Le rappel d’un ambassadeur est un acte diplomatique important et symbolique, souvent perçu comme une mesure de protestation ou de désapprobation grave. C’est généralement une réponse à un acte jugé inacceptable par le pays rappelant. Cela peut concerner des désaccords politiques, des violations des droits de l'homme, des incidents diplomatiques ou des conflits d’intérêts stratégiques.
L’ancienne colonie française, l’Algérie, a rappelé son ambassadeur en France avec fracas dans un communiqué laconique, Alger fait savoir que « la représentation diplomatique algérienne en France est désormais du ressort d'un chargé d'affaires ». Un chargé d’affaires qui, dit-on, a le titre de premier secrétaire.
Mais la charge contre Paris est à la mesure de l’amertume d’Alger qui dit qu’il s’agit « d’un pas qu'aucun autre gouvernement français n’avait franchi avant lui ».
Est-ce pour protester de la décision du président Macron de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental ? Cela va sans dire car c’est un dossier connu depuis longtemps et qui fait constamment l’objet de vives discussions entre l’Algérie et la France aux Nations unies. Les deux pays africains s’étripent sur les estrades internationales depuis des décennies à ce sujet.
Un conflit qui, tel un boomerang, revient frapper le visage de la communauté internationale, restée jusqu’ici passive face à l’urgence de trouver une résolution à cette crise dont la longévité bat tous les records.
Rappeler un ambassadeur pour consultation est une façon plus diplomatique de marquer son mécontentement tout en laissant la porte ouverte à une résolution rapide du conflit. Cependant, le rappel sans mention de consultation est souvent une expression plus forte de désapprobation indiquant une détérioration des relations bilatérales. C’est ce que vient de faire l’Algérie.
Ce n’est pas la première fois que ce dossier diplomatique empoisonne les relations entre les deux pays car l’Algérie héberge et finance le Front Polisario qui lutte pour l’indépendance de cette partie du territoire enclavée entre les deux pays : le Sahara occidental. Ce territoire est revendiqué par le Maroc mais aussi par le Front Polisario, soutenu par l’Algérie. Ce conflit est en effet l'un des plus anciens de l'histoire contemporaine, datant de la décolonisation espagnole dans les années 1960. Il a conduit périodiquement à des affrontements militaires entre le Maroc et le Front Polisario pendant la guerre froide, ainsi qu'à des tensions diplomatiques continues entre les deux pays. Le Maroc contrôle actuellement la majorité du territoire, mais la question reste non résolue et constitue une source persistante de friction dans la région.
La France joue carte blanche
Historiquement, la France a maintenu une position ambivalente concernant le conflit du Sahara occidental, adoptant souvent une posture de neutralité officielle tout en ayant des relations étroites avec le Maroc. Cette reconnaissance explicite de la souveraineté marocaine s’inscrit dans une dynamique plus large où plusieurs pays, notamment les États-Unis sous l’administration Trump, ont également reconnu cette souveraineté en 2020.
La reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental marque un tournant significatif dans les relations entre la France, l’Algérie et le Maroc. L’Élysée, sous la direction d'Emmanuel Macron, n'a pas adopté une approche nuancée en matière de diplomatie. Les déclarations sont faites de manière directe et parfois avec une brutalité qui surprend les diplomates du Quai d'Orsay, habitués à davantage de finesse dans le langage diplomatique. « Le plan marocain constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies », fait savoir la France.
Finies les ambiguïtés diplomatiques où la France faisait semblant de soutenir un plan de paix afin de concilier les deux rivaux africains.
La France vient de sortir de cette situation par le haut, mais Paris doit s’attendre à des représailles de la part de l’Algérie dans tous les domaines. En effet, l'Algérie suit une ligne diplomatique constante, affirmant que l'autodétermination des peuples est un droit sacré et apportant un soutien systématique en ce sens. L’ironie veut que cette conception de l’autodétermination des peuples trouve ses origines dans la révolution haïtienne de 1804, qui a posé les bases de cette idée de liberté et d'autonomie des nations.
Cette décision pourrait raviver les tensions historiques entre la France et l’Algérie. Les relations entre ces deux pays sont souvent marquées par les souvenirs de la colonisation et des guerres d'indépendance, ainsi que par des désaccords politiques contemporains. La reconnaissance de la souveraineté marocaine par la France pourrait être perçue par l'Algérie comme une trahison de ses intérêts et un soutien à son rival régional.
En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, la France a une influence importante sur la scène internationale. Son soutien à la souveraineté marocaine pourrait inciter d'autres pays à faire de même, renforçant ainsi la position du Maroc sur la scène diplomatique, mais au prix d'une exacerbation des tensions avec l'Algérie et même d'une polarisation accrue du conflit. Cette reconnaissance pourrait aussi compliquer les efforts de médiation pour trouver une solution pacifique et acceptée par tous au conflit du Sahara Occidental. Bien que le plan d'autonomie proposé par le Maroc soit soutenu par plusieurs pays, il est rejeté par le Front Polisario et l'Algérie, qui préfèrent un référendum d'autodétermination pour le peuple sahraoui.
La décision de la France représente une évolution majeure dans un conflit qui dure depuis plus de cinquante ans. Elle s'inscrit dans une dynamique de real politic où les intérêts stratégiques et économiques priment souvent sur les principes de droit international et d'autodétermination. Il reste à voir comment les autres acteurs internationaux réagiront et quelles seront les répercussions à long terme pour la stabilité de la région.
La reconnaissance récente de la souveraineté marocaine par certains pays, dont Haïti a intensifié ces tensions, notamment avec l'Algérie, qui soutient fermement le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui.
Spectaculaire revirement de la diplomatie haïtienne
Soutenir l'autodétermination des peuples est un principe fondamental non seulement de la République d'Haïti, mais aussi de sa diplomatie. Pendant longtemps, notre diplomatie a défendu ce principe avec une détermination inébranlable. Toutefois, le changement récent de position d'Haïti concernant le Sahara occidental a surpris de nombreux observateurs et suscité des critiques virulentes.
Le revirement diplomatique d'Haïti sur la question du Sahara occidental a surpris de nombreux observateurs et a suscité des critiques intenses. Sous la direction de Claude Joseph, alors ministre des Affaires étrangères, Haïti a décidé de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, allant jusqu'à ouvrir une ambassade et un consulat dans le territoire.
Pour beaucoup de Haïtiens, ce changement brusque semble motivé par des intérêts financiers et économiques plutôt que par des considérations idéologiques ou morales. Certains considèrent cela comme une tentative de vendre les intérêts nationaux pour obtenir des bénéfices matériels immédiats. L'Algérie, traditionnellement un allié d'Haïti, est particulièrement déçue par ce revirement, le considérant comme une trahison des valeurs communes.
Ce cas met en lumière les tensions entre idéologie et pragmatisme dans la diplomatie internationale, où les décisions peuvent parfois être dictées par des opportunités économiques plutôt que par des principes constants. Sous la présidence de Jovenel Moise, la diplomatie haïtienne a été confiée à des individus dont les positions étaient systématiquement alignées avec celles des États-Unis, souvent avec un manque de dignité et de discernement qui suscitait des interrogations sur leurs limites.
En ce qui concerne le soutien à l'indépendance du Sahara occidental, il provient principalement de certains pays africains et latino-américains, ainsi que de mouvements et d'organisations internationales, au-delà de l'Algérie.
L'Algérie, visant à renforcer son rôle de puissance régionale en Afrique du Nord et dans la zone sahélienne, soutient le Front Polisario depuis le début du conflit au Sahara occidental. La chute de Kadhafi en Libye a redistribué les équilibres de pouvoir dans la région, consolidant le rôle de l'Algérie comme principal soutien du Front. Cette politique est conçue pour contrer l'influence marocaine dans la région. Bien que de plus en plus de pays reconnaissent la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, un groupe de pays et d'organisations persiste à soutenir l'indépendance de ce territoire, motivé par le respect du droit international, des liens de solidarité historique, et des rivalités géopolitiques.
L'État algérien est habitué à critiquer ceux qui défendent la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Par exemple, Haïti, malgré son manque de cohérence diplomatique, fut le premier à offrir une reconnaissance diplomatique officielle au Maroc. Toutefois, cela n'a apporté aucun bénéfice tangible à Haïti, qui semble ainsi servir les intérêts d'autres pays.
Depuis le début de cette semaine, les chancelleries africaines sont ébullition, la République arabe sahraouie démocratique (RASD) étant membre de l’union africaine. Cette prise de position française a des répercussions profondes, tant sur le plan régional qu’international, car l’Algérie a des alliés qui partagent ses points de vue sur le Sahara occidental, notamment en Afrique.
Maguet delva
Paris, France
Votes (Afrique)
1. L’Afrique du Sud, un des soutiens les plus vocaux et constants au Front Polisario, prônant le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui.
2. Le Nigeria : soutient également la cause sahraouie et a des relations diplomatiques avec la République arabe sahraouie démocratique (RASD).
3. La Namibie, un autre allié africain important, ayant aussi des relations diplomatiques avec la RASD.
4. Le Mozambique Soutient activement le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui.
Votes (Amérique et Caraibe)
1. Cuba a des relations historiques avec le Front Polisario et soutient activement l'indépendance du Sahara occidental.
2. Le Venezuela soutient la RASD et critique la position marocaine.
3. Le Mexique a exprimé son soutien au droit à l'autodétermination du peuple sahraoui.
Divers mouvements et organisations de solidarité en Europe et dans le monde soutiennent la cause sahraouie, notamment en Espagne et en France. Des organisations non gouvernementales et des groupes de défense des droits de l'homme plaident également pour l'autodétermination du peuple sahraoui.