Haïti-Éducation : l’ASEHA propose une nouvelle réforme dans le système éducatif haïtien

La coordination de l’Action syndicale des Enseignants d’Haïti (ASEHA), lors d’une conférence de presse organisée le 19 janvier 2023, a proposé une nouvelle « réforme éducative en Haïti ». Puisant dans l’ensemble de ses travaux, réalisés entre 2016 et 2020, le syndicat dégage les neuf points clés pouvant guider cette réforme.

Depuis ses premières interventions dans la presse en 2016, l’Action syndicale des enseignants d’Haïti (ASEHA) ne cesse de tirer la sonnette d’alarme sur la mauvaise gestion du système éducatif haïtien qui, selon elle, mérite une nouvelle réforme en profondeur. Dans une lettre ouverte adressée au titulaire du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), Nesmy Manigat, le syndicat soutient que cette réforme favorisera, entre autres, la valorisation du métier d’enseignants dans le pays et la transformation globale de l’école haïtienne. 

Scrutant les interventions et les actions opérées de la réforme Bernard (1982) à date, l'ASEHA dit noter que les décisions adoptées par le MENFP ne visent pas véritablement l’éradication des problèmes structurels du système d’enseignement d’Haïti. Tout en reconnaissant les mérites des 12 mesures annoncées en 2017 par le ministre Manigat, le syndicat dit déplorer le fait que lui et ses successeurs n’ont rien fait pour les mettre en application. 

L’organisation syndicale explique que le retour du ministre Manigat à la tête du système en fournit les preuves. Il se justifie par ailleurs en arguant qu’environ un an après l’installation de ce ministre, il n’a jamais évoqué ces mesures ni effectué une action montrant une quelconque volonté pour les mettre en application.  

Cette lettre a été l’occasion pour l’ASEHA d’attirer l’attention du MENFP sur la nécessité d’encourager les Institutions de Formation d’Enseignants de dispenser non seulement les cours liés aux spécialisations des enseignants, mais également ceux appartenant aux sciences de l’éducation  (psychologie de l’éducation, psychologie du développement de l’enfant et de l’adolescent, la docimologie, la pédagogie, la méthodologie, la didactique…). La susdite structure estime que ces institutions ouvrent de nouvelles filières de spécialisations correspondant aux domaines fraîchement intégrés dans le secondaire actuel. Elle postule que cela peut se faire soit par des spécialisations au premier cycle pour les enseignants en formation ou des formations de second cycle pour des professionnels venus d’autres domaines voulant se convertir en enseignants. 

Après ces analyses suivies de propositions, l'ASEHA résume en neuf points les principaux problèmes que doit aborder pour la valorisation du métier d’enseignants et la transformation réelle, positive et durable de l’école haïtienne.

1) L’ASEHA propose une grille salariale nationale pour tous les éducateurs, qu’ils soient privés ou publics. Comme retombées positives, elle croit que « l’enseignant cessera d’être un vendeur de cours. En conséquence, il consacrera du temps à la recherche et à la préparation de ses cours ». Tous les éducateurs devraient-ils être pris en compte ? « Cette grille, répond le syndicat, tiendra compte du niveau de formation de l'enseignant, de ses années d’expérience et du nombre d'heures qu’il fournit par semaine. »

2) Le syndicat demande à l’État de distribuer aux parents d’enfants sans emploi une Carte nationale de subvention scolaire (CNSS). Par cette carte, l’État haïtien pourra lutter contre les subventions jugées bidon. 

3) L’État haïtien, via le MENFP, doit s’impliquer à fond dans la façon dont les institutions scolaires recruteront les enseignants. Pour ce faire, l’ASEHA suggère qu’un étudiant qui veut intégrer le système éducatif haïtien comme enseignant doit s’adresser au MENFP qui, de son côté, lui délivra un permis d’enseignement. Toute école qui a besoin d’un enseignant s’adressera au MENFP qui lui fournira la liste des professeurs en attente d’embauche, ajoute l'ASEHA.

4) Sous le contrôle de l’État, les écoles doivent se doter de meilleurs matériels et d’infrastructures qui contribueront à réduire le « nombre d’écoles anarchiques et des écoles non enregistrées au MENFP ». À en croire cette organisation, on ne peut pas dispenser une éducation de qualité sans de meilleures infrastructures scolaires, telles que terrains multisports, laboratoire, jardins botaniques et matériels technologiques. 

 

5) L’Action syndicale des enseignants d’Haïti juge que les frais exorbitants des écoles pour les services fournis ne sont pas justifiés. Pour freiner cette dérive, elle préconise un « service minimal pour un coût minimal ». « Il reviendra à l’État de définir un ensemble minimal de services que doivent fournir les institutions scolaires suivant un frais minimal », résume-t-elle. 

 

6) Une éducation de qualité pour tous. Pour les responsables de l’ASEHA, par ce principe, l’État s’engagera à créer des conditions pour dispenser une formation de qualité dans les zones reculées du pays tout en intégrant de nouveaux diplômés des institutions étatiques dans le système éducatif haïtien. 

 

7) Elle conseille au MENFP de renforcer l’inspection scolaire nationale. L’ASEHA explique dans ledit document qu’à travers des visites improvisées et régulières dans les écoles, les inspecteurs surveilleront la conduite du processus d’apprentissage en incitant les enseignants à mieux préparer leurs cours. 

 

8) L’accompagnement psychosocial et sanitaire est un autre point clé permettant de transformer positivement le système éducatif haïtien, puisque les écoliers sont confrontés à des problèmes et/ou des troubles d’apprentissage. « Chaque école doit disposer d'un psychologue ou d'un travailleur social chargé de prendre en charge de tels enfants. Chaque école doit avoir également une infirmerie chargée de prodiguer des soins aux cas d'urgence survenus en son sein », recommande l’ASEHA. 

 

9) Mettre disponible des cafétérias dans des écoles afin que les enfants puissent se restaurer, car, soutient l’organisation syndicale, il existe un lien étroit entre l’éducation et la nutrition. « Beaucoup d’écoliers vont à l’école sans rien manger. Cela peut diminuer la motivation scolaire. L’ouverture de cafétérias dans les écoles permettra aux élèves les plus nécessiteux de trouver quelque chose à manger à un prix plus abordable au moment du processus enseignement/apprentissage », conclut-elle.

 

Fondée en juillet 2016, l’Action syndicale des enseignants d’Haïti a été officiellement lancée en septembre 2016. Elle se donne pour mission de valoriser le métier d’enseignant et de l’école dans l’imaginaire haïtien. Entre 2016 et 2020, l’ASEHA a organisé plus d’une dizaine de conférences au cours desquelles elle a abordé le fonctionnement du système éducatif haïtien, la situation et les conditions d’exercice du métier d’enseignants en Haïti, rappelle Samuel Pierre, coordonnateur général de l'organisation.

 

Wilner Jean

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES