Des chefs d'État pour servir l'État

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Tous les hommes et les femmes politiques ne deviennent pas des chefs d'État. Bien qu'ils puissent accéder au poste de ministre, de diplomate, de législateur, de maire, ou de président. Cependant, on ne les compte pas parmi les gouvernants qui tracent les voient que doivent suivre leurs successeurs. Qui ne voudrait pas imiter un Toussaint Louverture, un Jean Jacques Dessalines, un Dumarsais Estimé ? 

Un chef d'État est un gouvernant de la cité qui se met au service de la volonté populaire et souveraine, incarnée dans ce que Thomas Hobbes a appelé Léviathan. Celle-ci se sent toujours engagée dans les décisions que celui-ci s'autorise à prendre, aux heures de péril et d'incertitudes. Non motivé par ses intérêts personnels, son désintéressement et son esprit de sacrifice doivent contribuer toujours au salut public. Il revient d'une manière épique  à la mémoire nationale de le récompenser par l'honneur et l'admiration qui sont les récompenses symboliques de la politique. C'est pourquoi on le compare toujours au Grec et au Romain qui n'échangent guère le sentiment du devoir et de l'honneur contre le sentiment du luxe, dont Voltaire disait être le sentiment de tout être humain.

Les assassinats présidentiels de l'histoire d'Haïti confirment que la concorde et l'union nationale ont toujours été un défi pour les gouvernants politiques. Et ces faits tragiques de la gouvernance politique occasionnent toujours des transitions qui ont valu des pertes en vies humaines et en ressources financières qui auraient pu être profitables à toute la nation. Mais, il a toujours manqué aux gouvernants haïtiens l'âme et l'action du chef d'État pour insuffler aux citoyens l'esprit de coopération et de participation à l'élaboration d'une oeuvre nationale. Et cela s'explique par la crainte que Emmanuel  Kant évoque sur les vices et les passions qui sont communs aux gouvernants et aux gouvernés: la tendance à vouloir d'abuser du pouvoir pour satisfaire des intérêts contraires à ceux de la nation. Une autre explication se trouve dans l'absence ou le manque de vision que ne traduisent pas les décisions et les actions des hommes et des femmes de nos transitions politiques.

On pouvait s'imaginer que la réduction des postes de ministres se révélerait comme une décision de rationnement des dépenses publiques qui pourraient être canalisées dans les politiques publiques satisfaisantes. Car, la réduction des frais et des salaires excédentaires du budget de fonctionnement de l'État contribue à l'émargement des recettes que ne garantiraient pas les taxes et les impôts. On pouvait s'attendre à voir le rétablissement de l'autorité étatique dans les quartiers occupés par les groupes armés illégaux. Des décrets sur l'état d'urgence sécuritaire devareint être au nombre des actions qui montrent les compétences de l'état en sécurité publique et nationale. Mais, les effets de cette décision ne sont pas encore visibles dans les politiques sociales et les politiques publiques garantissant les droits de circulation des citoyens. Faut-il donner du temps à l'État ?

On pouvait aussi s'attendre au rétablissement de la confiance publique par l'intégrité et l'abnégation des nouveaux gouvernants de cette transition. Mais, les scandales ou les rumeurs de corruption qui éclaboussent certaines personnalités du pouvoir de transition ne font que nous rappeler les vieilles traditions de la mauvaise gouvernance, de l'opposition assoiffée de pouvoir et de gains financiers qui ont contribué à l'assassinat présidentiel qui entache l'histoire nationale depuis le 17 octobre 1806 de l'infamie, de l'incivisme, de l'immoralité, de la cruauté politique.

On ne sombrera pas dans un fatalisme et un pessimisme pour croire que nous sommes incapables d'entamer une transition politique avec des chefs d'État qui se mettent au service de la volonté populaire et souveraine. Mais, on ne cessera pas d'exiger des comptes de ceux et celles qui dirigent au nom de notre souveraineté et qui sont soupçonnés ou accusés d'actes illégitimes et immoraux. Il s'agit d'une exigence de transparence et de la responsabilité en régime de démocratie. Ce qui se pose comme une négation et une désapprobation de toute délinquance politique qui consiste à violer impunément les lois et la constitution.

Les transitions politiques haïtiennes depuis la mort de Dessalines posent toujours le défi du choix de nos dirigeants crédibles et compétents en matière de la gouvernance démocratique en régime républicain. Un défi qui s'origine dans un kantisme moral et politique.Et à cette problématique kantienne sur le choix de celui et de celle qui doivent diriger sans sombrer dans les dérives de la passion et des vices, nous proposerons toujours la solution de la loi qui sanctionne et pénalise les gouvernants coupables d'infractions et de crimes politiques. Si nous ne pouvons pas trouver des chefs d'État assez vertueux (par amour de la vertu) pour servir la nation et tracer les voies que celle-ci doit suivre pour rester dans la concorde et le bien-être collectif, nous exigerons de nos gouvernants qu'ils soient des représentants de la souveraineté populaire qui demeurent dans la continence des vices et des passions (au moins par crainte des peines morales et juridiques) qui sont néfastes pour le salut public.

En effet, aux chefs d'État vertueux, la mémoire offrira toujours des palmes de l'honneur et de l'admiration qui inspirent les générations à imiter leurs actions. Et aux gouvernants continents dans leurs vices et leurs passions, on se souviendra qu'ils n'ont jamais été l'objet de scandales moraux et infâmes pour salir leur propre réputation et celle de la nation. Ce qui contribuera à les confondre aux premiers qui ont toujours demeuré dans la passion des vertus politiques et de l'amour du bien public. Aussi, pour une transition politique salutaire faut-il des chefs d'État au service de l'État et de la volonté populaire. Car, il n'est pas trop tard pour donner la preuve, même en politique, que l'être humain est perfectible...

 

CHERISCLER EVENS

Sociologue, journaliste et enseignant

Pour des chefs d'État au service de l'État et la volonté populaire !

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