Le viol collectif des égouts en Haïti

Des mains inconnues et invisibles déshabillent les égouts dans la capitale haïtienne sous le regard passif des autorités, qui certainement devront solliciter de l’international du financement pour couvrir ces bouches d'égouts ouverts, qui constituent de véritables pièges pour les passants, les motocyclettes et véhicules.

D’autres mains beaucoup plus visibles et sans retenue profitent de l'absence des couvertures et de la détérioration de ces grilles plongées et défectueuses, pour jeter en toute impunité les déchets de toutes sortes qui vont finir par obstruer ces conduites d'égouts qui devraient canaliser les eaux usées des ménages et du commerce.

Des habitants ne vont pas uniquement se contenter de remplir les égouts avec des déchets, des objets et parfois même des animaux, ils vont jusqu'à mettre le feu dans ces égouts, ces trous ou dépotoirs, pour brûler toutes sortes de matières organiques, biologiques, domestiques, chimiques ou industrielles, entre autres.

Des matières en décomposition, de l’eau usée souvent puante, et des objets aux natures biologiques, géologiques, chimiques et industrielles,  entre autres, qui vont se mélanger avec le feu jusqu'à détériorer les matériaux et impacter négativement les structures qui composent les conduites des égouts.  

De la fumée et des odeurs pas toujours agréables, produites par des matières combinées et en décomposition, qui s'échappent dans ces bouches d'égout à ciel ouvert, ou disposant encore de la grille métallique, comment identifier ces gaz, certainement toxiques, qui contaminent en permanence l'air que nous respirons et empoisonnent silencieusement la population. Heureusement que le diable, ou le Vodou sont encore là pour porter le fardeau, lorsque les maladies commenceront à se développer chez les membres les plus vulnérables de la population !

Des pneus de véhicules et des motocyclettes en déplacement vont régulièrement tomber dans ces égouts, qui deviennent ainsi des postes de paiement pour ceux et celles qui choisiront d’aider l’automobiliste à sortir de ce trou imprévisible, dans certains cas ou recouvert pour attirer des victimes innocentes.

Durant la nuit et loin des regards dans certains cas,  comme pendant la journée, des hommes et des femmes, des enfants et des vieillards, des familles, des entrepreneurs et des passants continuent de réorienter l'utilité première des égouts en Haïti, en déversant en lieu et place des eaux usées via des systèmes de canalisation et d'évacuation de la maison, des objets domestiques, des matériels bureautiques, mécaniques ou informatiques, des déchets agricoles et d’animaux, en passant même par des humains, sans pour autant se soucier des revers irréversibles de ces pratiques en temps de pluie.

Durant les saisons pluvieuses, ils sont nombreux les habitants qui en profitent pour déverser leurs poubelles et tout ce qu’ils disposent comme objets usagers et comme déchets. En déchargeant ces fatras dans les canaux dans les rues, ils laissent ainsi à la nature de drainer et de déposer ces fatras au prochain carrefour.

De tels actes malsains et irrespectueux des autres habitants et quartiers, vont certainement participer dans le spectacle macabre, boueux et puant que connaissent désormais plusieurs villes du pays, avec tous les débris emportés par la pluie, notamment celles placées en aval, qui sont en pente et plus proches du littoral.  

Dans ce viol collectif et impuni commis au quotidien par une bonne partie, pour ne pas dire la majorité des membres de la population haïtienne, contre les conduites et des bouches d’égout recouvertes et ouvertes, des conduites souvent obstruées ou détériorées,  rarement nettoyées, cela confirme une absence d’éducation sanitaire et citoyenne de la part des habitants, familles et passants.

Des conduites d'égouts souvent vieillissantes, qui subissent autant de violence de la part de celles et ceux qu’elles devraient aider au niveau de l'amélioration des conditions sanitaires et environnementales. En  dehors des problèmes de capacité insuffisante à cause des questions démographiques, des possibilités d’infiltration et d’exfiltration des eaux dans les conduites,   des racines et de bas-fonds, et d’autres impacts qui fragilisent les structures lors de la construction et la maintenance,  des mouvements humains et géologiques, le manque de ressources (humaines, financières matérielles et d'équipement) dont dispose l’État central et les mairies pour établir une politique rationnelle et durable de gestion des déchets et des eaux usées ne permet pas de protéger ces égouts qui deviennent des déchèteries à ciel ouvert, et des miroirs pour apprécier la beauté de nos quartiers et la solidarité collective dans le mal.  

Devant l’urgence de sauver ou de protéger  le corps social inconscient et naïf, de ces maladies de toutes sortes, et des violences urbaines qu'il subisse,  les citoyens les plus avisés qui résident dans les grandes villes, en particulier, les administrations communales et l’État central devraient s’organiser pour définir et imposer une charte communale  de responsabilité écologique pour chaque ville du pays. 

Destinée à une meilleure gestion des déchets et des eaux usées pour les habitants et les familles évoluant dans les quartiers résidentiels, l’ensemble des espaces publics et de transportations, les établissements qui composent le système éducatif, les différentes entités religieuses, les commerciaux et tous les bureaux dans l’administration publique haïtienne, cette charte serait un contrat entre l'ensemble des Habitants pour l'application des meilleures pratiques environnementales et  sanitaires.  

Dans l'impossibilité de demander aux citoyens et aux familles de donner ce qu’ils n’ont pas, l’ouverture de l'année académique devrait s’accompagner d’une campagne d'éducation à l’environnement au sein des écoles, afin de permettre aux élèves et leurs parents de mieux s’approprier des connaissances environnementales et des compétences écologiques basiques et indispensables pour pouvoir afficher des comportements écologiques et sanitaires, citoyennes et sociales, plus responsables, valorisants et respectueux envers les habitants, et l’image de chaque quartier.  

 

 

Dominique Domerçant  

 

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