L’École supérieure d’infotronique d’Haïti au rendez-vous de ses défis scientifiques et pédagogiques

Entrevue exclusive avec Patrick Attié

(Première partie)

L’histoire de la formation professionnelle et technique en Haïti de 1804 à nos jours semble peu connue ou mal connue. Les sources documentaires permettant d’en dresser un éclairant bilan analytique ne sont pas nombreuses. Spécialiste de l’éducation, enseignant-chercheur et ancien ministre de l’Éducation nationale, Charles Tardieu offre un regard d’ensemble et apporte des données historiques pertinentes sur ce sujet dans sa remarquable thèse de doctorat publiée en 2015 aux Éditions Zémès sous le titre « Le pouvoir de l’éducation / L’éducation en Haïti de la colonie esclavagiste aux sociétés du savoir ». De manière plus ciblée, c’est un ingénieur, Ruben Sanon, qui a récemment fourni les éléments d’unbilan historique de l’évolution de la formation professionnelle et technique en Haïti dans un article publié par Le Nouvelliste du 17 janvier 2020, «Formation professionnelle en Haïti, une histoire passionnante et enrichissante ». Dans ce texte amplement informatif, il précise ce qui suit : « Au lendemain de l’Indépendance, même avec l’organisation du nouvel État, la formation professionnelle se faisait sans caractère officiel. En d’autres termes, sans règle préétablie, s’adonnant à l’un des principes antiques qu’est la transmission du métier de père en fils. Voilà pourquoi il a fallu attendre un siècle plus tard, soit en 1913, pour voir naître la première école professionnelle officielle du pays, à savoir Élie Dubois, une école qui, depuis sa fondation, se consacre à la formation des filles.Parallèlement, la première école technique du pays, Jean-Baptiste Damier, mieux connue sous le nom de JB Damier, a vu le jour en 1926. Déjà, elle fonctionnait dans une maisonnette sous un autre nom dans la zone où est situé l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (l’Hôpital général). C’est également le cas de l’école professionnelle des Gonaïves qui a été fondée la même année. Deux ans plus tard, le gouvernement haïtien a inauguré l’école professionnelle de Jérémie ».La création d’institutions de formation professionnelle et technique est donc datée et située en Haïti, ainsi que, de manière générale, la mission qui leur a été confiée.

Poursuivant son survol historique, Ruben Sanon précise que « L’École nationale des arts et métiers (ENAM), fondée [en] 1936 à la demande du président Sténio Vincent, est la plus ancienne école dirigée par les Salésiens en Haïti. En octobre 1940, le président Sténio Vincent, grâce au don de sa sœur Résia Vincent, a inauguré le Centre d’apprentissage de Saint-Martin (CASM), qui a pu acheter avec son argent quelque 7 carreaux de terre pour ladite construction.Grâce au don de la famille du professeur Leslie François Manigat, l’École professionnelle Saint-Surin Manigat fut fondée en 1960 à Martissant 7 ».

L’un des mérites de l’article de Ruben Sanon est de rappeler que c’est durant la dictature de Jean Claude Duvalier–qui n’avait pourtant aucun véritable projet éducatif dans le domaine de la formation technique et professionnelle--, qu’a été fondé, « le 9 octobre 1973, par décret présidentiel, l’Institut national de la formation professionnelle (INFP) dans l’ultime but de préparer des cadres (formateurs de formateurs) au profit des centres de formation professionnelle (CFP) afin d'être plus compétitifs sur le marché du travail ». S’il y a lieu de noter que l’auteur évoque de manière expéditive, sans la dater ni la situer, la survenue d’une Secrétairerie d’État à la formation professionnelle, il fournit toutefois un éclairage de premier plan sur l’institutionnalisation de la formation professionnelle à l’échelle nationale : « L’Institut national de formation professionnelle (INFP), après la publication du décret-loi de 1985, s’érige dans une certaine mesure en tant qu’organe régulateur de la formation professionnelle en Haïti. Avec ses 46 ans d’existence, l’institution accrédite environ 210 écoles de formation professionnelle et technique dont 21 sont publiques, une quinzaine [est] subventionnée et le reste est d’ordre privé. De plus, tant bien que mal, l’INFP organise des examens officiels depuis tantôt une quinzaine d’années ».La fin de l’article de Ruben Sanon énumère toutefois, de façon peu convaincante, l’une et l’autre raison du « déclin » et de la « décrépitude » del’INFP. Mais en bout de piste, après avoir lu cet article, l’on n’est pas renseigné, par exemple, sur le nombre total d’élèves formés en 46 ans à l’INFP, sur la qualification des enseignants, sur les principaux domaines de formation, etc.

Il est symptomatique de constater que de la création de l’INFP le 9 octobre 1973 jusqu’à aujourd’hui,très peu de documents analytiques dressent un état des lieux exhaustif d’un domaine pourtant essentiel au développement économique du pays, la formation technique et professionnelle.Il est également symptomatique de constater que le site officiel du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti ne fournit aucune donnée analytique sur la formation technique et professionnelle alors même qu’en théorie une telle formation relève de sa mission et de ses prérogatives. Ces lourdes lacunes sont en grande partie comblées par une étude de qualité élaborée par Rony François, M.Sc., MA, Directeur général et professeur au Centre de technologie moderne d’Haïti (CETEMOH), un centre d’enseignement technique et professionnel situé à Port-au-Prince. L’étude a pour titre « État des lieux de la formation professionnelle en Haïti » (revue Haïti Perspectives, vol. 6, no 2, été 2017 / Cahier thématique« Formation professionnelle et technique en Haïti ». Le chapitre 2.3.3 de cette étude, « Les paliers dans la formation technique et professionnelle en Haïti »expose avec pertinence que « La FTP [la formation technique et professionnelle]en Haïti comprend les établissements d’enseignement technique (EET), les établissements d’enseignement professionnel (EEP), les écoles de formation agricole (EFA), les centres de formation professionnelle (CFP) et les centres ménagers (CM) ou écoles d’économie familiale ».Pour mieux comprendre la vision, la mission et les défis pédagogiques de l’un de ces établissements d’enseignement technique, pour apporter un éclairage informatif sur les programmes qu’elle offre, Le National est allé à la rencontre de Patrick ATTIÉ, Directeur général de l’École supérieure d'infotronique d'Haïti (ESIH). Il y a lieu de souligner que Mme Marlène SAM, coordonnatrice de projets et directrice des Relations Internationales de l’École supérieure d'infotronique, est co-rédactrice des réponses de cette entrevue. Entrevue exclusive avec Robert Berrouët-Oriol. (Dans les réponses, le terme « étudiants » désigne aussi bien les étudiants que les étudiantes.)

Robert Berrouët-Oriol (RBO) – Patrick ATTIÉ, plusieurs observateurs soutiennent qu’il y aurait une surabondance incontrôlée d’écoles techniques en Haïti, notamment à Port-au-Prince et singulièrement dans les domaines de la gestion et de l’informatique. Selon votre expérience et votre connaissance des besoins de formation en Haïti, ce lapidaire diagnostic sur le secteur de la formation professionnelle et techniqueen Haïti est-il fondé ?

Patrick ATTIÉ (PA) – L’enseignement et la formation technique et professionnelle ont pour objet l'acquisition de connaissances et de compétences pour le monde du travail, pour une profession, un métier ou une catégorie d'emplois ou de métiers particuliers. À ce titre, l’ESIH (l’École supérieure d'infotronique d'Haïti)a été créée pour améliorer l’employabilité des jeunes Haïtiens en satisfaisant la demande des entreprises et organisations locales dans ces domaines. En 1995, face à la massification croissante de la demande au sortir du secondaire, la vision de ses fondateurs était de contribuer au développement d’Haïti en formant des ressources humaines qualifiées pour alimenter une production d’un savoir-faire scientifique et technologique local capable de relever les défis tels l’atteinte de certains des ODD, en particulier l’ODD 4 (éducation de qualité), l’ODD 8 (travail décent) et l’ODD 10 (réduction des inégalités).En 2015, les dirigeants du monde entier se sont mis d'accord sur 17 objectifs mondiaux (officiellement connus sous le nom d'objectifs de développement durable, ou ODD) visant à créer un monde meilleur d'ici 2030, en mettant fin à la pauvreté, en luttant contre les inégalités et en répondant à l'urgence du changement climatique.

De fait, pour répondre à votre question, le problème n’est pas tant le nombre d’écoles techniques reconnues par l’INFP, mais plutôt la capacité financière, humaine et technique de cette institution à les gouverner, surtout qualitativement, sur divers volets, pour répondre à divers défis, en particulier :

 

Les moyens financiers

Selon des données présentées par son Directeur des opérations, en 2019, l’INFP disposait de 19 centres de FTP à travers le pays et subventionnait de plus 23 centres privés. Avec un budget annuel de 319 millions de Gourdes, ceci correspond à un budget moyen d’environ 50000 $ USD annuel par institution (taux 148 Gourdes/$ USD en janvier 2023), ce qui semble largement insuffisant pour assurer un développement adéquat de la FTP en Haïti (infrastructures physiques et techniques, formation des enseignants, ressources pédagogiques, contrôle qualité, etc.)(« La technologie absente de la formation professionnelle en Haïti », Ayibopost, 5 juillet 2019.)

Peut-être vaudrait-il mieux accompagner un plus petit nombre d’institutions avec un budget plus conséquent et un pilotage plus serré. En effet, l’amélioration de la qualité ne peut se produire sans un investissement directement proportionnel au niveau de qualité visé. On oublie trop souvent que la qualité a un prix, et que ce prix est élevé! Quelqu’un doit payer ce prix, si ce n’est pas l’État, alors cette prise en charge doit provenir d’autres sources. C’est en réalité largement le cas aujourd’hui en Haïti, plus de 80% de l’éducation primaire (pour ne citer qu’elle) de nos jeunes est prise en charge par le secteur non public (secteur privé, non gouvernemental et/ou secteur religieux).

Quant à la «disparition souhaitée» des écoles non gouvernées par l’INFP, et sans nous faire les avocats du diable, celle-ci pourrait avoir un impact négatif social important. En effet, un nombre important de jeunes Haïtiens y sont inscrits pour des raisons essentiellement financières, ces institutions proposant en général une formation de qualité discutable, mais à un coût plus accessible à la majorité des familles, ce qui, pour le public visé, est mieux que pas d’éducation du tout et pour les dirigeants, cela permet d’éviter que plus de jeunes encore se retrouvent dans la rue.

 

L’éparpillement des moyens 

À ceci, nous devons ajouter que certaines entités gouvernementales telles que le MSPP, le MARNDR, le MAST investissent elles aussi dans leurs propres structures FTP (dont les diplômes ne sont pas reconnus par l’INFP). Cet éparpillement des moyens contribue à affaiblir l’ensemble de l’écosystème de la FTP.

 

Le manque à gagner 

Les étudiants en République dominicaine : En 2017, un rapport de l’Observatoire binational sur la migration, l’éducation, l’environnement et le commerce (OBMEC) fait état de 40000 étudiants haïtiens inscrits dans le pays voisin, soit environ 70% de leurs étudiants étrangers,qui génèrent un apport annuel de devises estimé à environ 220 millions de dollars américains. La situation sécuritaire du pays, au début de l’année 2023 va sans aucun doute décupler ces chiffres qui sont probablement déjà largement sous-évalués. (« Les étudiants haïtiens enrichissent les universités dominicaines », Ayibopost, 29 août 2019.)

 

La corruption

Selon l’économiste Eddy Labossière, Haïti devrait pouvoir augmenter son budget sans l’aide de la communauté internationale si des efforts sont consentis pour mener la lutte contre la corruption, un fléau qui prive l’État haïtien de 8 à 10% de son PIB. (« La corruption sape l’économie du pays et ses coûts sont énormes », Le Nouvelliste, 7 mai 2018).

 

Une amélioration de la gouvernance en cours ?

Il est cependant important de mentionner, en termes de gouvernance, un progrès récent accompli grâce à la loi du 21 mai 2018 qui réorganise l’INFP. En vue de l’application de cette loi, un Cadre national de certification (CNC) est créé, qui« définit les niveaux de qualification professionnelle et leur relation avec les diplômes de formation technique et professionnelle » [Source: brochure CNC de l’INFP, mai 2022]. Ces niveaux sont précisés et quantifiés de manière précise. Le CNC vise ainsi à améliorer la gouvernance du système, à garantir la qualité des FTP offertes et à faciliter la reconnaissance locale et régionale des certificats ainsi obtenus.

 

Un choix questionnable des priorités thématiques ?

Il convient de prêter attention aux priorités qui ont été définies, à savoir la construction, l’hôtellerie et le tourisme. Ces priorités, bien que légitimes dans une région dont les économies fragiles sont essentiellement dépendantes du tourisme, nous paraissent limitées dans le monde moderneau sein duquel les économies les plus dynamiques démontrent, sans exception, une approche très agressive en matière d’acquisition de savoirs scientifiques et technologiques par leur population. D’ailleurs, le taux de placement des professionnels actuellement formés donne le signal d’alarme : 5700 diplômés par an (détenteurs de l’équivalent d’un BEP ou d’un Bac pro) dont seulement 9% intègrent le marché du travail!

Les sciences et technologies (S&T), plus encore aujourd’hui qu’il y a seulement quelques années, à l’ère d’outils d’intelligence artificielle tels que ChatGPT, créent une disruption des modèles économiques traditionnels et il est aujourd’hui impossible d’en faire fi sous peine d’accumuler encore plus de retard, plus rapidement, en termes de production de valeur et, par voie de conséquence,de développement économique. Énumérons les secteurs actuellement en disruption :

  • La finance (cryptos, banques en ligne).
  • L’agriculture (projet Agriledger/Haïti basé sur la Blockchain).
  • L’enseignement supérieur (les formations universitaires diplômantes et à distance, à des coûts très compétitifs, de grandes universités du monde entier).
  • L’accès Internet (Starlink, disponible depuis fin 2022 en Haïti).
  • L’apprentissage en général (par la Réalité virtuelle et la Réalité augmentée (RV/RA)).
  • L’intelligence commerciale (« Business Intelligence » (BI)).
  • Et même … l’accès à l’espace (SpaceX) secteur dans lequel plusieurs pays africains ont commencé à investir (création d’une Agence spatiale africaine en 2022).

 

Le « leapfrogging » est-il possible pour Haïti ?

Paradoxalement, la plupart de ces technologies sont désormais totalement accessibles aux populations de pays tels qu’Haïti. Les étudiants, tout comme les professionnels peuvent facilement se former (d’ailleurs en dehors de toute infrastructure éducative locale), de manière très pointue, sur ces technologies dont la complexité et le coût ont largement baissé.

Nous avons ainsi pu constater, dans le cadre d’expériences que nous avons menées à petite échelle en Haïti, qu’il est réaliste de prétendre, sur quelques mois, former des candidat(e)s soigneusement sélectionné(e)s sur des technologies aujourd’hui considérées comme étant à forte valeur ajoutée (développement d’applications mobiles, réalité virtuelle, réalité augmentée, « big data » et analyse de données par exemple) afin de les rendre opérationnels dès la fin de leur formation. L’important est la qualité de la matière grise sélectionnée en amont et non pas leur niveau initial de connaissances dans un domaine particulier.

En transformant des résultats en stratégie à plus grande échelle, il deviendrait alors possible, pour un pays comme Haïti, de réaliser un saut quantitatif et qualitatif important (« leapfrogging »)sur des compétences professionnelles de plus en plus en demande à travers le monde et créatrices de forte valeur ajoutée. Une telle stratégie pourrait toucher plus particulièrement les jeunes des zones les plus défavorisées. Les professionnel(le)s ainsi formé(e)s pourraient aussi profiter des opportunités grandissantes du travail à distance, très bien rémunéré et pour lesquelles la Chine, l’Inde, mais aussi certains pays d’Afrique sont positionnés ou se positionnent de plus en plus agressivement.

 

Conclusion

  • Il n’est plus possible, aujourd’hui, de prétendre à un quelconque développement économique, en agissant de manière incrémentale, car nous avons perdu beaucoup de temps, ni en prétendant que l’acquisition accélérée de la compétence scientifique ne doit pas être une priorité nationale.
  • Nous devons apprendre à agir de manière exponentielle, ce qui n’est bien sûr facile pour aucun d’entre nous en raison des modes de pensée que nous avons souvent développés au fil des décennies.Mais pour cela, nous devons posséder le savoir-faire scientifique et technique nécessaire.
  •  
  • La FTP doit devenir ambitieuse en pratiquant le « leap frogging ».
  • Elle doit pour cela accélérer (qualitativement et quantitativement) la création rapide de compétences pointues, sur des niches à forte valeur ajoutée, pour servir non seulement la modernisation des institutions haïtiennes publiques et non publiques, mais aussi les besoins des marchés internationaux. Ces marchés internationaux de la sous-traitance à forte valeur ajoutée constituent probablement la version moderne de notre industrie actuelle moribonde de l’assemblage.
  • L’activité de veille doit être intégrée afin de se tenir au courant, à tout moment, de l’évolution des tendances et de pouvoir les anticiper autant que possible.
  • Haïti est en retard pour les sciences, mais le reste de la région Caraïbe n’est pas tant que cela en avance, bien au contraire. À titre d’exemple, Cuba constitue aujourd’hui le plus important publieur de connaissances scientifiques (Rapport Unesco pour la science). Ces compétences scientifiques, par exemple dans le domaine médical, ont permis à Cuba de générer d’importants revenus malgré un embargo agressif de la communauté internationale. Les autres pays de la Caraïbe sont encore en retard, leurs économies reposant essentiellement sur le tourisme. Il faut cependant noter que la République dominicaine est en train de se mettre à niveau, dans les activités liées à la recherche scientifique de pointe. En effet, la relation, non seulement entre la culture scientifique et la formation professionnelle, le développement économique et la compétence scientifique, mais aussi entre la démarche scientifique et la gestion de projet, est aujourd’hui parfaitement comprise par les décideurs de la République dominicaine. (voir « La formation « à » et « par » la recherche » : une approche par les compétences », par Sophie Kennel, Université de Strasbourg, document non daté.)
  • La gouvernance en général, qu’elle soit publique ou privée, doit s’accompagner d’une culture de la collecte et de l’analyse des données afin de disposer d’éléments objectifs de prise de décision ou encore d’ajustement/correction des décisions prises.
  • Enfin, les moyens financiers ne devraient pas être le problème majeur compte tenu de ces énormes manques à gagner. C’est plutôt la vision et la compréhension des enjeux qui est ici à l’ordre du jour.

 

RBO – L’École supérieure d’infotronique d’Haïti (ESIH) a été fondée en 1995 et vous en êtes le Directeur général. Voulez-vous nous fairel’historique de votre institution etexposer sa mission ?

PA – L’ESIH a été fondée en 1995, à une époque où l’informatique personnelle commençait à peine à exister et où l’Internet et la téléphonie cellulaire n’existaient pas encore. L’objectif était alors de dégager une vision en anticipant les besoins en ressources humaines scientifiques et technologiques, non seulement locaux, mais à l’échelle planétaire. C’était un pari sur l’avenir, sur le fait que le pays allait avoir de plus en plus besoin de compétences scientifiques et techniques de bon niveau.

La mission initiale a donc été, non seulement de proposer des contenus de formation pertinents, mais aussi de positionner l’institution, autant que faire se peut, sur ces niches technologiques à forte valeur ajoutée. Ceci ne s’est avéré réellement possible que ces dernières années, grâce à la baisse drastique des coûts et de la complexité d’accès aux principales technologies productrices de valeur ajoutée.

Lorsque le tremblement de terre de janvier 2010 a durement frappé l’établissement, comme la plupart des infrastructures de l’écosystème éducatif, c’est à l’aide d’un prêt important contracté auprès de notre banque locale que l’ESIH a pu reconstruire des espaces de qualité. Il était hors de question pour nous de rester plus de quelques mois dans des locaux de fortune préfabriqués.

Aujourd’hui, l’ESIH peut se vanter d’un solide réseau d’anciens étudiants (licence et master confondus) de plus de 2000 professionnels, travaillant pour la plupart en Haïti, mais dont une partie dorénavant importante est allée renforcer la force de travail canadienne, américaine, française, vietnamienne, dominicaine, etc.  Les anciens installés à l’étranger constituent un important réseau de ressources prêt à apporter son expertise au pays, lorsque nécessaire. De nombreuses institutions haïtiennes emploient nos anciens, à savoir les entreprises privées (par exemple les banques, les entreprises de télécommunications et bien d’autres PME/TPE), le secteur public ainsi que les organisations internationales.

De plus, l’ESIH dispose aujourd’hui d’un Makerlab, d’un club NUmérique et multiMEDIA (NuMedia), d’un laboratoire de Réalité virtuelle (RV) et Réalité augmentée (RA), d’une plateforme de formation hybride à distance pour la RV et la RA, d’un club de musique et d’un club d’entreprenariat féminin. Enfin, il est important de noter que l’AUF (l’Agence universitaire de la Francophonie), dont l’ESIH est membre titulaire depuis plus de 20 ans, a choisi l’ESIH en 2022 pour y implanter le Campus numérique francophone (CNF) de Port-au-Prince, le Centre d’employabilité francophone (CEF) et un laboratoire multimédia de création de contenus pour la formation à distance (FADLAB).

De nos jours, nos étudiants licenciés ou finissants ont la possibilité de poursuivre leurs études de plusieurs manières :

  • en préparant un Master en formation à distance dans le CNF ou grâce aux partenariats établis par l’ESIH avec des établissements ou des réseaux d’établissements étrangers.
  • en partant pour intégrer des universités à l’étranger (USA, Canada, France, Russie, Chine, Vietnam, Taiwan, République dominicaine, etc.).
  • en se positionnant académiquement pour des bourses internationales telles que :
    • Le « Global Undergraduate Exchange Program » (UGRAD).
    • Le programme Fullbright.
    • Les bourses MOFA du Gouvernement taïwanais…
    • Les bourses de la BRH

Pour les jeunes bacheliers désireux d’intégrer l’ESIH, leurs bonnes performances académiques peuvent leur permettre d’obtenir des bourses offertes par des organisations locales de prestige telles que HELP, la fondation Sogebank, la FOKAL et bien d’autres encore.

Enfin, après 2010, l’ESIH a su rebâtir un espace d’études et d’expérimentation décents. L’établissement a stratégiquement renforcé le maillage de ses réseaux, assis son statut régional et, en 2023,continue de s’équiper pour demeurer à la hauteur des évolutions technologiques de ce millénaire dans un contexte particulièrement difficile où son domaine d’expertise constitue un pôle d’attraction non seulement pour les jeunes, mais aussi pour les organisations de la société civile en général.

 

Robert Berrouët-Oriol

Linguiste-terminologue

Montréal, le 1er mars 2022

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES