé Scolaire depuis sa création?

 La mort emblématique du petit Gabo, telle que décrite au premier chapitre du livre était imputable en majeure partie, à notre compréhension erronée de la santé, de l’éducation, de la politique et de la vie….

 Le « Cadre de référence de la Santé scolaire », dans un premier temps, puis, la nouvelle « Politique nationale de Santé scolaire » en cours de finalisation/validation, précisent la vision et les grandes stratégies visant à transformer progressivement, par étapes, nos établissements en « Écoles Promotrices de Santé ».

 Les actions s’articulent autour de deux grands axes majeurs :

 

1) développer la compréhension juste, c’est-à-dire correcte, de la sant

 

2) intégrer ensuite la santé bien comprise, dans le milieu éducatif

 

 Qu’a-t-il été fait pour structurer la santé scolaire et passer d’une vision erronée (vision biomédicale) à la compréhension adéquate de la santé (vision biosociale ou holistique)?

La toute première action structurante a été l’élaboration, au ministère de l’Éducation nationale, en 2005, du « Cadre de référence de la Santé scolaire » axé sur la promotion de la santé, document très largement diffusé.

La deuxième, ce fut la création en parallèle, au ministère de la Santé publique, de la « Direction de Promotion de la Santé et de Protection de l’Environnement » (DPSPE). Puis, en 2009, une Politique nationale de Promotion de la Santé a vu le jour au Ministère de la Santé .

Dès lors, les jalons étaient posés dans les deux ministères. Beaucoup d’activités conjointes déjà en cours ont pu alors mieux se structurer en conformité avec cette nouvelle approche de la santé.

L’élaboration en 2012, à l’époque du choléra, des « Directives pour la Promotion de l’hygiène en milieu scolaire », grâce au support de l’UNICEF, participe de cette volonté d’encadrer les acteurs éducatifs et sanitaires à remettre en question leur perception de la santé.

La troisième action a été l’élaboration en 2015, de la première « Politique nationale de Santé scolaire » (PNSS), grâce à un financement de la Banque Interaméricaine de Développement (BID) «Il s’agissait alors d’une initiative du Ministère de la Santé publique qui avait choisi unilatéralement son consultant. Malheureusement, le document produit, malgré les nombreux efforts de redressement effectués, reflétait encore l’ancienne vision biomédicale de la santé. Il n’a jamais été finalisé ni validé. Avec le support du Réseau francophone international pour la Promotion de la Santé (RÉFIPS) et de l’Institut National de Santé Public du Québec (INSPQ), un nouveau document a été élaboré par la Direction Santé scolaire en concertation avec la Direction de Promotion de la Santé du Ministère de la Santé publique. Sa finalisation/validation, entamée fin 2019, a été interrompue depuis lors en raison de la pandémie de Covid 19 et des troubles sociopolitiques.

La quatrième initiative, c’est l’organisation chaque année, d’une formation certifiée de cinq jours en promotion de la santé, à l’intention des cadres de la santé (médecins, infirmières) de l’éducation et d’autres ministères ou secteurs comme l’Agriculture et l’Environnement. Cette formation renfermait toujours un module de « santé scolaire » qui était sous la responsabilité du Ministère de l’Éducation, à travers sa « Direction Santé scolaire ». Cette « Université de Santé publique », coordonnée par le Réseau francophone international pour la Promotion de la Santé (RÉFIPS) et le Ministère de la Santé, a été interrompue suite au séisme du 12 janvier 3

2010. Reprise en 2016 et 2017, elle n’a pas pu se maintenir en raison des troubles socio-politiques. Habituellement, elle se déroulait simultanément à la Faculté de Médecine et de Pharmacie et la Faculté d’Odontologie de l’Université d’État d’Haïti (UEH). Des Universités privées y participaient.

La cinquième catégorie d’initiatives consiste dans une série d’ateliers de formation réalisés par la Direction Santé scolaire (DSS) dans les dix départements du pays, durant environ dix-huit mois (2014 à 2017) à l’intention des directeurs départementaux de l’Éducation, d’un certain nombre d’universitaires, de directeurs d’écoles, d’inspecteurs scolaires et d’ingénieurs départementaux. Ces formations visuelles et participatives, financées par la BID, ont porté à la fois sur l’hygiène, la santé en général, la santé scolaire et la promotion de la santé. Au total, environ un millier de cadres de l’éducation et une centaine d’élèves ont été touchés dans les 10 départements.Plusieurs centaines d’exemplaires de documents normatifs et autres ont été largement distribués durant ces activités.

La sixième catégorie d’initiatives est représentée par un grand nombre de conférences, d’ateliers, d’articles, d’interviews radiophoniques et/ou télévisés, de spots audio et visuels réalisés par la Direction Santé scolaire et diffusés durant les dix dernières années, tant localement qu’à l’extérieur. Cette Direction a par ailleurs, participé et présenté à plusieurs éditions des « Journées annuelles de Santé publique du Québec (JASP) » consacrées à la promotion de la santé et au partage d’expérience. En avril 2022, elle a présenté virtuellement, la nouvelle Politique de Santé scolaire à la 24e Conférence de l’Union Internationale pour la Promotion et l’Éducation à la Santé (UIPES). En anglais : IUHPE (International Union for Health Promotion and Education).

Une fois la santé bien appréhendée, comment l’intégrer dans le milieu éducatif et scolaire?

Il existe deux formes d’intégration d’une nouvelle thématique ou matière dans le système éducatif : l’intégration curriculaire ou formelle et l’intégration parascolaire dite non formelle.

Dans la première, la santé fait partie des matières à enseigner en salle de classe, ce qui implique sa présence dans le curriculum et dans un ou plusieurs ouvrages spécifiques. Cela exige des 4

maitres d’école préalablement formés, voire spécialisés en « promotion de la santé » et en « santé scolaire », ceci dès l’École Normale Supérieure. Il ne s’agit point, toutefois, d’en faire des thérapeutes ou des auxiliaires médicaux.

Dans la deuxième forme, sans être présente dans le curriculum, la santé est enseignée de manière visuelle et interactive, en salle d’études ou non, durant les jours de classe ou non. Il s’agit davantage d’ateliers de réflexion, de débats, d’activités avec les enfants, les jeunes, autour d’un thème donné. Ici, le maitre et/ou un invité joue(nt) plutôt le rôle d’animateur(s). Cette forme est la plus efficace et la plus apte à développer les « compétences pour la vie »indispensables au changement de comportement.

Est-ce difficile d’intégrer la santé dans le curriculum ?

Intégrer une nouvelle thématique dans le secteur éducatif, particulièrement dans le curriculum, s’avère une entreprise difficile et encore plus, quand il s’agit d’un thème aussi complexe que la santé. De nombreuses tentatives ont eu lieu dans le passé. Des dizaines de guides et modules sur le SIDA ou la Santé sexuelle et reproductive ont été constamment parachutés et en vain, par le secteur santé (étatique ou privé), « seul détenteur du savoir », vers le secteur éducatif qui avait soit-disant pour obligation de les intégrer rapidement dans le curriculum. L’inventaire de ces documents, de ces échecs à répétition, a été réalisé lors d’un « atelier sur l’intégration de la santé sexuelle et reproductive dans le milieu éducatif et scolaire » organisé du 15 au 17 mai 2014 à l’hôtel Montana, par la Direction Santé scolaire » sous le leadership du Ministère de l’Éducation, Nesmy Manigat. Les Directions de Promotion de la Santé (DPSPE) et de Santé de la Famille (DSF) du Ministère de la Santé, certaines institutions internationales comme l’OMS et l’UNICEF, des ONG locales (VDH, FOSREF, Save The Children) y ont activement participé. L’une des conclusions majeures de cet atelier supporté par l’UNFPA et l’UNESCO, a été, qu’en raison de la complexité de la santé et des procédures de l’intégration curriculaire, il fallait poursuivre et affiner l’intégration parascolaire ou non formelle, tout en poursuivant le plaidoyer et en établissant les bases structurelles de l’intégration formelle à moyen ou long terme. Le rapport précis, abondamment illustré de cette activité, a été largement distribué. Aujourd’hui, en 2022, le secteur éducatif est prêt pour les deux formes d’intégration de la santé (curriculaire et paracurriculaire). En sus des actions de formation, de vulgarisation et de structuration, les 5

épidémies de choléra (2010) et de Covid 19 (2019) ont accéléré cette maturation en démontrant concrètement l’interrelation santé/éducation.

 

Dr Erold JOSEPH

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