Haïti mérite un musée national de la Coiffure

Dans une première exposition sur la coiffure en Haïti, il sera possible de découvrir qui sont les hommes et les femmes de confiance de nos chefs d’État qui, pendant plusieurs années, ont offert les services de coiffeurs en privé aux anciens présidents Jean-Claude Duvalier, René Préval, Jovenel Moïse, et des femmes les plus célèbres en Haïti, comme des anciennes ministres: Josseline Colimon Féthière, Marie Michèle Rey, de tant d’autres personnalités publiques, du milieu des affaires, des médias, des vedettes, artistes, parmi des anonymes qui mobilisent beaucoup de ressources par leur coiffure.

D’une simple exposition pour honorer ces talents et faire sortir de l’ombre ces métiers artistiques aussi importants et influents souvent bien cachés, pour des raisons d’éthique et de sécurité, on aurait pu inspirer un grand nombre de jeunes pourtant très passionnés à se perfectionner, en choisissant ces voies pour mieux valoriser leurs talents et éviter de tomber dans d’autres activités moins fréquentables.  

Dans le quotidien des Haïtiens, comme pour beaucoup d’autres peuples dans le monde, l’hygiène obligatoire et la recherche insatiable de beauté par les femmes, les hommes et aussi les enfants issus des différentes classes sociales occupent une place importante. Haïti ne sera certainement pas le premier pays à se doter d’un musée de la Coiffure certes, on est certain que l’expérience haïtienne pourrait largement dépasser plusieurs pays de la région, en termes de créativité, d’innovation, de diversité et d’authenticité. Rendez-vous au prochain musée national de la Coiffure en Haïti ?

Des musées du même type existent bel et bien dans le monde en plusieurs versions ou approches scénographiques. On peut citer le Musée insolite du Coiffeur Barbier  et le Musée de la Coiffure dans l’Yonne. Il présente une collection d’objets personnels mise en valeur par Bernadette et Yves Lorne, en France. Le Salon de coiffure au Musée Suisse en plein air à Ballenberg, un Musée suisse de la Coiffure, propose également d’autres regards sur l’histoire et l’évolution de cette profession et toute l’artillerie des aménagements, équipements et accessoires qui l’accompagnent.

De Salon Musée de la Coiffure, entre Museum of Hairdressing and Navigators, Le Havre, Normandy, France Europe, en passant par  « Marvellous Barbershop Museum », « Beamish Museum », ouvert depuis 1950, ce sont autant d’initiatives, de projets, de propositions, et de promotion de la mémoire de la coiffure dédiée autant aux femmes et aux hommes, à retenir ou à reproduire dans l’environnement haïtien, en Haïti et dans la diaspora.  Qui seront les prochains Haïtiens à fonder les premiers musées de la Coiffure (Haïtienne) dans le monde ?

Durant la première semaine qui coïncide avec la réouverture des classes dans les écoles de filles et incluant les enseignantes du système scolaire, lors du retour au travail pendant la première de janvier, dans la préparation des filles d’honneur lors d’une cérémonie de mariage, pendant les concours de beauté et la préparation des reines pour le carnaval, lors des grandes cérémonies officielles, les célébrations et d’autres rendez-vous importants qui mettent surtout à l’honneur les femmes, et sans oublier les travaux pratiques et expositions qui mettent à l’épreuve les talents étudiants et étudiantes des écoles de coiffure (Cosmétologie), ou dans les studios de beauté et chez certains coiffeurs,  entre autres, il est possible de découvrir dans chacun de ces endroits, une et plusieurs grandes expositions thématiques sur la diversité des coiffures en Haïti.

Derrière chaque coiffure réalisée par des femmes et des hommes amateurs et professionnels, dont les talents se croisent et se complètent sans aucune forme de discrimination, qui présente des formes abstraites, figuratives et symboliques, des couleurs qui se confondent aux  nuances, éclats et contrastes, il y a toute une alchimie de tous les éléments de la nature qui participent dans l’affirmation de chaque beauté.

Des dimensions encore plus pertinentes sont à prendre en compte dans chaque coiffure, telle la philosophie (sens), psychologie (influence), la sociologie (appartenance), l’anthropologie (référence), économique (dépense), pour marquer sa présence dans l’espace-temps que cela va durer, pour faire la différence parmi celles et ceux qui auront la possibilité de découvrir, d’apprécier, d’admirer, de juger, de comparer et de critiquer chaque coiffure, le jour comme la nuit.    

De quoi faire rêver, séduire et impressionner les esprits les plus exigeants. En Haïti, elles sont nombreuses les hommes et les femmes, les professionnels et les amateurs qui consacrent toute leur vie dans la recherche, l’expérimentation et la promotion de la beauté et la diversité des coiffures. Ces derniers produisent au quotidien, chaque semaine, en temps normal même en temps de crise, car nombreux ceux et celles, les clients, qui vont investir dans leurs coiffures pour bien se présenter lors des funérailles d’un proche ou d’un inconnu.

Des images de certaines de ces coiffures uniques et originales, suivant les talents des artistes et les moyens mobilisés par les clients, sont plus ou moins conservées ces dernières années sur les réseaux sociaux. La grande majorité de ces archives, de ces œuvres sculpturales, picturales et surtout patrimoniales ne disposent  pas d’une attention particulière de la part d’aucune institution ou entité dans le pays, pour les répertorier, les classer, les conserver, les traiter, les exploiter et les valoriser à travers des émissions spécialisées dans les médias, la publication des revues dédiées aux coiffures, des expositions thématiques, des projections, des concours et des distinctions.

Des équipements et des matériels utilisés dans les salons de coiffure en Haïti, comme partout ailleurs, se renouvellent. Pourtant, certaines entreprises de coiffure offrant des services spécifiques aux hommes et/ou aux femmes disposent des meubles, des matériels et des équipements anciens, témoins de la transition de plus de trois générations, pour ainsi devenir des espaces de mémoires, de petits musées  de coiffures dans certains quartiers anciens. Comment identifier, répertorier, archiver et valoriser ces fragments de la mémoire de cette pratique artistique ?

Dans quel sens ce musée pourrait-il servir dans la promotion de ce patrimoine oublié et perdu ? Pourquoi est-il important de créer ce premier musée de la coiffure en Haïti ?  Que chaque lecteur et lectrice touchés par la richesse marginalisée de ce secteur commence par mémoriser et contribuer dans la constitution de cette nouvelle collection. Si on constituait une première liste des entreprises et des professionnels et amateur de la coiffure en Haïti dans chaque quartier et famille ? Ainsi on pourrait au moins conserver les meilleurs souvenirs des images, des décors, des messages, des agencements de miroirs,  des outils et accessoires, de différentes affiches importées, des marques d’équipements et des produits utilisés, des blouses, des fauteuils, des accidents, des blessures, des ratures, des émotions, des citations, des expériences croisées et combinées ( locales et internationales, afro-caribéennes, asiatiques, hispaniques et occidentales, etc.).

Découvrir l’histoire de la coiffure, dans l’évolution de l’humanité et spécifique à l’histoire d’Haïti, d’un département géographique et d’une famille à une autre sera désormais possible. Il nous faut mobiliser le plus grand nombre des acteurs de la société haïtienne dans la réalisation et la réussite de ce grand chantier culturel et sociologique, qui pourrait devenir un véritable centre d’interprétation, de recherche, de documentation, de représentation, d’éducation, d’animation et d’attraction sur cette forme de richesse culturelle créative.

Des amateurs et des professionnels auront une place importante dans la constitution des collections, la planification,  l’organisation  et l’aboutissement de toutes les étapes de ce projet, en dehors des spécialistes des musées. On peut citer: les historiens, les journalistes, les anthropologues, les chercheurs, les artistiques, les hommes et les femmes. Des amateurs et des professionnels de la coiffure, autant que les passionnés d’une telle activité technique, artistique et scientifique. 

D’une pierre plusieurs coups. Ce musée haïtien de la Coiffure se propose de contribuer à l’éducation esthétique, identitaire et sanitaire des Haïtiens, en majorité des filles, des femmes et leurs familles. À travers des expositions inédites, l’originalité, l’authenticité et la diversité de la beauté des femmes et des hommes d’origine haïtienne serviront à montrer à la face du monde, cette face cachée de notre patrimoine humain, à la fois esthétique, artistique et symbolique. Une façon intelligente d’informer, d’éduquer, de responsabiliser et de protéger les Haïtiens et les Haïtiennes face à certaines dérives et déviances par la mode, les coiffures et  les conséquences souvent irréparables qui vont avec, suivant des valeurs, des pratiques et d’autres utilisations de produits nocifs pour la santé et des expérimentations qui dénaturent et valorisent la véritable beauté  des femmes d’Haïti. 

Dans ce musée haïtien de la coiffure,  les visiteurs, chercheurs et familles seront en mesure de découvrir et d’apprécier tous les métiers qui seront à l’honneur, la cartographie des entreprises de beauté ou salon de coiffure, des institutions de formation, des entreprises (locales souhaitables) de production et de distribution des produits de beauté.  Tous les grands noms, entre les amateurs et professionnels, les hommes et les femmes propriétaires et formateurs depuis plusieurs années dans les industries de la coiffure en Haïti et dans la diaspora, vont trouver une des vitrines, un des panneaux, des écrans interactifs,  des tableaux, des catalogues, des supports d’animation, des objets souvenirs et produits dérivés pour ne pas rester dans l’anonymat. 

 

Dominique Domerçant

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