De la Difficulté d’organiser la société Ayitienne IV : l’échec des partis politiques

Introduction

Le système démocratique consacrant le divorce d’avec la dictature se montre jusqu’à date incapable de faciliter l’organisation de la société. Celle-ci vit péniblement une descente vertigineuse vers la primitivité humaine que les gouvernants choisis librement ne peuvent arrêter. Abandonner le pays semble être l’ultime objectif de tous. Leur mission étant de garantir un vivre-ensemble harmonieux, ces gouvernants sont pleinement responsables de ce cuisant échec social. Cela porte à mettre en cause le choix de l’électorat toujours animé par ses émotions en faveur des candidats populistes qui tiennent mieux le discours sensé le plus rassurant [1].  L’idée derrière le nouveau système démocratique est la liberté individuelle de participer à la construction de son bien-être en identifiant les gouvernants capables de mieux répondre à ses valeurs de société ou de bien-être. A cette fin, un marché électoral est constitué comme lieu de rencontre entre les partis politiques ou candidats et électeurs afin d’harmoniser leurs intérêts différents des uns et des autres. En dépit des résultats menant à la formation d’un gouvernement, l’organisation de la société conditionnée par le choix libre de ceux le composant n’est jamais au rendez-vous et les conditions de vie ne cessent de se dégrader quotidiennement. Pour éviter de tomber dans un raisonnement simpliste selon lequel le peuple n’est pas prêt pour la démocratie, il convient de démontrer comment le choix de l’électorat en est la cause principale en faisant état :

I : Des caractéristiques similaires aux marchés économique et électoral

II : De la nature des transactions politiques sur le marché électoral

III : Du dilemme de survie des partis politiques en Ayiti

IV : Des coûts de transaction de l’innocence politique de l’électorat

V : De la nature corrompue du processus électoral

 

I : Des caractéristiques similaires aux marchés économique et électoral

A ce tournant, il faudrait assimiler les interactions des potentiels gouvernants et de l’électorat à un acte d’échanges dans la même veine que celles observées sur un marché où s’effectuent des transactions économiques. Autrement dit, dans un processus électoral, les deux entités entreprennent des transactions politiques périodiquement pour le renouvellement de la classe dirigeante. Il y a donc lieu de souligner leur similarité pour mieux soupeser le choix de l’électorat. Comme sur un marché économique dans le sens du courant classique/néoclassique, la compétition est intense autour d’un produit répondant aux besoins des consommateurs, il en est de même sur le marché électoral autour des programmes politiques offerts par différents partis politiques ou candidats comme produits devant répondre au bien-être de l’électorat. La réflexion tire son essence du texte sur l’interprétation économique de l’échec du marché électoral Ayitien pour présenter leurs caractéristiques [2].

Dans une fièvre électorale compétitive, les différentes entités retrouvées sur le marché électoral sont tous des individus de nature égoïste et rationnelle, anciens élus et nouveaux candidats, qui entrent en compétition à la recherche du vote de la majorité des électeurs pour briguer un même poste, et ceux-ci aussi égoïstes et rationnels qui, en compétition entre eux, vont choisir les candidats jugés plus aptes à satisfaire à leurs intérêts.  Reflétant l’économie de marché où les agents économiques, les entreprises/producteurs de biens et de services, et les consommateurs entrent en concurrence pour entreprendre des transactions librement. Le marché électoral s’approprie les quatre caractéristiques fondamentales d’un marché économique en concurrence parfaite, soit l’atomicité des participants, l’homogénéité du produit, la libre entrée et la transparence interprétées comme suit (Cahuc 1998, 5) [3]:  

  • L’atomicité qui entend une multitude d’agents politiques (candidats et électeurs) sur le marché électoral cherchant à maximiser leurs intérêts individuels.
  • L’homogénéité des programmes politiques comme produits offerts et demandés.
  • La libre entrée donnant un accès égal à tous au processus électoral, moyennant des principes régulateurs.
  • La transparence qui apporte une visibilité aux actions des uns sans empêcher les autres dans leur quête du succès.

Concrètement, le marché électoral est animé par : la présence des partis politiques via la participation de nombreux candidats aux élections présidentielles et législatives, les promesses-programmes comme produits offerts aux électeurs, l’accès libre donnant lieu aux positions et actions politiques agrémentées du marketing électoral via les campagnes pour attirer les électeurs, et le vote de ceux-ci qui est un pouvoir d’achat déterminant quel programme à acquérir pour la première fois, renouveler ou substituer à un autre. Sans exclure certaines irrégularités, le volume de votes recueillis/vendus ou programmes achetés indique le choix ou le rejet d’un candidat. Côte à côte, seule la nature des transactions diffère les deux marchés.

 

II : De la nature des transactions politiques sur le marché électoral

Sur ce marché évoluent tous les agents politiques en quête de maximiser leurs propres intérêts dans le processus de former un gouvernement dont la mission principale est d’organiser la société ou de garantir le bien-être collectif. Tous les candidats sont des agents-vendeurs et les électeurs des agents-acheteurs réunis sur le marché électoral pour respectivement vendre et acheter un programme. Le vote de l’électeur, c’est-à-dire son pouvoir d’achat, facilite les transactions dont la plus grande partie réalisée par un candidat consacre le gain des élections comme profit politique. La présence de deux ou plusieurs de ces deux types d’agents sur le marché électoral déclenche la concurrence signifiée du côté des candidats par la quête des électeurs. Du côté de ceux-ci, c’est la recherche d’un candidat qui offre un programme répondant à leurs attentes. 

Le prix du programme est unique. Chaque électeur a son vote comme pouvoir d’achat politique vis-à-vis de n’importe quel candidat. La cherté du programme caractérisée par des promesses est déterminée après la demande effective, c’est-à-dire après son achat, mais au moment exact de la consommation, soit la jouissance du bien-être recherché. Le coût du programme pour l’électeur est élevé quand le candidat n’arrive pas à livrer la marchandise. Le contraire indique un coût moins élevé. Tout cela est impossible à prévoir avant la transaction effectuée même par un électeur doué de jugement.

C’est une incertitude politique qui serait atténuée si un parti politique se donnait la peine de former l’électorat pour qu’il soit apte à évaluer techniquement les promesses d’un candidat. En d’autres termes, l’électorat devenu avisé exigerait des démonstrations techniques de la faisabilité des promesses. Associé à la capacité de bien jauger l’offre d’un candidat, et avec son pouvoir d’achat, donc son vote, l’électorat a tous les atouts possibles pour exiger et obtenir d’un élu ce qu’il veut. Dans le cas des promesses non tenues, il conserve son pouvoir d’achat et peut ne pas renouveler sa commande auprès d’un candidat en le sanctionnant au profit d’un autre.

Par défaut, il suffit d’un listage de quelques points par lesquels l’électorat semble concerné. Ce qui ôte du processus toutes ses valeurs politiques annonçant une meilleure Ayiti. Il leur convient d’énumérer les promesses en lieu et place d’un programme politique bien charpenté et argumenté. Les démonstrations techniques de leur faisabilité ne sont pas nécessaires. Considérant la résurgence de cette condition à chaque période électorale, c’est correct d’attribuer ce manque à : l’incapacité de l’électorat de comprendre les démonstrations techniques, sa simplicité primitive d’associer les promesses aux basiques de survie, une mauvaise utilisation de son vote, et au fait que les partis politiques ont failli à leur mission.  

 

III : Du dilemme de survie des partis politiques en Ayiti

S’érigeant comme potentielles sources de gouvernants aptes à atteindre l’objectif d’organiser la société, tout parti politique est une organisation qui porte une vision du bien-être pour une collectivité qu’il véhicule à travers l’électorat via ses membres et candidats. Sa finalité est de persuader la majorité à y croire pour qu’elle lui confie l’appareil gouvernemental et concrétiser sa mission de gouvernant. Non seulement qu’il lui est impératif d’éduquer les membres et candidats pour bien s’imprégner ou s’approprier d’une vision d’organisation de la société, mais aussi d’en informer continuellement l’électorat. Le risque de se faire fourvoyer est énorme. En effet, un faible niveau de formation générale touchant les affaires de société tant en termes d’identification des vrais problèmes, d’utilisation rationnelle des données, de communication efficace, et du mécanisme de prise de décision rationnelle à partir d’outils d’analyse, conduit à un mauvais choix de candidat incapable de traiter lesdits problèmes si élus ou d’un programme politique sans aucune valeur.

Un parti politique devrait être un centre vers lequel les membres de l’électorat se convergent pour communément et avantageusement se situer sur la scène politique. Les valeurs politiques à leur inculquer sont des guides de comportement électoral dans le processus menant à l’élection d’un candidat ou d’offrir un programme sur le marché électoral. Le plus habile arrive à se tailler une base électorale loyale indifféremment de la philosophie prônée pourvu qu’il s’harmonise avec les valeurs sociales que l’électorat épouse. Cela porte les potentiels agents-acheteurs, c’est-à-dire l’électorat, à nourrir un fort sentiment d’appartenance à un parti politique qui se traduit toujours par un vote sûr en faveur de ses candidats en lice. 

Le marché électoral ne peut être un lieu où la décision de voter se fait au hasard ou selon le jeu d’émotions des électeurs le jour du scrutin. Comme organisation, un parti politique a la responsabilité d’accompagner l’électorat dans la rationalisation de son choix électoral. Etant aussi un système de gestion politique de l’électorat, les partis facilitent la coexistence démocratique des tendances politiques sur le marché électoral dans le processus conduisant à l’élection d’un candidat. Ne pas répondre à cette fonction naturelle et légitime laisse les transactions politiques évoluer au gré des émotions sur le marché électoral au risque de pervertir la quête du bien-être collectif. 

Concrètement, la participation d’un parti politique dans le processus électoral outre son ancrage dans l’électorat dépend aussi de la popularité personnelle d’un candidat. N’ayant pas consolidé sa base électorale, la survie dudit parti dépend essentiellement d’un candidat populaire. En conséquence, pour marquer sa présence sur l’échiquier politique, il est toujours en quête d’un candidat populaire apte à la lui garantir. Cette dépendance du parti vis-à-vis d’un candidat ne favorise pas la loyauté politique de celui-ci. Aussitôt élu, sa tendance est de se dissocier du parti qui a porté sa candidature si sa voix n’est pas écoutée.

Il fait face au coût d’opportunité menaçant son importance dans le jeu politique. Soit, il y survit en se déviant de ses convictions politiques pour donner cours aux envolées politiques d’un candidat lesquelles n’ont rien à voir avec la vision du parti, soit il s’y efface en restant attaché à ses convictions et du coup perdre le candidat populaire et s’affaiblir en conséquence. Tel est le dilemme de survie des partis politiques en Ayiti qui, devenus de plus en plus faibles, n’ont aucune emprise sur un candidat ni une influence sur l’électorat.

Cette condition caractérise la faillite des partis politiques qui privilégient l’apport d’un candidat populaire en guise de leur conviction et mission de former l’électorat. Demeurant toujours non-avisé et livré à lui seul, celui-ci se laisse emporter par tout courant qui se dit soucieux de sa primitivité, un état d’entendement qui rend complexe tout calcul devant intégrer les paramètres du passé, du futur et ceux des autres agents politiques. Egoïste et rationnel comme agent-acheteur de programmes, sans exigence, il répond favorablement à la plus simple satisfaction immédiate d’un besoin, qu’elle soit durable ou pas. C’est ce qui explique son penchant passionné pour n’importe quel candidat qui manipule avec dextérité ses émotions. Dans le menu, ce sont toujours des promesses paternalistes ou providentielles sur le pain, l’éducation et la santé. 

L’ironie est que la survie des partis politiques dépend grandement desdits candidats. Par souci de toujours exister sur l’échiquier politique, ils (partis) s’évertuent toujours à les (candidats populaires) courtiser moyennant un degré de popularité pour assurer leur survie. Une telle circonstance banalise et fragilise le processus démocratique en faisant des candidats de petits princes politiques capricieux prêts à tourner le dos à leur parti politique si leur volonté n’est pas respectée. Depuis plus d’une génération après l’institutionnalisation de la démocratie, l’ancrage institutionnel des partis politiques n’a jamais eu lieu. Ils ne sont jamais arrivés à élargir leur base dans l’électorat, ni fidéliser les membres autour d’une même philosophie, idéologie ou mission. Certes ! Ils existent, mais ne possèdent pas concrètement une part de l’électorat capable d’assurer leur victoire aux élections. Autant que l’appartenance institutionnelle aux partis politiques n’existe pas, la constance politique est en dérive. Le candidat est disponible aux plus offrants. Tout cela se résume par une horde de partis politiques émiettant l’électorat.

Ne répondant pas aux fonctions naturelles et légitimes décrites plus haut, les partis politiques Ayitiens ne se sont pas édifiés comme organisations politiques pouvant guider, contrôler le comportement de l’électorat ou modeler son jugement au point de faire dissiper les incertitudes qui le hantent. Comme ils n’ont pas accompagné les électeurs non-avisés dans la compréhension des affaires collectives ni ne s’étant impliqués dans le développement communautaire, ils sont voués à l’échec. Ayant du mal à s’imposer sur le marché électoral, leur présence est nominale et dépend des prouesses politiques naturelles d’un candidat.  La génération des partis politiques succédant à la dictature et annonçant une nouvelle forme politique pour réorganiser la société et améliorer les conditions de vie de la collectivité ne s’est pas montrée à la hauteur de leurs missions institutionnelles. 

 

IV : De l’innocence politique de l’électorat sur le marché électoral

Déroutés de leur mission d’éducation politique de l’électorat pour préserver leur existence sur l’échiquier politique, les partis politiques fragilisent leur existence chez l’électorat qui ne se contente que du peu touchant ses émotions par un candidat manipulateur. Ainsi, les conditions de vie de la collectivité sont loin de s’améliorer. Ce sont des éléments basiques de bien-être que chaque membre de la collectivité pourrait lui-même se procurer avec un minimum de pouvoir d’achat économique lui donnant un accès équitable aux biens et services. Former un nouveau gouvernement sur de simples promesses touchant les émotions de l’électorat engendre des risques de transactions politiques que celui-ci ne peut jauger. 

Si rien n’était à espérer des partis politiques en termes de formation politique de l’électorat, et que les candidats ne sont que des jongleurs d’émotions, l’université et les directeurs d’opinions auraient pu apporter respectivement une touche académique et corrective. Pourtant, l’université brille par son absence pendant que les directeurs d’opinions font fausse route en s’appropriant le format des débats. Par faute de guide, l’électorat est tourmenté par ses émotions sur le marché électoral, ne se fie qu’à ses émotions et se trouve à la merci des manipulations du processus électoral pour détourner son choix.

Ces cas témoignent d’une issue incertaine ou injuste caractérisant le déséquilibre induit du marché électoral comme résultante de la faillite des partis politiques. Les transactions politiques sont donc corrompues au détriment de l’électorat qui croit bien faire.  Avec un électorat dont la majorité repose sur ses émotions, et un processus manipulé, les coûts de transaction politiques, traduits par les résultats négatifs des gouvernants obligeant une spirale de recommencement, sont excessivement élevés et la collectivité en pâtit. Les stratégies de campagne électorale les plus payantes, le marketing servant à persuader les électeurs du choix d’un candidat avec des promesses fallacieuses ou pas, sont celles qui manient mieux les émotions pour gagner les élections. Le candidat le plus adroit à toucher le cœur des électeurs non-avisés devient plus compétitif et collecte la majorité des votes indifféremment de la qualité de son programme. Dans la collectivité, les campagnes ou débats sont totalement vidés de valeurs sociétales réelles. 

 

Ce sont des sources de coûts de transaction qui hypothèquent l’évolution socio-politique du pays en transformant le marché électoral en une jungle où les candidats sortent du vide pour n’offrir aucun programme acceptable. Les directeurs d’opinions qui croient maîtriser la technicité des outils de gestion des affaires collectives pataugent dans des sujets complexes sans pouvoir éclairer l’électorat en absence de la communauté académique ni obliger les candidats à cibler leurs approches. Finalement, l’électorat par sa simplicité d’esprit accepte n’importe quoi qui touche ses émotions pour récidiver ses erreurs de jugement et est prêt à tout casser si l’issue finale ne concorde pas avec ses désirs. Dans des cas extrêmes où la marchandise n’est pas livrée, l’électorat demande de manière non démocratique la destitution avant terme de celui qu’il a choisi sciemment, alors qu’il aurait pu attendre les nouvelles élections pour ne pas renouveler sa commande.

 

V : De la nature corrompue du processus électoral

Les agents politiques font crépiter les ragots politiques au lieu d’aborder les problèmes dans leurs vraies dimensions. Il ne s’agit pas pour eux de faire valoir techniquement une vision de société et clairement présenter un programme politique accompagnateur, mais de rallier, avec l’appui des médias et le silence de l’université, l’électorat en leur faveur avec très peu. Ce faisant, les candidats se lancent dans une diatribe pour essayer de comprendre, d’expliquer ou de condamner des manœuvres douteuses à leur endroit. Le temps pour montrer techniquement comment assurer une meilleure gestion des affaires du pays et persuader les électeurs à abonder dans leur sens n’y est jamais.

Même quand les agents-acheteurs manifestent leurs besoins sur le marché électoral, le produit de qualité fait toujours défaut. Du moins, les agents-vendeurs, soit les partis politiques, ne se sont jamais montrés capables d’en fournir un. Vu que le marché électoral est livré à lui seul et s’ajuste par une participation collective directe, les élections n’aboutissent jamais à une composition juste du gouvernement capable de sortir le pays du labyrinthe socio-politique. La souveraineté individuelle est toujours menacée en conséquence. Mise en agonie, la démocratie entamée qui ne la garantit pas porte préjudice à l’harmonie collective. N’étant toujours pas au rendez-vous, le bien-être économique recherché via le processus démocratique crée un climat d’injustice sociale qui incite les lésés toutes catégories confondues à n’user que de la tricherie ou de la violence comme porte-parole. 

Les mésaventures collectives répétitives expliquent les coûts de transaction politiques qui rendent quasi impossible l’organisation de la société. Cela rend intenable le vivre-ensemble. En conséquence, l’insécurité bat son plein et réduit l’espérance de vie de chacun soit par le stress quotidien de compter ses minutes et secondes de survie ou par le fait d’en être victime. La méfiance mutuelle qui ne favorise pas les engagements fait obstruction à l’organisation économique en permettant à la misère de faire la conquête de la mosaïque sociale. Tant au niveau économique que psychique, il ne s’agit plus d’une couche toujours défavorisée, mais de tous. 

Même quand les élections aboutissent à la composition d’un nouveau gouvernement, l’acceptation est fragile considérant le faible taux de participation de l’électorat. C’est toujours une réussite électorale décevante, pour ne pas dire controversée, qui invite à réfléchir sur le comportement des agents politiques et la nécessité de rationaliser les partis politiques afin de corriger les imperfections du marché électoral et réduire les coûts de transaction politiques. Ce faisant, celui-ci deviendra le lieu d’échange démocratique légitime et équitable comme il est dans une société moderne.

 

Conclusion 

Pour corriger les failles du processus électoral, la rationalisation du fonctionnement des partis politiques s’avère impérative afin d’y marginaliser les candidats inaptes. Il suffirait de former l’électorat de manière à mieux calibrer son vote. Par voie de conséquence, seraient réduits les coûts de transaction assimilés aux mauvaises politiques publiques qui entravent la réalisation du bien-être collectif tant rêvé depuis l’adoption de la démocratie. Comme catalyseur, le marché électoral devrait assurer le choix des gouvernants aptes à organiser le vivre-ensemble pour un mieux-être via la participation collective directe et offre à chacun l’opportunité d’influer sur le processus de composition d’un gouvernement. Autant que le marché électoral Ayitien est un lieu d’actions de prise de pouvoir, il ne peut être l’espace sacré des partis politiques que pour le pouvoir. Ceux-ci ont une fonction naturelle de former leurs candidats et l’électorat pour compléter leur contribution à la pleine maturité du processus démocratique en dehors du pouvoir.

En conséquence, une révision de leur mission s’impose pour pallier les imperfections des élections directes. Ce serait comme un mécanisme de gestion de l’électorat à côté du marché électoral, lui-même, assis sur les procédures électorales pour constituer le tout du système de choix des gouvernants [4]. Le marché électoral est le lieu où les agents politiques, membres/candidats des partis, et l’électorat viennent finaliser leurs transactions déjà, discutées, traitées ou évaluées au sein des partis politiques. L’essentiel du processus démocratique en termes de comportement des candidats et de l’électorat est la responsabilité des partis politiques.

Comme organisations politiques, ils sont appelés à guider le comportement des acteurs pour rendre effective l’harmonisation des intérêts via les transactions politiques sur le marché électoral. L’ignorer c’est laisser la charge au marché électoral qui n’est qu’un cadre d’exécution des procédures de composition d’un nouveau gouvernement par la voie démocratique. Depuis leur naissance, les partis politiques n’ont pas changé tant au niveau de leur structure organique que de celui des tendances politiques vis-à-vis du pouvoir, de l’électorat, de ses membres/candidats, et de la collectivité dans son ensemble. Telle est une complaisance politique qui fait du marché électoral le centre d’étalage et de résolutions violentes des différends politiques.

N’étant qu’un simple espace de procédures et d’exécution des choix électoraux, il craque à chaque fois qu’il faut réaliser les élections en devenant la proie des forces politiques pour favoriser un candidat ou un autre. Acceptant le marché électoral avec toutes ses tares naturelles qu’aucune loi ne peut corriger, il doit subir de rigoureuses évaluations au point de repenser les conditions de participation des candidats au processus électoral. Simultanément, les partis politiques doivent ajuster son fonctionnement, mieux accompagner le marché électoral, et finalement réussir le processus démocratique. Après tout et jusqu’à date, c’est le seul point d’expression permettant à chaque individu d’avoir son mot à dire dans la composition d’un gouvernement.

Notes

 [1] La raison du choix de candidats populistes est expliquée dans ce texte : Poincy, Jean (2022) : « De la difficulté d’organiser la société Ayitienne III : la méfiance généralisée » https://www.lenational.org/post_article.php?tri=829

 [2] Poincy, Jean (2011) : «Une interprétation économique de l’échec du marché électoral Ayitien » http://poincy.blogspot.com/2011/06/une-interpretation-economique-de-lechec.html

[3] Cahuc, Pierre (1998,) : La Nouvelle Microéconomie. Paris : Editions la Découverte, coll. Repères.

[4] Cette interprétation du rôle du parti politique à côté du marché électoral s’inspire de l’article de Ronald H. Coase : « The Nature of the Firm », Economica, New Series, Vol. 4, No. 16, (Nov. 1937), pp. 386-405 dans lequel il redéfinissait le concept « firme » comme système d’organisation du processus de production complémentaire au mécanisme de prix du marché des transactions. Il avance qu’une firme a pour fonction de réduire les coûts d’organisation du processus de production sans pouvoir les éliminer, alors que le mécanisme de prix comme régulateur du marché n’en tenait pas compte.

 

Jean Poincy

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