À QUI PROFITE LE CRIME DE PETION-VILLE ?

L’argument le plus facile, pour ne pas s’en prendre à la violence qui s’étend à notre société à un rythme inquiétant, c’est celui de se convaincre qu’elle est une affaire mondiale. Parce qu’elle prend toutes les formes dans les sociétés mieux équipées et plus policées, elle serait un fait qui caractérise la mentalité collective contemporaine. Que donc, notre pays serait en retard de « la civilisation » si elle ne connaissait aussi ce phénomène ! Ce raisonnement est une lâcheté. Il est plus que cela. C’est une démission absolue de nos institutions publiques et de ladite Société civile. Elle reflète l’incompétence des responsables politiques dans la mise en place de structures connues et secrètes de surveillance de la cité.

L’argument le plus facile, pour ne pas s’en prendre à la violence qui s’étend à notre société à un rythme inquiétant, c’est celui de se convaincre qu’elle est une affaire mondiale. Parce qu’elle prend toutes les formes dans les sociétés mieux équipées et plus policées, elle serait un fait qui caractérise la mentalité collective contemporaine. Que donc, notre pays serait en retard de « la civilisation » si elle ne connaissait aussi ce phénomène ! Ce raisonnement est une lâcheté. Il est plus que cela. C’est une démission absolue de nos institutions publiques et de ladite Société civile. Elle reflète l’incompétence des responsables politiques dans la mise en place de structures connues et secrètes de surveillance de la cité.

Nous avions toujours connu des États violents. Les dictatures qui se sont établies au pays ont régné durant des années sur une peur collective faisant fuir les intelligences vers d’autres cieux et s’enfermer entre quatre murs des familles nettement traumatisées. À ce niveau, la violence était nommée et désignée. Des organisations de défense des droits humains pouvaient légalement intervenir contre ces gouvernements dictatoriaux qui torturaient dans ses casernes et assassinaient dans les « tobout » de Fort-Dimanche. C’était contre cette barbarie, du moins on le croyait, que le président Carter partait en croisade et envoyait son délégué spécial Andrew Young dire ses quatre vérités à Baby Doc.

Ce dernier parti en exil, les militaires haïtiens n’ont pas stoppé cette pratique d’autoritarisme et les gouvernements civils qui se sont succédé n’ont pas pu ou n’ont pas voulu mettre un frein à la violence contre les citoyens. Des cas d’exécutions publiques comme ceux des frères Izméry en passant par Jean Marie Vincent pour arriver à Jean Dominique, la machine infernale s’attaquait aux personnalités politiques connues. Elle ne s’est pas donné un moment de répit prenant toutes les formes : victimes de transactions de la drogue, frappant dans les sphères de la finance et abattant des adversaires politiques dans des scènes spectaculaires. La dernière exécution en date est celle de l’intellectuel et ex-directeur des Presses nationales Willems Édouard, à Pétion-Ville. Là encore, on se perd. On ne peut désigner tel secteur et on se dit, avec un lourd sentiment d’impuissance, que c’est le contexte politique et l’instabilité.

Cette généralité-là semble nous faire fuir nos responsabilités citoyennes. Car, contre cette machine qui broie des vies qui peuvent servir la nation dans les domaines de leurs spécialités, il devait se constituer déjà une force civile « djanm » et articulée pour faire front à tous ceux qui enlèvent à ce pays ces belles intelligences. Mais, de Jacques Roumain à Jacques Stéphen Alexis, on assassine allègrement pour que ce pays soit entre les mains de ceux qui peuvent être facilement manipulés par des forces locales développant des stratégies mafieuses contre le pouvoir des idées et ceux qui, tragiquement, le porte.

On ira aux enterrements, on fera l’éloge de l’assassiné, puis on rentrera chez soi avec l’idée d’avoir accompli un devoir de deuil social qui n’est qu’une façon élégante de ne pas pouvoir faire front contre la brutalité étatique ou de gang. Depuis des années on peut avouer, sans l’ombre d’un doute, qu’on a perdu le sens du combat. On s’aligne dans des courses aveugles vers des postes. Ceux qui veulent garder leur honnêteté gardent le profil bas et disent, avec le sombre sentiment d’impuissance, « notre pays devient une savane ! »

À qui profite le crime de Pétion-Ville contre un cadre compétent, toujours porté vers l’organisation culturelle et dont le passage aux Presses nationales a été exemplaire en réédition d’ouvrages rares et dans la modernisation de cette institution publique ? Nous avons tous un devoir de vérité.

Pierre Clitandre

 

Au moment de cet assassinat, le directeur général ad intérim  de la Police nationale célébrait les vingt ans du corps d’élite de la PNH connu sous le nom de « Swat team ». Il exprimait sa satisfaction  pour les actions de cette force d’intervention.

 

Le ministre de la Justice et de la Sécurité publique n’a pas tardé à réagir. Pas moins de deux notes ont été publiées. L’une exprimant l’indignation du ministre et informant comme d’habitude, que cet acte ne restera pas impuni. L’autre avisant que « des instructions formelles ont été passées aux forces de l’ordre, en vue d’un contrôle plus strict de la circulation des motos » et au final une réunion du Conseil supérieur de la police nationale (CSPN) sur le problème.  Comme si le ministre, en poste depuis plusieurs mois, venait à peine de s’informer sur les crimes commis par des hommes circulant à moto. Comme si aussi la question de l’insécurité concernait uniquement la circulation des hommes à moto. 

 

L’expression « Ces actes crapuleux ne resteront pas impunis » le pays est habitué avec. Ce sont des actes et des décisions fermes qu’il attend. Pas des cris d’indignation et des annonces. 

 

Entre temps, au niveau du Sénat, le dossier de la nomination et l’installation du directeur ad intérim de la Police nationale d’Haïti sommeille devant la Commission justice et sécurité. Les sénateurs, qui siègent en permanence, sont trop occupés à une affaire d’Assemblée nationale devant statuer sur l’avenir de Jocelerme Privert. Une situation dans laquelle seuls les parlementaires sont confortables. Les pères conscrits sont trop occupés dans leurs exigences de séparation du gâteau gouvernemental. Trop occupés dans des soubresauts pour protéger leurs arrières et alliés dénoncés dans la dilapidation des fonds publics. 

Au pays de Jean Jacques Dessalines, la politique occulte tout.  Des hôpitaux publics dysfonctionnels depuis environ trois mois  à cause d'une grève des médecins résidents. Le nom d’un sénateur de la République aurait été cité dans ce mouvement. La gourde poursuit lentement, mais surement sa dévaluation. L’Université d’État d’Haïti, en crise depuis plusieurs mois, est incapable de bien planifier les concours d’admission. Des parents sont scandalisés devant la forte augmentation des frais scolaires. Autant de questions qui attendent une réponse et que la politique, comme elle se pratique ici à notre détriment, oublie.

 

Jacques Desrosiers

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