Négocions une sortie pacifique de la crise haïtienne entre nationaux et internationaux

Les oppositions  entre les secteurs sociaux, économiques, et politiques sont la cause de l'affaiblissement de l'état et l'atomisation des entités géographiques du territoire national. Trouver une solution à la crise ne consiste point à réprimer les groupes armés. Car, ce phénomène n'est que des symptômes d'une crise structurelle et politico-morale. Mais, elle s'explique aussi par les convoitises des puissances internationales dont le pays a eu à subir la domination politique. Les États-Unis, la France, et le Canada et la communauté internationale n'ont jamais su apporter une coopération adéquate aux besoins politiques, économique du pays.  Et cela est en lien avec la logique de la politique étrangère des puissances du nord qui agissent aussi dans le but de la défense de leurs intérêts nationaux et géopolitiques. Donc, il y a lieu de solliciter des secteurs nationaux, du pouvoir étatique, et des coopérants bilatéraux et multilatéraux une négociation sincère incluant la mauvaise foi, et exigeant donc une éthique politique.

La colonisation a permis aux métropoles européennes d'exploiter les esclaves dans les champs et l'occupation américaine a donné l'avantage aux gouvernements des États-Unis d'utiliser la main-d'œuvre paysanne pour tirer des bénéfices de nos matières premières. Mais, le sous-sol du pays n'a pas été pillé de ses ressources minières qui n'ont pas manqué d'attiser les convoitises des états internationaux, dont les États-Unis.

Ces faits ne sont pas sans liens avec la crise qui sévit dans le pays depuis environ deux décennies. En effet, l'ingouvernabilité du pays crée un marasme pour toute mise en chantier d'une politique de développement endogène. C'est-à-dire, un développement qui peut se faire en utilisant les différentes ressources naturelles du pays pouvant financer les politiques publiques d'industrialisation, d'éducation, de santé, d'écologie. Des rapports d'études  du sous-sol national peuvent attester de la disponibilité de ces ressources non exploitées, mais exploitables et convoitées par les puissances étrangères.

Les enquêtes menées sur les armes et munitions alimentant les groupes armés confirment leur lieu de provenance, et n'innocentent pas les pays qui proposent d'aider le pays à sortir de ce chaos généralisé d'insécurité. Et les différentes sanctions canadiennes et américaines sont des décisions diplomatiques et politiques qui n'engagent pas uniquement la responsabilité des nationaux d'Haïti, mais montrent aussi une part de responsabilité des pays d'où sont émanées ces sanctions.

Donc, la conclusion serait que les gangs armés ne sont pas la cause essentielle de la crise. Cela ne constitue que des symptômes qui peuvent être disparus, une fois que des discussions nationales seraient engagées entre ceux qui sont coupables en Haïti, les victimes innocentes de la population dans tous les secteurs de la vie socioéconomique, et acteurs bilatéraux et multilatéraux qui ont leurs ficelles dans ce théâtre tragique de marionnettes sur le territoire national.

Aussi, nous devons nous concerter, en conviant les secteurs syndicalistes, religieux, politiques, les leaders des groupes socioprofessionnels de la société civile, et les représentants des pays en rapport diplomatique avec Haïti, sur des points cruciaux à débattre pour négocier une sortie de crise pacifique. Cela sous-tend aussi  que des garanties et avantages politiques et économiques seront définis pour motiver les participants à faire preuve de leur bonne foi. 

Haïti ne disposant pas des moyens technologiques et des ressources humaines qualifiées pour exploiter ses richesses du sous-sol, des mécanismes devront être mis en place pour designer des acteurs internationaux dans ce domaine précis de la coopération au développement endogène et national.  Ce qui devrait motiver ces acteurs à surveiller leurs frontières nationales par où franchissent armes et munitions alimentant la violence armée des groupes.

Nous devons être certains que la corruption de l'institution répressive (PNH), s'apparentant plus à une maffia qu'à une force coercitive détenant le monopole de la violence légale et légitime, s'explique par la même logique néocolonialiste affaiblissant l'état haïtien et créant une ingouvernabilité politique et une paralysie de l'économie nationale. Donc, un renforcement de cette institution auxiliaire de la justice pourrait être aussi inscrit comme point de la négociation avec les partenaires internationaux. Ce qui facilitera une institution progressive d'un état de droit en Haïti, et réduire donc les risques de violation des droits humains que nous observons dans presque toutes les zones du département de l'ouest. Cela supposant aussi que nous avons en Haïti les institutions de la gouvernance publique, mais qui sont rendues dysfonctionnelles par les types de coopération internationale et les pratiques de luttes politiques entre les nationaux.

Concluons pour dire que nous ne vivons pas un mal qui soit génétique et qui exigerait que le pays soit l'objet d'une adoption humanitaire, parce qu'elle serait une enfant née d'une indépendance mal conçue, et non le fruit de l'amour de la liberté. Négocions donc pour retrouver la dignité de cette enfant née des pères et des mères de la dignité du peuple de 1804 et des peuples noirs. Haïti n'a pas besoin de pitié. Mais de bonne foi et de dignité.

 

Cheriscler Evens,

sociologue et journaliste

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