Lettre ouverte aux Membres du Haut Conseil de la Transition (HCT) et au Premier ministre Ariel HENRY

Port-au-Prince, le 24 février 2023

Madame, Messieurs,

J’ai l’honneur de vous transmettre quelques « Réflexions pour un agenda de la transition ».  C’est un document produit à partir des idées partagées au sein du Leadership Ayitien pour une Nouvelle Société (LANS). J’entreprends cette démarche, au nom de ladite organisation, pour essayer de construire un palier complémentaire à la recherche du consensus nécessaire au retour à l’ordre public.

Aujourd’hui, en Ayiti, l’heure est grave. Les derniers repères ont été effacés par la crise et les citoyens expriment désespérément des incertitudes légitimes quant aux velléités et à l’efficacité du pouvoir en place, à cause notamment de l’absence d’une feuille de route précise sur la gestion de la transition. Le citoyen que je suis se permet d’insister et de plaider en faveur de la formulation de cet agenda, en indiquant certains objectifs qui sont incontestablement dans l’ordre des urgences.  

Nous devrions être tous conscients que devant l’ultime tentative de survie, seul un leadership national sera capable d’attaquer les défis auxquels nous sommes confrontés. L’idée de la mise en place d’un Haut Conseil de la Transition peut être considérée, en ce sens, comme un pas dans la bonne direction et nous sommes en droit d’attendre que ses premières orientations traduisent une rationalité concernant les urgences à assumer. Il est vrai que les causes de la crise sont structurelles. Cependant, le contexte semble se prêter difficilement à des initiatives réformistes, étant donné les nombreux irritants qui pèsent sur les rapports sociaux. Aussi est-il indiqué de renforcer une entente autour des priorités communément identifiées.

 

Les antécédents

Les manifestations de la crise socio-politique en Ayiti sont les résultats d’un malaise lointain jamais résolu qui s’est empiré au cours des années. Les réflexions ont conduit vers une compréhension de l’inadéquation entre les exigences de l’architecture politique que nous avons adoptée au lendemain de février 1986 et le modèle social développé. Nous avons changé de régime sans pouvoir améliorer le mode de socialisation politique dont les origines remontent depuis l’indépendance et dont la confrontation entre deux visions projetées sur un seul et même pays est génitrice.

De la faillite à multiples facettes de notre système politique découle cette situation de crise marquée par l’insécurité grandissante, l’inflation galopante, l’insécurité alimentaire et les tensions politiques. L’autorité de l’État est mise en déroute par des réseaux et des foyers notoires de gangs armés. Le gouvernement a été jusqu’ici incapable de protéger ses citoyens qui vivent dans la peur au quotidien.

 

Des objectifs de l’agenda

Devant ce sombre tableau, les actions prioritaires peuvent être développées autour de trois (3) objectifs :

  1. Restaurer la paix, la sécurité et l'ordre public avec le but ultime de parvenir à une stabilité politique et de permettre à la population ayitienne de reprendre une vie normale. De plus, il semble opportun d’aborder la délicate question du vivre ensemble sur fond de relance des institutions des trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire.
  2. Prendre en compte immédiatement et effectivement les besoins humanitaires des populations les plus vulnérables affectées par la crise. Les efforts humanitaires devraient attaquer les problèmes de manque d’alimentation de base, de soins de santé primaires (incluant les urgences dont les cas de choléra, de traumatisme et de blessures par balles), d’accès à l’eau potable et d’accès à une meilleure protection pour les personnes victimes de violences.
  3. Organiser des élections générales pour le remplacement du personnel politique et la redynamisation des institutions publiques. Aujourd’hui, les élections générales sont un processus crucial vers la construction de la démocratie ayitienne ainsi que vers la légitimité et la stabilité politique dans le pays. Les élections font partie des rares options pour la mise en place de réformes politiques et institutionnelles nécessaires pouvant garantir la paix et le progrès.

 

Des dispositions stratégiques

Plusieurs dispositions stratégiques pourraient nous permettre d’atteindre ces objectifs auxquels sont liés trois (3) axes d’actions correspondants. Ce sont :

  • La démonopolisation de la réflexion sur la résolution de la crise en facilitant la contribution d’experts internationaux y compris des Ayitiens de la diaspora.
  • La mise à profit de la solidarité internationale à partir de l’application des dispositions du cadre juridique international à travers l’ONU. 
  • Le développement d’une stratégie d’actions ciblées en réponse à l’urgence humanitaire.
  • Le renforcement du consensus autour d’un dispositif électoral indépendant.
  • L’amélioration de la transparence et le renforcement des mesures d’austérité dans la gouvernance publique.

 

Des ressources à mobiliser

Pour la mise en œuvre des actions prioritaires de la transition, une estimation rapide des besoins s’élève à un montant minimum de trois cent cinquante millions de dollars américains et 00/100 (350,000,000.00 USD). Ce montant ne prend pas en compte le coût d’une assistance directe de la communauté internationale à travers l’ONU.

Un mouvement de solidarité envers Ayiti est lancé depuis plus de deux (2) mois par l’ONU avec un appel de 145,6 millions de dollars américains. Ceci rejoint les engagements déjà confirmés en 2022 par d’autres institutions comme la Banque Mondiale et la BID. Ainsi, la constitution d’un fond commun (basket fund) pourrait être une méthode efficace pour une meilleure harmonisation et une meilleure coordination des actions sous un leadership national qui doit garantir en permanence l’austérité, la transparence et la redevabilité mutuelle. 

 

Madame, Messieurs,

A côté des polémiques qui nous divisent, ayons l’intelligence de la construction d’un leadership plus responsable. Nous avons surtout la responsabilité d’identifier les intérêts et les raisons qui nous unissent. De ce fait, la paix, la sécurité et le respect des droits fondamentaux des Ayitiens sont des besoins communs, réels et pressants qui devraient nous interpeler tous. L’effort national en ce sens est étroitement lié aux engagements et aux signaux confirmés au plus haut niveau de l’État.

Je saisis cette occasion pour vous adresser, Madame, Messieurs, l’expression de mes sentiments patriotiques.

John Herrick DESSOURCES

Président

LANS

 

 

PJ. Document présentant les « Réflexions pour un agenda de la transition »

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