Dans le musée qui sera dédié exclusivement au Dr Rony Gilot, le public est invité à découvrir les talents de l’un des plus grands portraitistes de personnages politiques en Haïti, à travers l’histoire et la littérature. Un maître de l'écriture qui laisse une riche collection d’ouvrages, comme un héritage qui, en dehors des rayons des bibliothèques, n’a sa place que dans les expositions et l'interprétation de la mémoire politique haïtienne.
Devant le tribunal de l’histoire, la mémoire du politique et de l'écrivain continue silencieusement dans un va-et-vient, à chaque rencontre importante, et lors de certaines réunions très profondes sur l’histoire contemporaine, pour tenter de répondre à certaines questions ou pour documenter parallèlement certains argumentaires devant influencer des négociations ou des décisions politiques majeures.
Dirigeants politiques de mon pays, je vous invite à faire un tour dans le musée Rony Gilot, qui propose des expositions enrichissantes, constituées à travers des pages de témoignages, des sommes politiques d’informations, comme des anecdotes, qui peuvent une fois de plus aider à comprendre certains contours de l’histoire d'Haïti.
Dans la série: Au gré de la mémoire, plusieurs hommes d’État défilent religieusement dans les couloirs des pouvoirs politiques en Haïti, entre la Présidence, la Primature et le Parlement, entre l'Armée et les coups d’État réussis ou avortés.
Duvalier de père en fils, François et Jean-Claude sont ressuscités dans les trois titres suivants: «François Duvalier, le mal aimé (2007 et 2012) ; Jean-Claude Duvalier ou l'ingénuité captive»(2010) ; Jean-Claude Duvalier ou la chance galvanisée (2011).
De son statut d’acteur avisé et témoin privilégié, l’exploration des pages illustrant le passage : «Gary Conille ou le passage d’un météore», allait offrir une lecture contemporaine de l'actualité politique et de changement de régime, dans un mariage forcé entre la Primature et la Présidence.
Découvrir le personnage et la trajectoire du Dr Roger Lafontant, encore un autre médecin influent du régime politique des Duvalier, offre une belle occasion pour comprendre et apprendre des revers de la vie politique en Haïti. Publié en 2013, titré : «Roger Lafontant ou la destinée tragique d’une fauve politique», expose les dernières tentatives avortées et désespérées d’un brillant politicien prisonnier assassin dans un coup d’écart à l’histoire.
Dans un retour en arrière, une exposition sur la transition démocratique de l'après-Duvalier, offre ainsi un coup de projecteur sur le personnage politique de : «Henri Namphy ou le rhum amer de la bamboche démocratique». Cette publication éditée en 2014, par C3 Editions, propose encore des sources d’informations pertinentes et actuelles.
D’autres leçons politiques sont partagées dans les plages d'informations et de faits marquants, qui rappellent le court passage d’un brillant professeur à la tête du pays. Depuis 2015, le Dr Rony Gilot avait trouvé utile de rapporter l'ère de : «Leslie François Manigat ou les infortunes du risqué calculé». N’est-ce pas une autre façon de rappeler les revers de la logique politique haïtienne «Bien compter, mal calculer».
Deux grands hommes d’État et écrivains prolifiques peuvent aussi bien se rattraper et se compléter, dans l'écriture de la mémoire politique en Haïti. «Prosper Avril ou l’ambition fracassée», est l’ouvrage publié en 2016, qui vise dans une certaine mesure à porter un autre regard contemporain sur la présence d’un militaire au pouvoir, avec tous les contours et les ombres que cette sombre tranche de l’histoire nous rappelle.
Dans l’ouvrage : «Jocelerme Privert ou les conjonctions mystérieuses de la destinée, l’auteur expose une nouvelle tranche d’histoire qui porte dans un certain sens ses empreintes, comme un aide-mémoire de son passage dans les couloirs de ce pouvoir. Un ouvrage publié en 2017, juste quelques mois après le changement de régime, comme un hymne pour rappeler la trajectoire du premier chef d’État que le département des Nippes a accouché dans l’histoire.
Deux hommes politiques, parlementaires, chefs de partis, anciens conseillers de présidents de la République et souvent se retrouvent sur le banc des opposants farouches du pouvoir, se partagent la couverture de de la série : «Au gré de la mémoire. Youry Latortue et Joseph Lambert, à tire d’aile au firmament du Sénat», projette des regards croisés et complémentaires sur deux agendas politiques portés par les deux hommes politiques contemporains et majoritaires sur la scène.
Dans une forme de prédiction politique ou de prévision historique, le portraitiste des personnages politiques avait eu le temps de poser sa plume sur le devenir de «Jovenel Moise ou la chronique d’une chute toujours imminente».
D'autres titres comme : «Un geste trempé de larmes. Tome II. Les frénésies de l’adolescence», ou «La volupté sacrilège de l’autocratie», parmi d’autres offrent des regards différents, mais tous convergents autour de la vie de cet homme politique qui récoltait un peu partout des informations de première main, à la source, pour ensuite utiliser sa palette pour produire des Portois de toutes les couleurs, mais largement influencés par le ton noir et rouge.
Dommage que pas une seule femme politique, pas une seule des figures politiques féminines qui ont servi au sommet de l’État en Haïti, n’avait bénéficié de la plume et du génie du Dr Rony Gilot, dans cette belle aventure, que seul un musée pourrait prolonger, en attendant que ses anciens amis, collaborateurs, parents, ou bénéficiaires de ses services et de son aura, choisissent de lui rendre un hommage intelligent et durable, au gré de sa mémoire, désormais orpheline depuis qu'il a fait le grand voyage le 6 octobre 2021.
Défendre le patrimoine de ce gardien de la mémoire est un acte responsable envers les besoins de connaissances des générations futures. En dehors du dernier hommage en date, organisé en l’honneur du Dr Rony Gilot par l’ancien président Jocelerme Privert et l’ancien ministre Pierre-Raymond Dumond, au cours de la dernière édition de Livres en Folie en 2022, les temps sombres actuels ne peuvent pas nous empêcher de nous rappeler de la mémoire de ce génie littéraire. C’est en souvenir de mes enrichissantes collaborations professionnelles antérieures avec le Dr Rony Gilot, il y a pratiquement sept ans (en 2015), que je m’autorise à inscrire sa mémoire dans l’imaginaire d’un véritable musée.
Des collections de fragments de la mémoire sont exposées au musée du docteur Rony Gilot, qui raconte et rapporte, qui expose et explore, qui rumine et réanime dans faits et des personnes aimées et détestées, inoubliables et incomparables.
Docteur en médecine, chirurgien, politologue. Député de la circonscription de Thiotte-Grand-Gosier et Anse à Pitre (1973-1986), ministre de la Coordination et de l’Information (1978-1979), secrétaire général du parti Action démocratique pour Bâtir Haïti (ADEBHA) de 2000 à 2004 ; consultant au Conseil électoral provisoire (CEP) de 2001-2004 ; conseiller politique spécial du président du Sénat de 2001 à 2004, puis en 2006 ; directeur du cabinet du président de la Chambre des Députés (2006-2011), directeur de cabinet du Premier ministre Gary Conille (2011-2012); membre du cabinet du président du Sénat (2012-2014); secrétaire général du Sénat (avril 2014 jusqu’à sa mort) ; en détachement secrétaire général adjoint de la présidence de février 2016 à février 2017.
Difficile de parler de politique en Haïti, au cours des cinquante dernières années sans citer le nom de ce personnage à la fois visible et invisible, influent et inspirant, dont les écrits servent souvent à enseigner des leçons politiques, des expériences dans la gouvernance et l’histoire d’Haïti, et enfin certains secrets et sagesses indispensables pour transiter ou résister d’un pouvoir à un autre, sortir de l’ombre.
Dominique Domerçant
