Monsieur le ministre
Au nom de la constitution du 29 mars 1987 qui donne le droit à tout citoyen de s'exprimer sur les questions d'intérêt public, je vous exprime mes égards pour le rôle que vous acceptez de jouer pour orienter le système éducatif haïtien dans un contexte difficile. Par cet engagement, vous vous exposez à des risques de blâme pour des fautes de gouvernances qui sont l'héritage que vos prédécesseurs vous ont laissé. Cependant, en initiant une rupture avec la tradition en abordant les problèmes éducatifs haïtiens, vous pouvez mettre les bases de la réforme urgente et necessaire du système éducatif.
Mais, le but de ma correspondance est beaucoup plus précis que de vous informer d'une réforme globale du système éducatif, incluant les services d'inspectorat, la correction et l'uniformisation des programmes académiques et leur application à l'échelle nationale, la formation, la carrière et l'identification de enseignants du système, la modernisation de l'organisation des examens sommatifs, et la professionnalisation du personnel des directions des services du ministère de l'éducation nationale et de la formation professionnelle, et dont vous êtes très conscient de l'urgence et de la nécessité.
En effet, mes inquiétudes sont précisément en rapport avec l'enseignement de la grammaire de la langue créole, l'organisation des évaluations et la correction de cette matière. Après avoir enseigné la grammaire de la langue créole pendant 7 années en fondamental et au secondaire, et participer au cours de trois années aux corrections des examens de cette matière, je suis déconcerté par le constat déplorable du manque de systématisation de la grammaire, du manque de rigueur dans la formulation des textes d'examens, et de la compétence douteuse de certains correcteurs qui n'ont jamais montré le même sentiment d'indignation que moi au constat de toutes ces lacunes de la grammaire de la langue et des textes d'évaluation.
La création d'une académie de la langue créole devait contribuer à donner aux enseignants et aux apprenants de la langue maternelle des outils didactiques pour l'acquisition des compétences linguistiques adéquates sur leur langue vernaculaire, dont ils sont performants depuis le sein maternel. Mais, il ne suffit pas de créer une académie de langue créole et donner des postes honorifiques ou rémunérateurs à des académiciens. Encore, faut-il pourvoir cette institution d'un budget suffisant, des scientifiques d'horizons disciplinaires différents (linguistes, philosophes, historiens, sociologues, anthropologues, littéraires) devant encadrer et orienter les travaux des académiciens , et de tous les matériels logistiques pour réussir dans les missions que celle-ci se donne.
Monsieur le ministre, je voudrais vous rappeler que les livres didactiques qui sont disponibles dans les librairies pour enseigner de la grammaire créole ont précédé la création de l'académie de la langue créole, et donc les travaux de réformes systématiques que cette institution a entrepris pendant les années de son existence. Aussi, les lacunes dont certains livres d'enseignement de la grammaire créole s'accusent n'ont pas été corrigées ou éliminées des activités d'apprentissage. Et nombreux professeurs ne sont pas unanimes sur les notions et les règles théoriques qui en découlent qu'il faut enseigner dans les salles de classe. Parfois, pour certaines notions enseignées, il n'existe pas de règles qui répondent au critère de la rigueur qu'impose la philosophie de la science. Certaines ambiguïtés (Question numéro 1, 11, 12, 13) du texte d'examen de créole de l'année 2024 peuvent illustrer cette critique salutaire pour la réforme de la grammaire de la langue créole. En outre, à certaines notions que l'on enseigne, ne correspond aucune définition scientifique standard : Invariabilité des mots du lexique créole, définition de la phase simple et de la phrase complexe, Différence entre homonymie, polysemie, règle sur le changement de la classe grammaticale des mots, règle sur la syntaxe, Différence entre classe grammaticale et fonction grammaticale des mots, Etc. Je ne saurais exposer tous les problèmes de la grammaire dans une lettre monsieur le ministre.
Par ailleurs, un autre problème lié à l'enseignement de la langue concerne la lecture comme activité d'apprentissage qui permet à l'élève de découvrir la richesse de la morphosyntaxe de sa langue maternelle, et la différence entre langue parlée et langue écrite (Différence qu'expriment les registres qui permettent de voir les fautes, la richesses de la langue). En effet, pour renforcer la lecture des textes que peuvent contenir certains ouvrages de grammaire créole, il n'y a pas un répertoire d'ouvrages littéraires, scientifiques, et philosophiques disponibles. Cela s'explique par la raison que la science, la littérature, la philosophie, et toutes les matières disciplinaires se font dans une langue qui n'est pas le créole. On ne compte pas une centaine de romans, de Théâtres, d'ouvrages d'histoire, de biologie, de civisme, de morale en créole. Donc, la lecture que l'élève doit assimiler se fait à partir uniquement des textes partiels que l'on trouve dans les grammaires en usage dans les salles de classe.
Monsieur le ministre, par suite de ce constat de toutes ces lacunes de la grammaire que l'on enseigne à nos élèves, ce qui ne contribue point a leur donner aucune compétence scientifique rigoureuse sur les mécanismes de fonctionnement de leur langue maternelle, la grammaire des mots, de la phrase, et du texte, dont nombreuses règles explicatives dérivent illogiquement et déraisonnablement des références de la grammaire francaise, il faudrait convoquer des états generaux avec les académiciens pour diagnostiquer le problème et envisager les solutions qui doivent s'inscrire dans un cadre légal à cours et a long terme. En tenant compte des moyens financiers, techniques, et administratifs de ces décisions de réformer la grammaire de la langue maternelle et nationale des Haïtiens , consacrée à la fois comme matière à enseigner et langue d'enseignement.
En espérant que vous aurez les considérations de l'homme d'état pour les opinions critiques d'un citoyen, veuillez agréer monsieur le ministre mes salutations distinguées
Pour toute authentification de cette lettre, je sous-signé citoyen CHERISCLER EVENS, identifié au numéro d'identitification nationale 1114231435