Haïti: vers une éducation en «V», en vérité !

Dirait l’autre: «en vérité, en vérité», il n’y aura pas d’avenir pour Haïti.  Si seulement, on accepte d'investir véritablement dans l'éducation de la jeunesse, comme un passage obligé.  Si et seulement si,  on encourage cette génération à développer une nouvelle conscience historique, intelligence citoyenne, et un sens de responsabilité, comme les deux mains qui supportent tout le poids du globe terrestre, comme la lettre «V». En vérité, le sort actuel d'Haïti n'est certainement pas différent à bien apprécier cette image ! 

 

Depuis plus de cinq ans, les observations et les recherches suivies des analyses et des conclusions publiées régulièrement dans les colonnes de Le National, sur la formulation du concept de «l’intelligence des lettres», permettent de proposer de nouvelles pistes de questionnement et de réflexions sur le présent, le passé et le futur de cette nation sans passion. Tout en proposant de nouvelles formulations, d'interprétations et de corrélations possibles entre l'histoire, la mémoire et le devoir de partager, il reste cependant beaucoup à faire pour conscientiser le plus grand nombre, sans lequel Haïti ne pourra pas renaître. Même par la maîtrise de l'intelligence des lettres !  

 

Dans chaque lettre pratiquement, en particulier la première qui débute le nom ou le prénom de chaque être humain, groupe, communauté, institution, produit et service, des inventions et autant des activités humaines et des phénomènes naturels, il existe des informations cachées, certaines vérités à appréhender, des pièces de puzzle à assembler afin de trouver l’essence des choses, ou l’essentiel de l’existence humaine, dans chaque lettre qui définisse la mission de chaque être.  

 

Dans la présente livraison pour l'année 2023 sur le sujet, il s’agira pour nous de présenter les différents contours du vingt-deuxième symbole de notre alphabet, la lettre “V”. Celle qui s’apparente à une personne qui ouvre ses deux bras pour implorer le secours, pour prier et louer, pour saluer ou pour offrir une accolade. Cette lettre qui rappelle si bien le célèbre feuilleton télévisé des extraterrestres, portant le nom de "V", comme visiteur, dans les années 80 et 90, fait aussi référence au maestro qui dirige l'orchestre, quand elle ne symbolise pas le comportement d'un initié  ou d'un être avisé mystiquement qui ouvre les bras et la main, pour attirer certains pouvoirs, des forces et de l'énergie qui circulent tout autour et à l'horizon.

 

Dans la bible, plusieurs concepts importants commencent par cette lettre, en passant par les versets, la vie, la venue, la vierge, le verbe, la vanité, les vœux, et tout le reste, qu'on consulte ou non les pages de ce document combien instructif.  À travers l’histoire, les traditions ancestrales et la sociologie du peuple haïtien, les termes comme: Vodou et  vêvê, va-nu-pieds et Vanyan, victoire et Vertières, violences politiques et  vengeance populaire, visite et voyage, parmi d'autres,  participent autant dans l’architecture sociale que dans la construction de l'identité nationale.    

 

Dommage que l’ancienne compagnie de téléphonie mobile qui savait si bien vendre la lettre “V”,   au début des années 2000, n’existe plus. Victime de son succès ou du système, elle n’a pas pu suivre la voie que plus d'un escomptait. Voilà pourquoi, on ne peut déplorer l’absence de cet opérateur qui allait certainement  accompagner une si belle campagne de promotion pour une nouvelle éducation en “V”, qui manque pratiquement dans la société de nos jours en Haïti. Il est grand temps d'éduquer la population au respect de la vie, de chaque vie, de chaque être vivant qui a droit au bien-être et au bonheur. 

 

De façon rationnelle, il faudra reconnaître dans la société actuelle, plus que jamais: "Vivre c’est vendre", pour reprendre le titre du célèbre ouvrage de l’auteur Jean Marc Chaput qui rappelle et surtout invite les lecteurs et lectrices à identifier et à choisir l’une des trois voies, des trois principales catégories de personnes dans la vie de tous les jours qui sont: Celles qui font la parade, celles qui regardent la parade, et celles qui ne savent même pas s’il y a parade.

 

D’un autre point de vue, et en lien avec le contexte de crise actuelle en Haïti, on assiste à cette forme de déshumanisation, de destruction, de délabrement et de départ forcé des familles, et des jeunes en particulier sur leur terre natale. Avec comme levier: les violences dans les villes, les vols, le viol et la liste des victimes qui s’allonge le visa ou surtout le voyage à tout prix, par toutes les voies possibles représente la seule porte de sortie ou de survie.

 

Des valeurs se perdent ainsi, dans beaucoup de cas, à force pour certaines personnes, des jeunes autant que leurs parents, chercheront par tous les moyens à payer le prix pour voler vers d’autres cieux. Si seulement ces victimes morales et sociales, économiques et politiques, humanitaires et géopolitiques pouvaient vaincre un instant cette peur qui les empêche de voir la vie et l’avenir autrement.

 

Dans toute l’histoire d'Haïti, en particulier sur le plan géopolitique et symbolique, la lettre “V”, que représente la forme géographique de la République à partir de la baie de “Port-au-Prince, avec l’ile de La Gônave comme la tête, a toujours influence de façon très significative l’imaginaire des Habitants et l'évolution de cette terre.

 

Depuis le voyage de Christophe Colomb, devenu par la suite visiteur dans le Nouveau Monde, les Amérindiens allaient payer par leur vie, le prix de la colonisation. Des hommes, des femmes et des familles vendus sur les côtes d’Afrique, allaient vivre l’une des expériences les plus déshumanisantes et humiliantes dans l’histoire des relations de domination et d’exploitation abusive de l’homme noir par l’homme blanc.

 

Des voeux de liberté pour sortir du stade de victime,  afin de jouir certains droits en passant par la dignité, allaient se matérialiser à partir de la vaillance des va-nu-pieds (Vanyan), et  la violence indispensable pour matérialiser la vengeance traduite dans la formule “Koupe tèt, boule kay”.

 

Durant cette révolution portée par des esclaves de Saint-Domingue, à travers  l'armée indigène,  depuis la cérémonie de Bois-Caïman, qui représente l'âge zéro du “Vodou”, le 14 août 1791, jusqu’à la victoire décisive, obtenue le 18 novembre 1803, à Vertières, cette mythique et mystique lettre “V” a plus que jamais façonné l'identité authentique de ce peuple, dont les secrets pour diriger cette terre et pour surmonter toutes les violences internes ou externes sont cachés dans les vertus des  “Vêvê” !

 

Des mots en “V”, comme des voeux pieux, viennent souvent visiter les faits les plus marquants dans les périodes les plus importantes ou néfastes dans la vie de ce peuple, notamment depuis 1957, avec le nombre 22 qui correspond à cette lettre qui faisait référence aux volontaires (VSN), en passant par 1986, qui marquait l'ère de la vengeance populaire, sans oublier les violences qui accompagnent les campagnes électorales, la journée du vote, pour ne pas citer la ruelle Vaillant.

 

Désormais le Vodou fait moins mal que les armes à feu ou de guerre venues de nulle part. Des visas retirés pour certains, pour ne plus voyager, ou pour ne plus bénéficier de votes aux prochaines élections, des vies continuent d'être emportées par la violence, dans le voisinage et à l'intérieur des villes qui se sommeillent presque plus. En Haïti, on fait la fête lors des veillées et on pleure au lendemain n’est-ce pas ?   

 

Dans l’obligation d'éduquer de manière intelligente les jeunes, toutes les familles et les Haïtiens qui vivent tant sur le sol national et dans d’autres pays étrangers, et qui sont conscients et fiers de leurs racines ancestrales combinées entre les trois civilisations africaines, amérindiennes et européennes, cette pédagogie basée sur l’intelligence des lettres, propose des approches simplifiées, tout en étant codifiées, capables d’offrir une nouvelle vision, certaines vérités, pas assez valorisées dans les familles et les médias anciens et nouveaux.    

 

Durant l'année scolaire, il faudrait apprendre à chaque jeune en Haïti, la possibilité de développer une nouvelle forme de conscience, de communication, de créativité et de construction sociale à partir des trois mots suivants: valeur, vision et volonté. Chaque trimestre, des connaissances et des compétences seraient partagées autour des vérités que chacun des concepts renferme dans l’histoire des grandes nations dans le monde.

 

Dans chaque salle de classe, des enseignements et des affiches prioriseraient la question de valorisation des ancêtres et des vivants dans une forme de prolongement généalogique et générationnel ; la vision historique, politique, économique, culturelle et identitaire à prendre en compte dans les relations familiales, institutionnelles et internationales des pères fondateurs de la Patrie serait désormais enseignée depuis les classes préscolaires, primaires et secondaires. Enfin la volonté que chaque enfant, jeune, adulte, parent, dirigeant ou citoyen devrait développer en permanence pour vivre et non survivre, encore moins subir les revers des bienfaits par Haïti, en choisissant de montrer à tous les autres peuples dominés dans le monde,  la voie de la dignité verticale de l’homme noir, par la dignité. En vérité !

 

Dominique Domerçant

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