Euvonie Georges Auguste, un an après, et après ?

Déjà un an, 23 mars 2022-23 mars 2023, depuis la traversée de l’une des plus célèbres mambos de la République. Femme mystique, femme politique, femme d’engagement, femme des transitions, figure des mobilisations ou de la médiation,  la manbo Euvonie Georges Auguste, comme plusieurs autres de ses soeurs dans le “Ginen”, aura marqué son temps.

Difficile de parler de Vodou au cours des trois à quatre décennies, sans citer le nom d’Euvonie Georges Auguste. Présente dans les rangs du plus célèbre des Ati, Max Gesner Beauvoir, comme dans la vie active politique, elle n’a jamais raté l’occasion pour prendre position, pour apporter des précisions, et pour participer dans un certain sens dans l'éducation populaire autour du Vodou. Cette culture aussi mal aimée qu’a été Euvonie.

Douze mois après la série des hommages officielles et les funérailles nationales, on se demande si la manbo n’est pas beaucoup plus confortable et en paix avec ses pairs, qu'à devoir faire face à la déshumanisation accélérée de l’environnement que ses frères et sœurs occupent.

Dans le département de l’Artibonite où elle savait se rendre, on se demande si les principaux lakou, et les plus importants péristyles peuvent encore accueillir des visiteurs et de grandes manifestations culturelles, artistiques, sociales et mystiques ?  Que reste-t-il de Soukri, Badjo, Souvenance entre autres, comme attraction pour les touristes, visiteurs, chercheurs et pèlerins ?

De nombreuses autres villes et régions du pays qui tombent dans le chaos actuel disposent de nombreux sites culturels, religieux et touristiques qui mériteraient une prise en charge de la part des collectivités. En mémoire des anciens amis et alliés de la mambo Euvonie au pouvoir, comment empêcher que de nombreux sites et des vestiges du patrimoine sacré ne soient pas détruits comme ces vies et ces villes qui tombent ?

Derrière sa carrière professionnelle accomplie au sein de la Direction des Affaires culturelles du ministère des Affaires étrangères, elle a été membre influente de la structure : Confédération nationale des Vodouisants haïtiens (KNVA), une organisation qui a connu ses heures de gloire avec le passage de feu Max Beauvoir.

Depuis 2002-2022, deux décennies après la création de l’organisation socioculturelle baptisée : Fanm Vodou pou Ayiti (Fanm Vo), on retiendra ses contributions dans la promotion et la lutte des femmes qui évoluent dans les Lakou.

Durant la période de 2004 à 2006, l’initiée Euvonie Georges Auguste avait connu l’exil, certainement pour ses engagements politiques.  Quelques années plus tard, la fondatrice de « Fanm Vo », allait rejoindre les rangs de l’organisation politique Renmen Ayiti, pour  supporter la candidature à la présidence de l’ancien Premier ministre Jean Henry Céant, en dehors de sa participation, ses interventions, et son implication dans des structures hautement sociopolitiques comme  Konfederasyon nasyonal Vodouyizan Ayisyen (KNVA) et Religion pour la paix.

Douze ans après le séisme du 12 janvier 2010, on retiendra parallèlement l’ensemble des contributions et des interventions de la fondatrice et ancienne présidente d’honneur de l’association Fanm Vodou pou Ayiti, la prêtresse Euvonie Georges Auguste, pour venir en aide aux victimes du séisme du 12 janvier.

Derrière les critiques les plus légitimes que peuvent porter ses adversaires politiques, ses anciens alliés ou même opposants tant dans le secteur Vodou que dans la vie politique, ou dans la vie professionnelle, on retiendra de la manbo Euvonie Georges Auguste, le sens du leadership féminin, la détermination et l’audace d’une femme qui a tout fait pour imposer la voix des Vodouisants, la voix des femmes dans le Vodou, dans la vie sociopolitique en Haïti. 

D'une vie bien accomplie et des archives médiatiques qui illustrent si bien les réflexions, les contributions et les prises de position d'Euvonie Georges Augustes, la nouvelle génération des jeunes femmes "Manbo", évoluant tant dans la capitale, les Lakou les plus reculés du pays, et dans  la diaspora aura certainement beaucoup à apprendre de l'héritage de "Vovo" pour les intimes. 

Dans les pieds de Bawon et de Grann Brijit, en compagnie de toutes les autres prêtresses et hougan d’ici et d’ailleurs, la manbo Euvonie Georges Auguste, en dehors des enfants et d’autres proches parmi les plus intimes et les plus solidaires collaborateurs et collègues, ne devrait pratiquement rien regretter, dans ce qui reste de sa terre natale, avec une capitale devenue comme un cimetière à ciel ouvert.

Dans l’attente que les lwa Vodou et Ogou se réveillent pour porter secours aux innocents et aux familles des victimes, on espère vivement que la manbo Euvonie Georges Auguste, en tant que témoin  privilégié, à la fois des lakou et des grands salons et des tables de négociation, va user de la flamme de son aura et de son charme, pour porter le message des sans voix. Un an après, elle garde encore assez d'énergie accumulée dans le « Govi »,  pour pouvoir assumer pleinement sa nouvelle mission entre les morts et les vivants, entre la politique et la diplomatie, entre le monde visible et invisible. 

    

Dominique Domerçant

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