Évitons cette systématisation de violation de la Constitution au pays

L’orientation, en Haïti, d’une gouvernance politique pilotée par un pouvoir exécutif monocéphale dirigé par un Premier ministre entraine, ipso facto, une systématisation de violations de la constitution.

L’orientation, en Haïti, d’une gouvernance politique pilotée par un pouvoir exécutif monocéphale dirigé par un Premier ministre entraine, ipso facto, une systématisation de violations de la constitution. Dans un tel contexte, n’importe quel Premier ministre sera amené, à répétition, à exercer des attributions qui sont réservées uniquement au Président de la République d’Haïti. Ce qui provoquera des discordances politiques, constitutionnelles, légales et administratives. Bien avant la formulation de tout argumentaire, d’un point de vue philosophique, un État doit avoir un Chef, celui-ci le représente particulièrement auprès d’autres États et d’organisations internationales. En Haïti, ce Chef de l’État n’est autre que le Président de la République (Article 136 de la constitution), et personne d’autre. Conséquemment, personne ne peut représenter la République d’Haïti, si ce n’est par sa délégation, la délégation étant une décision par laquelle une autorité politique ou administrative (le déléguant) charge ou ordonne une autre autorité (le délégué) d’exercer ses pouvoirs à sa place, par devant une tierce personne (le délégataire). Elle peut être relative à l’exercice, soit de compétence, soit de signature. De plus, la délégation est une décision d’ordre personnel, elle ne peut être transmise au délégué que par le délégant et ce dernier peut l’annuler à tout moment. Elle se différencie de la suppléance (qui, elle, est automatique en cas d’empêchement du titulaire d’un poste où son adjoint le remplace) ou de l’intérimaire (qui est mis temporairement à la place d’un autre pour exercer ses fonctions).

Entre la délégation, la suppléance et l’intérimaire, la typologie administrative de la gouvernance qui convient actuellement à mon pays, dirait un de mes professeurs préférés : Me Monferrier DORVAL, s’il était vivant (j’en suis convaincu), c’est l’intérimaire, L’accord politique pour une gouvernance apaisée et efficace, publié le vendredi 17 septembre 2021, dans le numéro spécial 46, du journal officiel de la république, le Moniteur, QUALIFIE LA PÉRIODE DE GOUVERNANCE D’INTÉRIMAIRE, sans en préciser sa durée. À une période intérimaire, il faut donc une typologie administrative de gouvernance intérimaire. Il faut donc un Président Provisoire de la République d’Haïti, une personne mise temporairement à la place du président de la République, décédé le 7 juillet 2021, pour exercer ses fonctions. Voilà pourquoi je soutiens la proposition du Regroupement Citoyen pour une meilleure Haïti (RECIMHA) : une organisation civique et citoyenne, créée le vendredi 27 mai 2005, par un groupe de quatre-vingt-trois (83) personnes, essentiellement composé alors d’étudiants finissants en premier et deuxième cycles d’études universitaires, dont je suis actuellement le Président. Je la partage avec vous : ‘‘élever le dr ariel henry, premier ministre actuel, au rang de président provisoire de la république et en lui accordant l’autorité de nommer un nouveau premier ministre, issu de la société civile, en vue de corriger les discordances constitutionnelles et légales à répétition, une bonne fois pour toute.’’

Pourquoi le dr ariel henry ? Dès l’installation du Premier ministre Ariel HENRY, le poste de Président de la République était déjà vacant, il semble avoir le support de maintes organisations de la société civile et d’une frange des partis politiques, en témoigne l’accord politique pour une gouvernance apaisée et efficace, publié le vendredi 17 septembre 2021, dans le numéro spécial 46, du journal officiel de la république, LE MONITEUR. En outre, il semble aussi avoir le soutien de la communauté internationale. Toutes les forces vives de la nation devraient donc capitaliser sur le plus large soutien dont jouit le Premier ministre pour constituer autour de lui le point d’ancrage nécessaire pour relancer le pays, étant donné que les autres alternatives pour doter le pays d’un Président n’ayant pas eu, au moins, un même niveau de support.

Pourquoi l’élever au rang de président de la république de façon provisoire? Pour éviter une systématisation de violations de la constitution, où en étant au poste de Premier ministre, il sera amené, à répétition, à exercer des attributions qui sont réservées uniquement au Président de la République d’Haïti. Ce qui provoquera des discordances politiques, constitutionnelles, légales et administratives. En guise d’illustrations, ces exemples, parmi tant d’autres, sont considérés :

1. Le Premier ministre, en ayant formé ou à reformer un gouvernement, est dans l’obligation de faire publier un arrêté qualifié de présidentiel dans LE MONITEUR. Or, l’article 144 de la constitution haïtienne précise que: ‘‘Il (le Président de la République) fait sceller les lois du Sceau de la République et les promulgue dans les délais prescrits par la Constitution. Il peut avant l'expiration de ce délai, user de son droit d'objection.’’ conséquemment, à chaque fois qu’un texte à valeur légale ou règlementaire sera publié dans le Moniteur, le Premier ministre va violer la constitution haïtienne en vigueur et forgera une discordance constitutionnelle ;

2. Dans le cadre de la formation d’un Conseil Electoral Provisoire, pour la même raison, le Premier ministre va se heurter au même article 144 ;

3. Quand le peuple devra être convoqué en ses comices, il va encore violer l’article 144 de la constitution ;

4. Chaque semaine doit se tenir une séance, au moins, du Conseil des ministres sous la présidence du Président de la République d’Haïti. Selon l’article 148 de la constitution: ‘‘Si le Président se trouve dans l'impossibilité temporaire d'exercer ses fonctions, le Conseil des ministres sous la présidence du Premier ministre, exerce le pouvoir exécutif tant que dure l'empêchement.’’ Mais dans le contexte actuel des choses, il s’agit d’une impossibilité permanente. Car selon l’article 166 de la constitution, on peut lire ceci : ‘‘Le Président de la République préside le Conseil des ministres. Le nombre de ceux-ci ne peut être inférieur à dix (10).’’ Et dès lors, c’est un Président provisoire qui devrait diriger les séances du Conseil des Ministres. Cette discordance, elle, a la particularité d’être déjà répétée plus d’une dizaine de fois ;

5. À chaque fois que le gouvernement devra présenter son budget annuel, il ira encore à l’encontre de cet article 144 ;

6. S’il entreprend de nommer le Commandant en Chef des Forces armées, le Commandant en Chef de la Police, des ambassadeurs et des Consuls généraux, c’est à l’article 141 qu’il va quadruplement s’opposer ( il n’a pas le titre de Président, le Sénat est dysfonctionnel, la présidence du Conseil des ministres n’est pas la sienne et il devra ordonner de faire la publication dans le Moniteur). RÉFÉRENCE: ‘‘Le Président de la République après approbation du Sénat nomme par arrêté pris en Conseil des ministres, le Commandant en Chef des Forces armées, le Commandant en Chef de la Police, les Ambassadeurs, les Consuls généraux (Article 141) et les conseils d'administration des organismes autonomes (Article 142 : 2e membre de phrase).’’

7. S’il entreprend aussi de nommer des directeurs généraux de l’Administration publique, les délégués et vice-délégués des départements et arrondissements, c’est à l’article 141 qu’il va triplement s’opposer ( Il n’a pas le titre de Président, la présidence du Conseil des ministres n’est pas la sienne et il devra ordonner de faire la publication dans le Moniteur). RÉFÉRENCE: ‘‘Par arrêté pris en Conseil des ministres, le Président de la République nomme les directeurs généraux de l'Administration publique, les délégués et vice-délégués des départements et arrondissements (Article 142 : 1er membre de phrase).’’

8. Si jamais le Premier ministre envisagerait de participer, par exemple, à une séance de réunion de l’Organisation des Nations Unies (ONU), ou de rencontrer le Chef de l’État d’un autre pays, il violerait l’article 136 de la constitution qui fait du Président de la République d’Haïti, le Chef de cet État et conséquemment, son représentant

9. Si jamais le Premier ministre songerait prendre un arrêté pour déclarer certains immeubles expropriés pour cause d’utilité publique, il est avisé par avance que selon le vœu du décret du 5 septembre 1979, la déclaration d’utilité publique ou la décision d’expropriation est prise en vertu d'un arrêté ou décret du chef de l’État qui, en confirmant la nécessité de l'expropriation en question, indiquera le nom de la Commune ou celui du quartier ou la zone où sont situés les terrains, ou les immeubles à exproprier. RÉFÉRENCE: Article 36.1 de la Constitution : ‘‘L'expropriation pour cause d'utilité publique peut avoir lieu moyennant le paiement ou la consignation ordonnée par justice aux ordres de qui de droit, d'une juste et préalable indemnité fixée à dire d'expert. Si le projet initial est abandonné, l'expropriation est annulée et l'immeuble ne pouvant être l'objet d'aucune autre spéculation, doit être restitué à son propriétaire originaire, sans aucun remboursement pour le petit propriétaire. La mesure d'expropriation est effective à partir de la mise en œuvre du projet’’.

NOTE : le concept ‘‘expropriation, du préfixe latin ex qui signifie privation et proprietas, propriété, est une procédure instituée par la loi du 5 septembre 1979 par laquelle une Collectivité publique telle que l’État ou une collectivité territoriale prive une personne physique ou morale de son immeuble (une maison, un terrain…) pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.

L’article 2 de la loi du 5 aout 1901 sur l’expropriation pour cause d'utilité publique dispose : ‘‘Les Tribunaux ne peuvent prononcer l’expropriation qu'autant que l’utilité en a été constatée et déclarée dans les formes prescrites par la présente loi. Ces formes consistent :

1. Dans la loi qui autorise l’exécution des travaux pour lesquels l’expropriation est requise ;

2. Dans L'Arrêté du Président d’Haïti qui désigne les localités ou territoires sur lesquels les travaux doivent avoir lieu, lorsque cette désignation ne résulte pas de la loi ou de l’arrêté présidentiel.’’ Cet arrêté est qualifié par la loi de présidentiel et non pas de ministériel qui constitue le type d’arrêté que peut prendre un ministre ou un Premier ministre.

Confronté par une contrainte de volume, je me sens obligé de m’arrêter là, mais il y a la nécessité de faire la plaidoirie en faveur de l’insertion de la durée de la période dite intérimaire et de la feuille de route qui doit être définie par et pour le pouvoir exécutif au profit de la population haïtienne. Ceci fera, peut-être l’objet d’un nouvel article…

Tout comme le RECIMHA, j’exhorte personnellement toutes les organisations de la société civile, tous les partis politiques, tous les mouvements syndicaux, les corporations socioprofessionnelles et patronales ainsi que la communauté internationale à soutenir en conséquence la proposition de changer le momentum en appuyant le Dr Ariel HENRY comme Président Provisoire de la République et en lui accordant l’autorité de nommer un Premier ministre, en vue d’éviter, une bonne fois pour toutes, cette systématisation de violations de la constitution, illustrées par ces exemples, tirés parmi tant d’autres.

Professeur Jean Robert PLAISIMOND
jeanrobert0321plaisimond@gmail.com

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES