L’asphyxie silencieuse du Grand Sud

« Les classes populaires, notamment les groupes dominés, chez nous, se caractérisent par un manque de prise de conscience de leur situation de domination et d’exploitation. Leur imagination a peu de rapport avec la réalité vécue. (…) Leur comportement se traduit par la fatalité, « l’acceptation de la souffrance et de la misère comme étant normale ». (Ilionor Louis)

Pour décrire le quotidien des Haïtiens au cours de ces dix (10) dernières années, il faut emprunter au vocabulaire de la guerre des termes et des expressions tels : gangs, violences armées, insécurités, assassinats et autres. C’est ce qui fait débat dans la sphère de l’opinion publique. Sans prétention de pouvoir faire la leçon à quiconque , dans cet article, je vais tenter d’analyser les répercussions de cette violence physique comme une construction politique et économique contre les masses populaires haïtiennes, mais aussi un facteur social externe de l’amplification de la pauvreté dans la zone du Grand Sud particulièrement sur la population du Département du Sud sous différentes formes depuis son ascension démesurée au cours du mois de juin 2021.

La violence physique et structurelle, une arme puissante construite contre les masses populaires et les populations marginalisées.
Mieux comprendre le phénomène de violence est la meilleure façon de le prévenir ou le contrecarrer. Au cours du mois de juin 2021 et bien avant, les violences physiques des gangs armés ont fait rage dans plusieurs quartiers populaires de la capitale : Grand-ravine, Bel-Air, Lassaline, Cité-soleil, Tibwa, Carrefour-feuilles, Martissant, etc. Pourquoi les zones populaires, précaires et marginalisées? Selon plusieurs rapports d’enquête des organisations des droits humains parmi lesquelles RNDDH, ces conflits sociaux sont de motivations politiques (Rapport RNDDH, 2018). La MINUJUSTH, Mission des Nations unies pour la Justice en Haïti, confirme même la participation des officiels de l’Etat dans certains massacres (Rapport MINUJUSTH, 2019). Louis, inscrit ce phénomène de violence conjoncturelle comme l’expression d’une violence structurelle instaurée contre les populations socialement marginalisées. Il définit cette violence structurelle qui est à la base de cette violence physique dans les quartiers populaires en ces termes :

« La violence structurelle se traduisant par l’impossibilité de se faire soigner quand on est tombé malade ou bien d’assister à la mort de ses enfants sous ses yeux parce qu’on n’a pas d’argent pour payer les frais médicaux. C’est aussi la faim, l’insécurité alimentaire (pour utiliser un concept libéral d’accès à la nourriture) ; c’est l’impossibilité de payer les frais de scolarité de ses enfants et de tirer les bulletins scolaires. C’est se trouver dans l’impossibilité de payer son loyer, de vivre dans un environnement insalubre, les autorités municipales ne disposant pas de ressources suffisantes pour la collecte des ordures, le nettoyage des rues, la prévention des maladies contagieuses. La violence, ce sont les nuisances sonores vous empêchant de fermer les yeux pour dormir la nuit ; c’est la difficulté d’accéder à l’eau potable ; c’est le fait de ne pas pouvoir terminer ses études, de décrocher avant de partir à l’étranger sans papier ; de se faire arrêter et rapatrier dans des conditions infrahumaines ; de retourner vivre dans la gêne et la honte de la même situation d’avant. La violence, c’est se trouver au chômage, dans la misère, ne recevoir aucune subvention de l’État, écouter ou regarder des spots publicitaires faisant la promotion des produits de luxe tandis qu’on ne peut même pas assouvir sa faim » (Louis, 2021).

Pour lui, ces individus armés participent surtout à la reproduction des structures d’oppression et de domination de manière inconsciente au lieu de se regrouper afin de les combattre de manière collective avec la grande population. Pour Michel Agier (2008), ces populations victimes et délogés par ces gangs armés sont considérés par l’État comme des « indésirables ». Ce sont des populations victimes d’exploitation politique, économique et culturelle.

En fait, cette violence semble n’être pas vraiment le fruit du hasard parce qu’elle est trop bien organisée et, paradoxalement, elle fait des heureux, bien entendu, pas au sein des populations marginalisées et exploitées. Le Nouvelliste (2019) qui rapportait les propos de Jean Rebel Dorcenat, membre de la Commission Nationale de Désarmement, Démantèlement et Réinsertion (CNDDR) écrit ceci : « le commerce juteux des munitions dans le pays est géré par 11 personnes, dont des individus des classes dominantes, des leaders politiques et des proches du pouvoir ». Et tout ceci grâce à la faiblesse ou la complicité de l’État. Dorcenat poursuit pour dire que « des cartouches pénètrent le territoire haïtien en quantité, sans aucun contrôle réel. C’est un marché qui rapporte ». Il semblerait, selon ce que rapporte ce membre de la CNDDR, que cette violence soit construite et alimentée par des professionnels de la politique et le secteur économique libéral. Donc, cette violence produite par les individus des groupes déviants est l’expression du néolibéralisme contemporain. La recherche du profit est la seule et l’unique motivation. Il est temps, peut-être, que les masses silencieuses et dormantes s’organisent contre la violence structurelle instaurée par une certaine oligarchie politique et économique contre leur intérêt et du coup réduire considérablement la violence physique démesurée actuelle qui est en train de détruire le Grand Sud d’Haïti.

La mort silencieuse du Grand Sud

Cette violence physique grandissante perpétrée dans l’Aire métropolitaine de Port-au-Prince, par rapport au laxiste des autorités illégitimes et l’impuissance de la police, confrontée à des problèmes logistiques, de stratégies et de moyens, n’est pas sans impacts et conséquences sur les zones périphériques de la capitale particulièrement certaines villes de province du « Grand Sud » du pays. En fait, la route nationale conduisant à la péninsule Sud (Nippes, Cayes, Jérémie, Jacmel) est souvent bloquée au niveau de Martissant et de Cité de l’Éternel. Des gangs armés y sèment la terreur en perpétrant des massacres, des détournements de containers chargés de marchandises, tuant en plein jour, braquant des banques et vols en séries des biens des citoyens ordinaires ou de petits commerçants « Madan Sara », entre autres. Le Grand Sud paie une facture extrêmement salée au niveau de son économie, de son secteur social et culturel, de la santé et de l’insécurité.

Répercussions sur l’économie du département du SUD

Semble-t-il que les agents économiques du Département du Sud, zone périphérique, sont victimes du « nécro-économique ». C’est-à-dire l’application d’une politique axée sur l’exclusion de cette catégorie d’agent économique. L’État n’a pas vraisemblablement besoin de ces agents malgré les impôts directs et indirects et toutes les autres redevances fiscales imposées et prélevées régulièrement.

Par le passé, les agents économiques du Sud ont fait face à deux grands phénomènes naturels : les catastrophes naturelles (Cyclone, ouragan, tempête tropicale, etc.) et la sècheresse. Ces deux types de catastrophes ont de grands impacts sur la région ce, à tous les points de vue. Au niveau matériel, les catastrophes naturelles provoquent beaucoup de dégâts et de pertes dans les quartiers urbains et ruraux ; des maisons détruites, dévastation environnementale et écologique, des plantations et des centaines et des milliers têtes de bétail disparues. Et sur le plan humain, des morts, des blessées et des disparues. Pour ce qui concerne la sècheresse, Dépendante des conditions météorologiques, la sécheresse coûte parfois très cher à l’économie rurale : décapitalisation en actifs (perte de production animale et végétale) et en finances (déficit enregistré dans la baisse des prix de certains produits, faible productivité et de rentabilité). Et c’est toujours un continuel recommencement, et la reconstitution de capitaux souvent se fait à travers des prêts à des taux exorbitants dans des caisses populaires et d’autres institutions de Microfinances. Ces agents vivent un cycle parfois infernal : après avoir recommencé, tout est perdu à nouveau au cours de la prochaine saison.

En conséquence, ces phénomènes ont engendré un fort flux migratoire à l’interne – «migration interne » - surtout des femmes paysannes haïtiennes vers les centres-ville des communes ou les chefs-lieux du département là où la question du chômage et de l’emploi ont toujours été des phénomènes importants depuis les années 1980 à cause de l’application des politiques économiques néolibérales dites «politique néolibérale». Une fois installés, étant donné que le travail en Haïti est généralement basé sur le clientélisme, certains sont devenus des marchand(e)s ambulant(e)s ou encore des débrouillards de l’informel, très peu d’entre eux arrivent à intégrer le secteur semi-formel tertiarisé (magasins, boutiques, dépôt de boissons gazeuses et alimentaires, banques, restaurants, etc.) et une forte proportion de cette population oubliée et exclue du système financier et économique évolue comme des travailleurs domestiques. Dans cette ligne d’idée, Laëthier écrit : « Dans leur grande majorité, les domestiques ont quitté le milieu rural que l'on appelle ici le « pays en dehors ». Ils sont venus « chercher la vie » en ville. Leur quotidien reste marqué par l'infériorisation sociale, mais le milieu urbain se représente comme le lieu qui permet de se soustraire à la « trop grande misère » vécue dans les campagnes » (Laëthier, 2016).

Cependant, le mixage social entre les citadins sédentaires et les migrants internes est pratiquement automatique une fois établi dans la capitale de la métropole du Sud : la ville des Cayes. Ils vivent les mêmes problèmes, les mêmes crises socio-économiques et les mêmes réalités. Par exemple, ils font face tous à la réalité de l’emploi médiocre et contre-productif. Ils sont incapables de résoudre leurs problèmes de santé devenue marchandise, de logement et d’autres services sociaux de base. Ils sont logés dans des hébergements caractérisés le plus souvent par la précarité des toilettes, la rareté d’eau et l’inexistence ou encore la précarité de service d’assainissement.

En dehors de ces problèmes structurels, actuellement, ils font tous face, même les élites économiques les plus aisées, à une multitude de problèmes de natures diverses dérivés des conséquences de cette violence physique instituée à l’entrée sud de la capitale. Au niveau économique, le département de l’ouest symbolise le poumon de l’économie du pays. Pour le Sud, presque tout dépend de l’Ouest. Le secteur formel pourvoyeur d’impôts est en grande difficulté. Un entrepreneur de la ville qui travaille dans le formel témoigne que les produits venant de la capitale à travers des convois sont bloqués, vandalisés et pillés. Trop souvent victimes doublement, la saisine d’une cargaison, le débours pour son rachat et parfois malgré tout la commande n’arrive pas à sa disposition. Les commerçants ne renouvellent presque pas les commandes pour le réapprovisionnement des stocks au risque d’être victimes à Martissant ou à Croix-des-Bouquets. Il existe des ruptures de stock importantes pour la majorité des produits : alimentaires, cosmétiques, pétroliers, médicaux, etc. Pas moyen de s’approvisionner par voie terrestre. L’absence d’une politique d’assurance fait défaut en ce moment. Les grands commerçants et producteurs de Port-au-Prince possèdent généralement une police d’assurance internationale, ce qui n’est pas le cas pour le commerçant grossiste du Sud voire ceux de l’informel.

Les charges et les obligations fiscales restent les mêmes pour le secteur. Les entrepreneurs du secteur formel comme de l’informel sont souvent des clients d’institutions de Microfinances ou de banques, obligatoirement ils doivent honorer leurs contrats de dettes. Que font-ils pour rembourser leur dette ? Ils utilisent soit des réserves de fonds de roulement ou encore contractent d’autres prêts auprès d’autres particuliers. Au niveau de l’emploi, bon nombre de ces emplois provenant du secteur privé sont en jeux. Certains salaires sont susceptibles de ne pas être liquidés, mais aussi de probables licenciements sont à craindre.

L’inflation inquiète. L’exigence de la loi de l’offre et de la demande est claire. Quand l’offre diminue, le prix augmente. Dans le Sud, le prix des produits flambe sur le marché local, quelle que soit la nature du produit : Cosmétiques, alimentaires, médicinaux, boissons gazeuses et autres. Quelle que soit son utilité : satisfaire des besoins de consommation courante, exigence d’un médicament pour des besoins de santé ou encore un produit hygiénique, etc. Qui subit l’inflation ? Le consommateur final ? Ce dernier n’est autre que le petit salarié au revenu de consommation qui n’a pas reçu son salaire ou en passe d’être licencié. Pas de salaires, pas de moyens de survivre. Mais, c’est aussi le chômeur frustré, découragé et désespéré des quartiers marginalisés et des sections communales exclues.

Le secteur informel, de son côté, est à bout de souffle. Constitués globalement de la masse paysanne et des masses urbaines sédentaires, les représentants du secteur informel sont considérés comme des «détaillants» au capital insignifiant ou marginal et exclus du système financier formel. Ces petits commerçants (boutiquiers, marchands ambulants, etc.) ne peuvent s’alimenter dans les (grands) magasins. Ils sont au point mort. Pas de moyens de survivre. Le secteur informel ne peut pas respirer.

Cependant, ce qui reste un mystère pour les observateurs qui réfléchissent sur la question, c’est le silence plat des producteurs dont les intrants sont venus essentiellement de Port-au-Prince, des grands commerçants et vendeurs du département qui font d’énormes pertes à tous les niveaux à longueur de journée depuis près de deux mois. Même pas une note de la chambre de commerce du Sud à travers son président Monsieur Antoine Borgat dont certains commerçants soupçonnent d’être très proche du régime en place, notamment du maire principal de la ville des Cayes, Monsieur Gabriel Fortuné. Le mutisme de la chambre sur ce problème par compromission avec le pouvoir en place ou par omission (acte de lâcheté). Soit on est l’ami du pouvoir ou on est le président de la chambre de commerce du Sud pour défendre ses intérêts ou ceux des consommateurs. Pas les deux à la fois. Une question de fond, pourquoi les commerçants du Sud ne se soulèvent-ils pas en bloc?

Mais, en dehors du silence peut-être complice du secteur privé du Sud, détenteur de capitaux et animé par l’esprit d’animaux des entrepreneurs, pourquoi les consommateurs (les populations marginalisées, les clients infortunés qui paient les frais de ce silence) ne se soulèvent-ils pas? Vous croyez encore au sauvetage individuel. Détrompez-vous.

Répercussions sur la santé

Le contexte de pandémie du Coronavirus dans lequel nous vivons focalise notre attention sur des questions de santé. Le secteur de la santé comme tous les autres à ses problèmes systémiques et structurels. Mais l’actualité, qui est cette violence physique de la rentrée Sud de la capitale, rappelle régulièrement à quel point ce problème social majeur pollue le système de santé et de soin payant et désuet de ce département. Une désuétude caractérisée, bien avant cette vague de violence, par sa dépendance presque totale de la république de Port-au-Prince, la précarité et l’inégalité, l’accès limité aux soins de qualité, l’insuffisance tant sur le plan géographique que financier avec des indicateurs de santé les moins bons de la Caraïbe, l’offre de soins essentiellement privée et les structures de santé publique qui sont dépourvues de moyens. Les défis étaient nombreux. Dans cette ligne d’idée, le Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement d’Haïti (PDNA) estimait globalement les besoins de reconstruction et de relèvement du secteur santé à 133 753 859 US$ après le cyclone Matthew survenu début octobre 2016 dans les départements du Sud et de la Grande Anse (Organisation mondiale de la Santé ; 2017). La plus grande infrastructure sanitaire publique du département, l’hôpital général, est sujette souvent à de fréquentes inondations et la qualité des soins ne répond presque pas aux besoins de la population faute de moyens (logistiques, humains et financiers). C’est ce système qui fait face à cette montée spectaculaire du Coronavirus dans ce département.

Mais, le COVID-19 fait moins de mal à la population du Sud que la libre circulation à Martissant. C’est l’asphyxie totale de manière lente du système sanitaire du département. Jusque-là aucun vaccin étatique n’est disponible pour cette violence physique. Le Droit à la vie est complètement menacé. C’est le cas du journaliste très connu Ronald Augustin qui a failli perdre sa vie parce qu’il n’avait pas les moyens terrestres pour se rendre à Port-au-Prince après avoir été grièvement blessé d’un feu inflammable d’une bonbonne à essence à son domicile. Sans la solidarité de la communauté pour une ambulance aérienne, il aurait été déjà mort soulignent des proches et certains membres de la population interviewés dans le cadre de l’article.

Les hôpitaux comme les pharmacies ne peuvent pas s’approvisionner en médicaments. Pas moyen de faire même le test de Coronavirus dans le Sud. Pour réaliser une dialyse ou un scanner, la seule opportunité est l’hôpital Bernard Mevs situé à Port-au-Prince. Presque tous les laboratoires du Sud ne font que de prise de sang et le transférer dans la capitale pour études et analyses. Les barrages routiers entravent également la capacité du personnel médical à se présenter au travail et affectent l'accès à des populations aux installations médicales du Sud très réputées comme l’hôpital Bonnefin, Sainte Boniface et autres. Les institutions fonctionnent au ralenti. Les médecins sont venus généralement de Port-au-Prince afin de servir les patients et retourner tout de suite après. Donc, des malades sont sans doute restés sans soin. Aucune clinique mobile, les zones reculées généralement grandes bénéficiaires, ne peut être opérationnelle par le personnel médical ou les ONG de la capitale. L’économie de la santé meurt tranquillement.

Répercussions sur la vie culturelle et sociale communautaire

Vu l'absence d'un programme global pour le secteur culturel, la culture en elle-même mérite l'appui de la société civile pour ne pas disparaitre. Certains extrémistes diraient même que la culture haïtienne est en fait en voie de disparition. Faisant face à la globalisation et à la montée des nouvelles technologies d’Information et de la communication (NTIC), une réappropriation et une redéfinition de la culture s’avèrent indispensables. Aujourd’hui, l’acculturation et la déculturation font débats.

Cependant, les activités dites culturelles existent et toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle et sociale de sa communauté comme facteur de cohésion sociale d'une société. La vie culturelle et sociale communautaire du Sud n’est pas épargnée par cette vague de violence. Les opérateurs culturels et sportifs sont dans la tourmente. Les capacités d'adaptation des agents culturels les plus structurés pour faire face à la réalité actuelle ne sont pas encore développées. Comme élément transversal contributif à la cohésion sociale dans le tissu ou la formation sociale du département, les activités culturelles sont au point mort.

La violence supprime le droit à l'épanouissement culturel, économique et social de cette population. Pas d'accès aux loisirs et l’épanouissement culturel parce que les groupes musicaux généralement basés à Port-au-Prince ne peuvent pas traverser. Les animateurs, les opérateurs culturels, les espaces culturels, les publicistes, les organisateurs de programmes, les artistes, les musiciens et l’ensemble des personnes bénéficiant directement ou indirectement de cette industrie sont au chômage et en déclin. Ils ne peuvent pas respirer.

Sa transversalité pourrait bien servir de palliatifs à certains problèmes sociaux et économiques parce que généralement cette période estivale est réservée aux grandes activités facilitant l’organisation des réseaux de relations : festivals, bals, les fêtes patronales (les champêtres), les championnats de football et bien d’autres activités sportives et les traditionnelles activités de vacances. Chacun est relié à tous les autres par un réseau complexe de relations sociales et économiques. Tout est terminé. Même les enfants ne peuvent pas se rendre en province afin de jouir de leur vacance. Pas de vacanciers pour les championnats de football communautaire traditionnel. Contrairement aux années antérieures, comme pour la Notre-Dame de Cavaillon, pas de Saint Louis Roi de France pour les Saint Louisien(ne)s. Pas de Saint-Anne pour les Campérinois(es) ; pas de fête Sainte Dominique pour les Portsalutain(e)s, pas de fête familiale et de tissage de lien social communautaire dans les « Lakou», Pas de Notre-Dame de l’Assomption et de « Fête Gelée » pour la Diaspora sauf par avion dont le coût est excessivement élevé pour ces personnes au revenu moyen à peine capable de payer leurs taxes dans le pays d’accueil, pas de valorisation des magnifiques plages du Sud , pas de tourisme local, pas de rentrée de devise pour le Sud. Les entrepreneurs sociaux sont considérablement en difficultés dans le Sud.

Répercussions sur la sécurité

Les gangs de Martissant s’entretuent et mettent en scène parfois des corps mutilés en plein jour ou encore publient des photos horribles sur les réseaux sociaux. Une sorte de banalisation de la vie. Selon l’UNICEF, en deux semaines, ces affrontements ont poussé environ 8 500 femmes et enfants à abandonner leur domicile pour se mettre à l’abri. (Communiqué de presse de l’UNICEF, 2021). Tandis que du côté du bureau de l'ONU, le chargé de la coordination humanitaire (UNOCHA) signale que la violence et des actes criminels dans la capitale haïtienne ont provoqué le déplacement de plus de 13 900 personnes avec environ 5 695 femmes et 5 984 enfants. Cependant, il n’y a pas que la violence physique des gangs. Il y a également celles exercées par les autorités établies. C’est le cas de Patrick Benoit, habitant de Pétion-Ville, âgé de 64 ans qui a été battu puis transféré en prison pour son terrain pris de manière mano militari (Le nouvelliste, 2020). Donc, la violence est en tout et partout.

Les affrontements entre gangs armés rivaux amènent une insécurité dans les zones rurales du sud avec effets immédiats ou directs sur la vie et la sécurité des biens de ces populations. Certains membres traqués à Port-au-Prince se sont délocalisés ou déplacés et installés dans le Sud. Les populations subissent les menaces et exactions de ces gangs. Ajouté à cela, l’effet psychologique de leur présence de leur présence, parce qu’elles ne sont pas habituées avec ces fusils automatiques et d’autres matériels de combats de ces fauteurs de trouble. C’est le cas où cinq présumés membres du gang de Lièvre ont été tués par la police en 2020. Ils étaient de Grand-Ravine. Yoco Lortéus du journal Le Nouvelliste précise que «Plusieurs d'entre ces individus, qui provenaient de Grand-Ravine, sont tombés lors de l'opération d'avant-hier. Nous avons été informés qu'un groupe d'individus tentait de prendre la fuite. La police les a encerclés en vue de procéder à leur arrestation. Ils ont fini par succomber au cours d'échanges de tirs ». Ils commençaient à effectuer de véritables exactions comme vol de motocyclettes dans les communautés reculées de Cavaillon, comme c’est le cas dans une communauté proche de la zone de Lièvre. D’autres sont encore en cavale dans la quatrième section communale de Cavaillon selon plusieurs témoignages et peut-être dans d’autres Collectivités territoriales du département. Donc, il existe en quelque sorte une insécurité qui est tributaire de cette violence physique, mais peu développée dans le Sud jusqu’à présent par rapport à certains efforts des autorités policières départementales.

Quoi faire ?

Pourquoi la population du Sud, tous les secteurs confondus, ne se soulève pas en bloc afin de défendre leur droit de vivre ? En Haïti, dénoncer son agresseur, c’est malheureusement encore, pour beaucoup de victimes, prendre le risque de s’exposer au regard du public. On est de nombreuses victimes qui souffrent en silence. L’heure est grave. Entrepreneurs, les gens dits de bien (classe moyenne conformiste) et les masses paysannes, le salut personnel ne vous emmènera nulle part dans cette situation. Cessez d’avoir ce comportement cynique et trompeur. Cessez de demander de l’aide à Dieu pour vous et pour votre famille, non pas pour toute la collectivité. Entrepreneur, Dieu ne va pas vous bénir et châtier les nécessiteux. Vous êtes tous dans le même bateau. Pas de sauvetage individuel face à ce phénomène de violence à Martissant. Aujourd’hui, la population du Sud, vous êtes en train de mourir tous si vous insistez à garder le silence quelle que soit votre appartenance idéologique, culturelle, économique, sociale ou politique. Le refus systématique de dire votre mot dans cette situation suicidaire est un prétexte. L’ex-président Jovenel Moïse est parti, mais la réalité reste telle qu’elle. Rien n’a changé. Les mêmes acteurs sont encore là. Seule la vigilance citoyenne est capable de tout basculer.

N’ayez surtout pas des préjugés contre la population civile de Martissant et de Fontamara entassée comme des sardines dans des camps de déplacés oubliés et méprisés par l’État et exploités par des ONG qui justifient de gros budgets. Ce sont aussi des victimes et même les bandits. Vous avez tous un ennemi commun : l’État irresponsable. Indignez-vous! Prenez ensemble votre engagement collectif et solidaire de demander à l’Etat de prendre ses responsabilités. Exigez la libre circulation à Martissant. C’est un droit garanti par la Constitution. La réponse doit être concertée et collective. Il ne peut pas y avoir d’abnégation. Exigez une politique de sécurité publique qui devrait, entre autres, tenir compte de l’aménagement du territoire. IL FAUT QUE QUELQUE CHOSE CHANGE D’ABORD À MARTISSANT ET ENSUITE, DANS TOUT LE PAYS. Le Sud meurt non par faute de connaissance, mais faute de solidarité Sudiste face à l’inacceptable. Tuez la peur sinon la peur vous tuera. Forgez l’avenir à travers un engagement collectif sinon l’asphyxie collective arrivera silencieusement et lentement mais surement.

Références Bibliographiques
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Lortéus, Y. (2020). « Fond-des-Nègres: 5 présumés membres du gang de Lièvre tués par la police». https://www.lenouvelliste.com/article/222279/fond-des-negres-5-presumes-membres-du-gang-de-lievre-tues-par-la-police. Consulté le 21 juillet 2021
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MINUJUSTH. (2019). La Saline : justice pour les victimes. L’État a l’obligation de protéger tous les citoyens.
La MINUJUSTH et le HCDH publient leur rapport sur les violences des 13 et 14 novembre à La Saline | MINUJUSTH (unmissions.org). Consulté le 20 Juillet 2021

Noël, W. (2019). «Le commerce juteux de munitions dans le pays est géré par 11 personnes», révèle Jean Rebel Dorcenat, membre de la CNDDR. https://www.lenouvelliste.com/article/205723/le-commerce-juteux-de-munitions-dans-le-pays-est-gere-par-11-personnes-revele-jean-rebel-dorcenat-membre-de-la-cnddr. Consulté le 21 juillet 2021

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Rubson BRUMAIRE
Licenciée en économie – Master en Développement (UEH)

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