Haïti, terre de massacres depuis les origines

On entend par massacre l’action de tuer une quantité importante de personnes — au moins une dizaine — qui ne sont pas en pouvoir de se défendre. Quand un massacre est perpétré dans l’objectif d’exterminer un groupe humain, on parle de génocide.

L’histoire de l’humanité regorge de massacres qui ont été commis dans presque tous les pays pour plusieurs raisons : ethniques, nationales, religieuses, politiques ou raciales. Tandis que les génocides sont plus rares. Les génocides les plus récents qu’on a retenus dans l’histoire du monde ont été le génocide arménien qui s’était conclu par la mort d’un million et demi de ressortissants d’Arménie par les Turcs entre 1915 et 1923 ; celui qui été décidé par Hitler contre les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale qu’on appelle communément Shoah ou Holocauste qui avait conduit à la disparition de six millions de Juifs ; et celui du Rwanda où périrent entre le 7 avril et le 15 juillet 1994 environ 800 000 Tutsis originaires du même pays.

D’après les opinions des auteurs, Haïti aurait connu plusieurs génocides et quelques dizaines de tueries pour des raisons religieuses, politiques, raciales ou foncières. Ce qui fait que ce pays a une réputation de pays de massacres depuis les premiers temps de sa colonisation.

Les pages qui suivent sont une tentative de décrire et d’analyser les massacres qui ont été commis sur la Terre d’Haïti et une approche pour faire prendre conscience aux Haïtiens de rompre avec la politique de massacres qui est malheureusement ancrée dans l’histoire du pays.

  1. Permanence des massacres qui sont toujours impunis en Haïti
    1. Des massacres tout le long de l’histoire d’Haïti

Haïti est un pays né dans le sang où le moindre conflit a tendance à se résoudre dans le sang au nom d’une tradition de violence qui s’est transmise de génération en génération. En effet, le territoire a subi d’abord de nombreux massacres des Indiens pendant la période espagnole, qui ont abouti à la disparition des natifs de l’ile. Sous la colonisation française, les massacres étaient légion. De nombreux massacres furent commis également dans le cadre de la lutte entre les groupes raciaux. Après l’indépendance, ponctuée par le massacre des Français, décidé par Dessalines, la porte restait grandement ouverte aux tueries de masse qui étaient devenus une constante des politiques des gouvernements pour la plupart dictatoriaux et en en même temps une des caractéristiques majeures de l’instabilité politique du pays pendant tout le 19e siècle. Les choses n’avaient point changé, sinon empiré au 20e siècle avec les batailles politiques pour le pouvoir, qui avaient atteint un premier pic entre les années 1950 et la fin du 20e siècle, et qui se sont déroulées dans presque tous les points du pays avec tous les records battus par Port-au-Prince qu’Henry Christophe appelait Port-aux-Crimes. Mais, le pire a été observé au cours des trois premières décennies du siècle actuel caractérisé par l’exacerbation des luttes politiques et par un virage vers le banditisme qui atteint actuellement son point culminant avec la pullulation des gangs menaçant de toute évidence le fondement de la « nation ».

    1. Pourquoi Haïti est-il une terre de massacres ?

De nombreux facteurs expliquent la permanence des massacres en Haïti. Le pays a démarré dans une atmosphère de crimes, de guerres civiles qui se sont succédé pendant les deux périodes coloniales espagnole et française. Pour la première, on sait que ce sont les Indiens qui avaient fait les frais des exactions commises par les hommes qui avaient débarqué à Hispaniola dans le sillage de la découverte de l’île par Christophe Colomb. Pour la seconde, c’était, d’une part, l’ensemble des souffrances et des mauvais traitements auquel les esclaves étaient en proie ainsi que les luttes qu’ils avaient engagées contre leurs conditions. Et d’autre part, les diverses turbulences et les guerres civiles qui avaient émaillé les oppositions et les divergences entre les groupes sociaux de la colonie jusqu’à l’obtention de l’Indépendance.

La violence a été exacerbée très tôt avec les mouvements qui avaient été boostés par :

  • les idées véhiculées par la Révolution française au nom de la devise Liberté, Égalité, Fraternité ;
  • la dégradation des rapports entre certains groupes sociaux et la métropole sur la question des droits à accorder aux classes frustrées dans la colonie.
  • Et enfin les revendications des planteurs et des affranchis envers la métropole.

Il est impossible de recenser pendant la période allant de 1789 à 1804 le nombre de tueries issues des luttes entre les groupes raciaux de Saint-Domingue, encore moins le nombre de morts découlant des batailles entre les troupes des puissances européennes et des batailles qui avaient opposé l’armée française et les indigènes.

À cette époque de pouvoir militaire et de guerres civiles à répétition dans la colonie, presque tous les hommes dans la force de l’âge étaient impliqués dans les guerres entre les armées européennes présentes dans la colonie et les batailles diverses qui s’y déroulaient. Saint-Domingue était devenue un lieu où ne parlait que la poudre immense depuis l’affranchissement général des esclaves décidé par Sonthonax le 29 août 1793 et la distribution en mai 1796 de 30 000 fusils aux nouveaux libres (les anciens esclaves) pour contrecarrer les tentatives des Blancs de Saint-Domingue de livrer la colonie aux Anglais.

1.3 Circonstances des conflits et des massacres en Haïti

Les conflits et les massacres auxquels Haïti a toujours été en proie se sont manifestés sous les formes les plus diverses.

Tantôt des tentatives de coups d’État ou des coups d’État réussis. Dans le premier cas, comme celui qui fut concocté par les membres de l’Assemblée de , qui était un parlement autoproclamé opposé aux réformes de la Révolution française, et qui se prétendait au-dessus du gouverneur général et qui avait voulu imposer la sécession de Saint-Domingue. Cette assemblée était particulièrement remontée contre l’application du décret du 15 mai 1790 qui accordait aux gens de couleur les mêmes droits politiques que les Blancs. Ou encore le coup d’État du 30 septembre 1991 contre Jean-Bertrand Aristide qui a été perpétré par les militaires dont les réactions brutales contre la population avaient provoqué des dizaines de morts et des centaines de blessés. Le général Cédras qui avait pris la tête de la junte allait rester trois années au pouvoir avant le retour de l’ancien président avec les troupes américaines.

Tantôt des soulèvements comme celui qui fut organisé par Ogé et Chavannes, deux chefs de file de la lutte des gens de couleur de la colonie pour l’obtention de l’égalité des droits politiques avec les Blancs. Le premier, qui était l’initiateur du mouvement, avait fondé en France la Société des colons américains. À son retour à Saint-Domingue, il avait dirigé une rébellion appuyée par un groupe de 300 mulâtres dans les montagnes du Nord qui, dans la nuit du 28 octobre 1790, avait parcouru les plantations, menacé les Blancs et pillé quelques habitations. Les choses s’étaient mal terminées pour lui, car, après avoir dû fuir en territoire espagnol, il a été livré aux autorités françaises avec son complice Chavannes et exécuté le 25 février 1791. C’était la fin des espoirs pour les affranchis d’arracher seuls les droits qu’ils réclamaient. Malgré leurs préjugés, ils n’avaient plus que le choix de s’allier avec les esclaves pour voir changer leurs conditions.

Tantôt des massacres comme celui qui avait suivi le soulèvement général des esclaves dans la nuit du 21 au 22 août 1791. Au cours de cette nuit, les esclaves avaient brûlé cinq habitations, massacré les colons, sans épargner les femmes et les enfants. Et pendant une dizaine de jours, ils avaient mis la Plaine du Nord en feu et en flammes. Le décompte était spectaculaire : près de 1000 Blancs assassinés, 161 sucreries et 1200 caféteries brûlées. Et Boukman, le chef de l’insurrection, avait tenté de pousser jusque vers le Cap-Français avant d’être mis à mort par les agents de l’armée coloniale.

Tantôt des rivalités entre les plus hautes autorités militaires de l’ancienne colonie. On ne saurait oublier parmi ces conflits qui ont aggravé la situation sécuritaire de la colonie la Guerre du Sud, connue également connue sous le nom de la Guerre des Couteaux. Ce fut en partie un conflit « racial » qui avait mis aux prises dans la partie sud de la colonie les Noirs et les mulâtres sous le couvert de la rivalité entre André Rigaud et Toussaint Louverture qui se disputaient le contrôle de la colonie de Saint-Domingue après avoir été des alliés en 1794.

En juin 1799, quelques mois après le débarquement d’Hédouville, la guerre du Sud avait éclaté entre Toussaint, soutenu par Jean-Jacques Dessalines,et Rigaud soutenu par Alexandre Pétion et Lamour Desrances, un officier noir qui avait rejoint le camp des mulâtres. Cette guerre avait abouti à l’extermination de près de 10 000 mulâtres du Sud. Après son échec et la prise de Jacmel par les troupes de Toussaint Louverture en mars 1800, André Rigaud avait dû partir pour la France pour ne revenir à Saint-Domingue que trois ans plus tard en 1803 avec les membres de l’expédition Leclerc qui avait vu débarquer 50 000 hommes dans la colonie.

Et tout le reste de l’histoire du pays s’est calqué sur le même fond délétère de violence comme on le vit quotidiennement aujourd’hui avec les méfaits des groupes armés dans l’ensemble du pays.

    1. Des massacres toujours impunis

L’analyse des suites des massacres montre que tout le long de l’histoire, depuis la période coloniale, les auteurs de ces faits ont toujours été impunis à peu d’exception près. Non pas que des actions en justice n’aient jamais été engagées contre eux, mais elles n’ont jamais abouti en raison des complicités dont ont bénéficié les « massacreurs » dans un pays dont le système judiciaire a toujours été très indulgent envers les grands criminels. D’ailleurs, il y a presque toujours les mains des plus hautes autorités ou de réseaux très puissants derrière les massacres les plus importants. On sait que dans certains cas on va abattre les blessés sur leurs lits d’hôpital ou dans « une infirmerie de campagne » comme il en fut pour six adolescents lors du massacre du 17 septembre 1902 en pleine guerre civile entre les firministes et les troupes du gouvernement de Boisrond-Canal. On sait aussi que plusieurs procès avaient été ouverts à la chute de Nord Alexis contre les responsables politiques et militaires de cette tuerie. Mais ils ont tous été graciés. Il en a été de même sous l’Occupation américaine à la suite de l’exécution de 19 prisonniers Cacos à Hinche en janvier 1919 sur ordre du capitaine américain Lavoie. Bien que ce dernier ait été accusé de crimes par d’autres officiers américains, sa responsabilité n’a pas été établie par la commission en charge de l’enquête. Mais, ce ne fut qu’une exception sous l’Occupation américaine parce que des milliers de Cacos et d’opposants divers ont été exécutés sommairement pour la plupart dans le Camp de Chabert entre 1915 et 1934.

Un autre cas fut celui de l’ancien général duvaliériste William Régala dont on dit qu’il était le principal boucher des Vêpres de Jérémie et du Massacre de la Ruelle Vaillant. Aucune action en justice n’a jamais été intentée contre lui en dépit de la demande d’extradition que le ministère de la Justice Jean-Bertrand Aristide avait produite auprès du gouvernement dominicain en 1991.

Quelquefois aussi, les juges d’instruction décident de manière tout à fait arbitraire de délivrer une ordonnance de clôture malgré le nombre élevé de chefs d’accusation comme il en fut pour la suite qui a été donnée pour le « Massacre de Piatte » sous le gouvernement d’Ertha Pascale Trouillot en 1990.

Parfois aussi, sous la pression de l’opinion publique, les assassins sont brièvement détenus, comme dans le cas du « Massacre de Jean-Rabel » qui a été perpétré le 23 juillet 1987 sous le général Henry, avant d’être relâchés à la faveur d’une manœuvre spéciale.

Les seules circonstances où les responsables des massacres aient eu à payer leurs forfaits sont les cas où ils ont été lynchés par la population comme il en fut pour Vilbrun Guillaume Sam le lendemain du massacre qu’il avait commandité le 27 juillet 1915 contre 167 prisonniers politiques qui étaient incarcérés au Pénitencier national. Parallèlement, plusieurs des auteurs de ce massacre, soldats et geôliers ont été jugés et acquittés deux années après.

2. Typologie des massacres en Haïti.

Dans ce pays endeuillé de massacres, il est intéressant de tenter une typologie de cette catégorie d’évènements funestes. Selon mes recherches, on peut distinguer à travers nos recherches et nos analyses quatre types de massacres : les massacres de type génocide, les massacres pour cause de conflit foncier, les massacres pour des raisons religieuses et enfin les massacres pour des raisons politiques. C’est cette dernière catégorie qui offre la plus grande diversité.

2.1. Les quatre catégories de massacres pratiqués en Haïti

2.1.1 Les massacres de type génocide

  • comme les multiples souffrances qui avaient abouti à l’extermination des Amérindiens sous la période espagnole, soit 300 000 à 500 000 personnes, bien que certains auteurs comme Bartolomé de las Casas aient avancé le chiffre de trois millions d’habitants — peu crédible — !

Selon l’historien Michel Soukar, les Américains auraient été responsables, entre 1915 et 1921, de la disparition de 5000 à 15 000 paysans haïtiens qui étaient incarcérés dans le camp de concentration de Chabert.

Il faut ajouter qu’à l’époque « tous ceux qui étaient contre l’Occupation ou qui étaient soupçonnés de rébellion ont été fusillés » et que le sud du pays est le département qui avait payé le plus lourd tribut à la sauvagerie américaine.

On sait que les phases de la pacification étaient particulièrement brutales jusqu’à l’écrasement total des Cacos après la mort de Charlemagne Péralte en 1919 et après celle de Benoit Batraville en 1920. On retient pour cette période quatre massacres rapportés par les historiens, dont deux particulièrement connus : le massacre de Hinche en janvier 2019 qui vit la disparition tragique de 19 Cacos et le massacre des Cayes qu’on appelle aussi massacre de Marchaterre en date du 6 décembre 1929 où furent tués 12 à 22 Haïtiens parmi 5000 manifestants. 

Personne ne peut savoir combien des 40 000 Cacos qui combattaient l’armée d’occupation ont été exterminés. De toute façon, le volume considérable de disparitions évoqué par certains historiens correspond à la définition du génocide qui est fondée sur la quantité de personnes tuées dans une communauté.

On ne saurait laisser sous silence le massacre des Haïtiens de 1937 connu également sous le nom de Massacre du Persil, qui avait été perpétré en territoire dominicain sur l’ordre de l’ancien président, Rafael Leónidas Molinas Trujillo. 30 000 Haïtiens qui travaillaient principalement dans les plantations sucrières du pays le long de la rive dominicaine de la rivière Dajabon y avaient perdu la vie entre le 2 et le 4 octobre 1937. Les Haïtiens étaient facilement identifiés comme cibles pendant le massacre parce qu’ils ne pouvaient pas prononcer le mot « perejil » qui signifie persil en espagnol.  Ce massacre qui a été surnommé « Kouto a » — le couteau par les Haïtiens, parce qu’il a été exécuté surtout à la machette -, était une action calculée par le président dominicain « pour homogénéiser la population dans la zone frontalière et détruire l’embryon de république haïtienne que décrivaient les autorités dominicaines de l’époque face à l’importance de l’immigration haïtienne dans leur pays ».

2.1.2 Les massacres pour cause de conflit foncier

Les massacres pour cause de conflit foncier qui sont sans doute plus nombreux que ce qui est relaté par l’histoire et dont le plus important est celui de Jean-Rabel perpétré le 23 juillet 1987 sous le gouvernement d’Henry Namphy et qui aurait provoqué plusieurs centaines de victimes (300 selon l’OEA, et 1042 selon l’un des assassins autoproclamés dont le nom est rapporté par Jean-Philippe Belleau dans la « Liste chronologique des massacres commis en Haïti au XXsiècle ». Il y avait aussi le massacre de Gervais dans le département de l’Artibonite (17 janvier 1991), perpétré également sous le gouvernement de Henry Namphy où 12 paysans avaient été tués et 8 portés disparus dans le cadre d’un conflit foncier où plusieurs familles de petits propriétaires terriens en conflit depuis 1973 s’étaient opposées entre elles de manière violente. Aucune enquête n’a été ouverte par la suite.

2.1.3 Les massacres en lien avec des raisons religieuses

  • les massacres en lien avec des raisons religieuses comme les crimes à l’encontre de vodouisants lors des campagnes antisuperstitieuses de la période 1939-1942 – les campagnes « rejete » pour lesquelles on ne possède pas de données précises. Ou encore les massacres qui ont été commis sur les vodouisants lors de l’éclatement de la première épidémie de choléra en décembre 2010. Dans la Grande-Anse, plus d’une quarantaine de personnes avaient été tuées « sous le prétexte d’avoir utilisé une substance (poud kolera) » mise au point par les sorciers « qui aurait la vertu de propager le choléra dans la région ». De même, une alerte a été lancée le samedi 29 octobre 2022 dans la localité de Désermite en pleine épidémie de choléra où 12 personnes avaient été assassinées pour la même raison.

2.1.4 Les massacres pour des raisons politiques

  • La dernière catégorie de massacres, les massacres pour raisons politiques, correspond aux massacres politiques qui sont décidés directement ou indirectement le plus souvent par les gouvernements pour se maintenir au pouvoir ; quelquefois aussi par les opposants contre les représentants du pouvoir ; quelquefois encore par les populations pour se venger contre les anciens partisans de gouvernements déchus.

Cette catégorie se répartit en quinze sous-catégories :

  • les massacres politiques pour satisfaire une soif de vengeance comme le massacre des Suisses sous la période coloniale française où une punition sévère avait été infligée au groupe d’esclaves qui avaient appuyé les gens de couleur pour arracher localement l’égalité des droits avec les Blancs. Un autre exemple de massacre de même genre a été celui perpétré le 26 avril 1963 sous François Duvalier contre les familles de ceux qui étaient considérés comme les auteurs de la tentative d’enlèvement contre Jean-Claude Duvalier. Plus d’une centaine de personnes avaient été tuées le même jour sans compter celles qui avaient été emmenées à Fort-Dimanche où elles « disparaitront ».
  • Les massacres politiques qui sont à l’initiative des populations comme ceux qui ont suivi la chute d’un gouvernement sanguinaire comme celui qui a été déclenché de manière spontanée contre les tontons macoutes le jour même de la chute de Jean-Claude Duvalier le 7 février 1986. Il y avait alors un demi-million de personnes dans les rues qui dilapidaient et brûlaient vifs des anciens miliciens de Duvalier. Dans cette ambiance de furie, une cinquantaine de houngans et de mambos avaient été tués pour leurs relations supposées avec le régime de Duvalier et des dizaines d’autres personnes dénoncées comme sorciers ou loups-garous avaient été lynchées par la foule.
  • Les massacres politiques contre les membres de manifestations dans les rues comme le massacre de Fort-Dimanche (26 avril 1986), qui a été le fait des militaires auxquels Jean-Claude Duvalier avait remis le pouvoir. Il s’agissait d’une répression extrêmement brutale contre une manifestation pacifique de la population en guise d’hommage aux victimes du régime duvaliériste à la prison de Fort-Dimanche et aux victimes de la tuerie de 26 avril 1963. Il y aurait ce jour-là 15 morts selon la mémoire collective haïtienne.
  • Les massacres politiques pratiqués par les gouvernements au pouvoir pour venir à bout des opposants comme le massacre perpétré par Nord Alexis qui s’était soldé par l’assassinat de 27 opposants le 14 mars 1908 ou encore les massacres décidés par François Duvalier respectivement le 14 avril 1969 à Fort-Dimanche contre une trentaine de jeunes communistes et le 22 juillet de la même année où furent exécutés à Ganthier plusieurs centaines de prisonniers politiques de gauche qui avaient été arrêtés les semaines précédentes.
  • Les massacres d’auteurs de complot contre les gouvernements en place comme l’exécution des 19 officiers de l’armée d’Haïti à Fort-Dimanche, le 8 juin 1967, en présence de François Duvalier. Cependant, selon les dépositions des intéressés, ils ne connaissaient pas les raisons pour lesquelles ils avaient connu ce sort. Ou encore les massacres commandités par Nord Alexis.
  • Les massacres perpétrés de manière presque aveugle par les gouvernements les plus sanguinaires comme les massacres de Cazale (de Fonds-Verrettes / Mapou (plus de 600 paysans) ou encore le massacre communément appelé « Les Vêpres de Jérémie » (27 tués).
  • Les massacres de prisonniers politiques comme celui dont furent l’objet le 27 juillet 1915 un total de 167 personnes qui étaient incarcérées au Pénitencier national sous le gouvernement de Vilbrun Guillaume Sam. Certains de ces prisonniers avaient été exécutés dans leurs cellules même à travers des grilles.
  • les massacres pratiqués par des troupes étrangères sur le sol haïtien pour venir à bout des résistants à leur présence dans le pays comme les massacres commis par les Américains entre 1915 et 1921 au début de l’Occupation. Les historiens ont principalement retenu le massacre de Hinche en janvier 1919 et le massacre de Marchaterre ou massacre des Cayes qui a été perpétré le 6 décembre 1929 par le Corps des Marines des États-Unis. Y furent tués 12 à 22 protestataires. Il faut ranger dans cette sous-catégorie les massacres commis par la Minustah, comme celui qui avait durement frappé Cité Soleil le 6 juillet 2004 à Cité Soleil en 2004 : 63 morts selon les ONG qui avaient déposé une plainte contre les Casques bleus. Le commandant brésilien Urano Bacellar qui dirigeait alors la mission de l’ONU en Haïti avait prétexté qu’il y avait une confrontation avec les habitants du bidonville, qui s’étaient opposés à l’entrée de ses troupes dans le quartier « rebelle ». C’était le jour où l’un des seigneurs de l’Opération Bagdad déclenchée le 30 septembre 2004, qui était l’une des plus vastes campagnes de terreur qu’ait connues le pays au cours des vingt dernières années, le tristement célèbre Dread Wilmé avait été tué.  
  • Les massacres en pleine guerre civile qui ont abouti à l’extermination indiscriminée de populations comme le massacre du 8 août 1902 où 450 civils auraient péri dans l’incendie de la ville de Petit-Goâve à l’initiative des forces gouvernementales du général Carrié sous Boisrond-Canal pour déloger les forces firministes de la ville. Il en était de même du massacre en date du 17 septembre 1902 contre des paysans désarmés des forces gouvernementales qui ont été abattus sur ordre du général firministe Laborde Corvoisier à la suite d’une bataille au Limbé.
  • Les massacres organisés contre des troupes ennemies comme celui qui avait été perpétré en 1803 lors de la guerre de l’indépendance haïtienne à l’encontre des noirs par l’armée de Leclerc et qui avait abouti au supplice du général Maurepas ainsi qu’à des noyades et des exécutions sommaires d’esclaves à l’initiative de plusieurs généraux français.
  • Les massacres pour étouffer dans l’œuf certains mouvements populaires comme celui que l’ancienne Armée d’Haïti avait perpétré entre le 15 au 17 juin 1957 contre les partisans de Daniel Fignolé après son renversement le 14 juin de la même année ou encore le massacre qui a été accompli par les militaires le vendredi 31 janvier 1986 à l’occasion de l’éclatement de la rumeur du départ de Jean-Claude Duvalier.
  • Les massacres commis par les gangs contre la population civile, comme le massacre de Cabaret qui a été le fait d’un gang ayant débarqué dans cette commune le 29 novembre 2022 et qui avait assassiné une douzaine de personnes et incendié des maisons ou encore les massacres à répétition dont Bel-Air a été victime, respectivement en octobre 2019, octobre 2020, entre le 31 mars et le jeudi 1er avril 2021 (13 morts). Il en a été de même pour Cité Soleil qui a été endeuillée plusieurs fois depuis 2020 et où selon le RNDDH 44 personnes ont été assassinées par balles en 2021.
  • Les massacres cautionnés par l’État comme le massacre commis le 11 septembre 1988 à l’église de Saint-Jean Bosco où des individus armés, portant des brassards rouges, s’étaient introduits dans l’église en pleine messe effaçant la vie d’une cinquantaine de fidèles qui assistaient à la messe du dimanche dite par le prêtre Jean-Bertrand Aristide et incendié le bâtiment religieux. On avait qualifié de la même manière le massacre de La Saline perpétré sous Jovenel Moise le 13 novembre 2018 pour au moins trois rapports, dont un de la Clinique internationale des droits humains de Harvard Law School, avaient pointé du doigt des grands commis de l’État. Cependant, aucune preuve formelle n’a pu être apportée à ces lourdes accusations. 
  • Les massacres en représailles comme celui qui fut commis par la Police nationale d’Haïti à Gran Ravin le 13 novembre 2017. Cette tuerie a été décrite par tous les organes de presse haïtienne qui ont relaté que des bandits de la zone s’étaient réfugiés dans les locaux de l’église Maranatha à Bolosse pendant que la Police procédait à des arrestations. Il s’était trouvé que, par manque de sang-froid, les agents de la PNH avaient riposté à une attaque des bandits qui avaient abattu deux policiers membres de l’Unité départementale de maintien de l’ordre (UDMO). Ils avaient alors donné la mort à au moins sept individus. Il s’agissait donc d’une des plus grandes bavures policières commises en Haïti.

Conclusion

Haïti a presque toujours été à travers toute son histoire une terre de crimes et de massacres à l’exception d’un petit nombre de présidents qui n’ont pas baigné dans le sang comme ceux de Rivière Hérard et de Nissage Saget au 19e siècle de Michel Oreste au début du 20e siècle ou encore de celui de René Préval dans la période récente. Des massacres surtout pour des raisons politiques en lien avec les rivalités permanentes entre les gouvernements en place et les oppositions dans le cadre de la lutte pour le pouvoir. Le pays a été aussi le théâtre d’au moins quatre génocides depuis celui qui avait provoqué la disparition de sa population originaire, les Indiens jusqu’au génocide des Haïtiens en République dominicaine en 1937 en passant par les tueries massives de Cacos sous l’Occupation américaine et le massacre des Français en 1804. Les massacres pour des raisons économiques, plus précisément foncières, ont été spectaculaires, mais pas très nombreux. Enfin, des massacres à caractère religieux, surtout lors des épidémies de choléra. Le plus grand problème qui se pose de nos jours concerne les tueries perpétrées par les gangs armés, surtout lors des affrontements entre groupes rivaux. Il est temps que les Haïtiens se démarquent de cette culture du crime pour commencer à comprendre qu’ils doivent apprendre à vivre ensemble en frères et œuvrer solidairement pour le développement de leur pays.

 

Jean SAINT-VIL

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