Le mal de fuir sa terre natale contre sa volonté

Ce dicton populaire créole revient incessamment sous les lèvres des gens “ lakay se lakay, se la mwen toujou santim byen”, qui expriment leur mécontentement face à leur mode de vie en terre étrangère, qui racontent des tas de choses vecues là-bas. Plusieurs musiques compas (ancienne, nouvelle génération) décrivent la vie ailleurs. La plus ancienne est celle chantée par l'éminent lead vocal du groupe Tabou combo, Roger M. Eugène dit Shoubou : la nèj mèt ap tonbe fòk male travay, li mèt bil o zewo m oblije al punche, menm si mwen fatige fok mal peye bil yo, nou bouke manje manje chinois". Une musique qui décrit parfaitement bien la réalité des gens qui sont obligés de fuir leur terre natale pour s'installer définitivement ailleurs. Ils expriment avec dégoût leur sentiment de nostalgie. Depuis l'aéroport Shoubou se sentait transformé par l'accueil, le climat, l'hospitalité, la consommation ... qui est nettement différent.e de celui/celle des autres pays.

Oui! Oui! Oui! au vu et au su de tout le monde, la vie en Ayiti représente une véritable galère. Une vie infernale où tout est possible. Les gens vivent dans la pire promiscuité où l'on croyait être utopique d'accepter de mener pareille vie. Les immondices s'installent dans tous les coins des rues où ils s'assayent pour joindre les deux bouts. Les évènements viennent et reviennent sous ses yeux en laissant peine et douleur parfois même irréparable. Ça roule, ça continue malgré tout. Ils se résignent. Ils fonctionnent sous la conscience aveuglée des dirigeants qui fuient leur responsabilité, qui refusent de sortir le pays de cette tabagie, du gouffre dans lequel il se trouve. Comment penser alors que quelqu'un va-t-il se comporter quand les possibilités (laisser le pays) viennent sur son chemin. Comment stopper cette hémorragie migratoire auprès des jeunes qui se perdent totalement dans la procrastination, qui sont nettement dépourvus de tout. Comment ressusciter le sentiment patriotique du côté des Ayitiens pendant qu'ils regardent le bout du tunnel et sont témoins oculaires de tout. Comment exprimer à quelqu'un sa fierté le fait d'être Ayitien pendant que le pays est encore sous l'obédience, l'emprise de l'international, qui ne se comporte qu'en sangsue et rapaces. Comment parler de l'indépendance d'Ayiti alors que rien n'est vraiment fait pour sortir le peuple de l'assistanat. Un ensemble de questionnement qui peut agiter encore le débat.

Toutefois, ce n'est pas un secret de polichinelle que le phénomène migratoire des Ayitiens est principalement dû à cause de la mauvaise gouvernance, qui engendre tout bonnement ce climat délétère, qui obstrue et fragilise l'existence du peuple. Les dirigeants livrent le pays à vil prix. Ils cautionnent leur incapacité en compromettant l’avenir du pays. Ils n'ont même pas honte de citer les noms de Dessalines, de Toussaint... dans leur discours. Ils n'ont aucune gêne de constater l'état boueux dans lequel végète le peuple. C'est comme si tout est normal. Interviewées sur leur situation nostalgique, les diasporas ne cachent pas leur frustration. On peut même lire sur leur visage la tristesse, la désolation, le regret... leurs témoignages à travers la radio, les réseaux sociaux peuvent aussi en témoigner. La vie à l'étranger pour elles est synonyme de l'esclave. Rien que le rapport entre ouvrier et patron. Elles ne travaillent qu'au profit du patron. Elles n'ont pas vraiment de temps même pour se reposer. Elles partagent le même toit que leur famille, sans pour autant avoir la possibilité d'être tous ensemble pour se divertir, car il ne fait qu'appliquer le principe américain stipulant que “le temps c'est de l'argent”. Dans cette réflexion, plusieurs aspects peuvent entrer en ligne de compte :

D'abord, il faut admettre que si les conditions de vie en Ayiti étaient agréables, jamais au grand jamais on assiterait à cette fuite de cerveau. Car, ils savent ce qui se passe là-bas. Néanmoins, certains évoquent l'aspect climatique, d'autres le racisme, l'exploitation à outrance... pour justifier leur contrainte. Il y en a parmi eux qui occupaient de grands postes en Ayiti (Directeur, chef projet, Ingénieur...) qui, finalement, ont accepté d’aller faire n'importe quoi là-bas : cueillir des tomates, labourer, nettoyer... Il n’y a pas de sot métier, on accepte. Mais en Ayiti, ce type de travail est réservé aux gens qui ne savent pas ni lire ni écrire.

Une autre catégorie, des jeunes employés professionnels, qui reste encore en Ayiti où ses idées baladent, vacillent entre quitter ou rester. Ils se déchargent de tout pour d'autres perspectives. Ils attendent : e-mail, résidence, visa sans rien entreprendre. Ils agrandissent  la liste des chômeurs. En tout cas, les débats, les réflexions pleuvent sur la vie en Ayiti. L'on se trouve alors face à un sérieux dilemme. Cette catégorie réfléchit encore et encore sur ce qu'elle doit faire véritablement. Lesquelles réflexions basées sur des aspects liés aux problèmes racismes, à la diminution de la subjectivité humaine, aux mauvais traitements, à l'irrespect, etc. qu'elle ne souhaite pas subir là-bas. D'autres avancent pour dire qu'ils doivent absolument laisser le pays pour s'assurer de l'avenir de leurs enfants, puisqu’Ayiti ne leur offre pas cette possibilité. Cependant, elle croit fermement que Ayiti demeure l'unique et le seul pays où elle se sentira bien. D'autres, en dépit des difficultés rencontrées, ne décident de lâcher prise. Ils cherchent des opportunités d'affaires et créent de nouveaux contacts. Ils croient que : “nou tout paka mouri ansanm, ni nou tout paka pati, fòk gen moun ki rete". Donc, s'ils choisissent de rester, il faut créer. La vie n'a jamais été facile, peu importe là où l'on est.

Tout compte fait, on n'est même pas besoin d'être dans le secret des dieux pour voir que le pays est dans une situation chaotique. L’insécurité bat son plein (la toute-puissance des gangs). Les dirigeants ne se montrent pas à la hauteur (complicité ou incapacité). Les gens s'inquiètent. Le pays est sous la menace d'un complot qui veut que ses filles et fils abandonnent, se retirent, se désintéressent de tout. Néanmoins, il revient intelligemment au peuple Ayitien de prendre le destin du pays en évitant de voter n'importe qui ni n'importe comment. Car, le résultat de ce que nous vivons aujourd'hui n'est autre que la façon dont nous avons voté. Il ne convient pas de fuir le pays sous prétexte qu'il n'offre aucune possibilité aux enfants, aux jeunes, aux adultes: Ayiti se pou nou, se nou ki pou edel. Pa gen okenn moun kap vinn fè anyen pou nou sin pa deside met tèt nou ansanm poun chanje sa. Sinon, nous resterons toujours des citoyens en transite, qui n'attendent que le BLANC pour nous aider.

Vive l’independance!!!

Vive la nouvelle Ayiti!!!

Vive le changement !!!

 

Jean Marc Sénatus

Communicateur social

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