Machinerie de la politicaillerie haïtienne à l’épreuve de l’assassinat de l’ex-président Jovenel Moise

La politique a ses lettres de noblesse en matière de construction de bien-être individuel et collectif, de prospérité économique, de perfectionnement des institutions et d’espérances citoyennes (sociétales) légitimes sous l’impulsion des stratégies du développement durable. Elle a aussi ses revers redoutables, du point de vue des déchirements sociétaux profonds et désastreux, de luttes politiques internes assassines souvent stériles. Ces effets dévastateurs impactent insidieusement le dysfonctionnement des institutions, l’extension de la corruption, l’impunité judiciarisée, l’escalade de la pauvreté extrême et du sous- développement irréversible.

Propulsée et pilotée par ignorance managériale étatique, l’immaturité de la jeunesse politique, la démagogie, (l’hypocrisie), l’opacité réformatrice trompeuse, la recherche absolue de ses conforts politiques et économiques de soi et de ses pairs, la politique ainsi guidée ne peut conduire qu’à la tragédie sociétale et intergénérationnelle! Une évidence, dès lors qu’elle s’exerce au mépris des principes de la bonne gouvernance agissante et de la poursuite stratégique des réformes ambitieuses que guide l’intérêt suprême de la nation.

En effet, déductivement, la culture sociale limpide ou voilée manifestement différente d’une société à l’autre, nécessite commodément d’être soumise à un ordre de politisation stratégique et intelligente. Accouplées à la matière grise sociale du faire de la politique, la mise à contribution stratégique de l’intelligence sociale, l’exigence du culte des résultats de la bureaucratie administrative, l’interconnexion performante des logiques économico-politiques de la croissance influencent positivement ou autrement les instruments guidant l’implémentation des politiques publiques efficientes et efficaces. Ceux-ci peuvent servir de perspectives de sauvetages ou de naufrages souvent irréparables selon qu’ils sont influencés par la politique au rabais ou de l’a-politique.

Il faut convenir que les forces sociétales réfractaires, régionales ou vents contraires de tout horizon, loin d’être considérés comme impensables, négligeables, inventés ou parachutés de nulle part, font systématiquement partie de la matrice dialectique sociale, de la complexité des phénomènes sociétaux humains. Elles doivent être abordées avec efficience politique, compétence aiguisée, anticipation clairvoyante. Il en va de même du sens du recul, du leadership démocratique tolérant, proactif, utilisation à bon escient des compétences visionnaires perspicaces et stratégiques.

Autant dire la politique réformatrice garante de résultats, inspirante ou modélisante, ne saurait naître du hasard, ni de l’impréparation ou de la cécité intellectuelle et expérientielle. Elle est le fruit d’un exercice de conceptualisation, d’implémentation des infrastructures démocratiques institutionnelles faisant contrepoids aux dérives sociétales nuisibles et stériles relativement au développement prometteur. Ainsi cet ordre politique constructeur de transformations sociales profondes, affronte méthodiquement et efficacement des poches de résistance au changement porteur de réformes pertinentes; promeut des mécanismes de désintoxication des parasites sociétaux multiformes à la limite incurables du sous-développement durable systémique! Faudra-t-il déduire que le choix électoral de Jovenel Moise a été un cadeau empoisonné pour Jovenel lui-même et l’avenir de la République (d’Haïti)? Jovenel devient-il par la force des choses, de manière inconsciente ou par naïveté, l’assassin de Moise? Néanmoins, au-delà de la condamnation inconditionnelle de cet assassinat odieux et de la nécessité que justice soit rendue, y aurait-il lieu de transformer ce contexte sociopolitique macabre en opportunités politiques constructives et novatrices? Indéniablement rien ne saurait dissiper pour l’heure la laideur de l’éthique des responsabilités des responsables étatiques haïtiens. C’est difficile d’expliquer à la face du monde qu’un président soit assassiné à son domicile sans qu’il y ait aucune réplique de ses gardes rapprochés! Aucun blessé dans le camp des assaillants. Aucun haut gradé n’est en mesure d’apporter des explications transparentes sur ce qui s’est passé inspirant cohérence et persuasion!

Au regard de la logique profonde du bon sens des choses, on ne saurait s’interrompre aussi rapidement de s’interroger à mi-chemin d’un tel contexte perplexe! L’ex-président Jovenel Moise, sans aucune idée de condescendance, n’en déplaise à ceux qui peuvent penser le contraire, a-t-il à été à la hauteur de la mission présidentielle dans un pays tiraillé par un enjeu politique et géopolitique d’une grande perplexité ? À t-il maîtrisé avec succès le paradoxe entre vouloir entreprendre, conduire le changement et vivre le changement? À t-il pu combiner dans des contextes sociopolitiques complexes, le hiatus entre philosophie du changement, efficacité méthodologique implementative et l’intelligence managériale persuasive (du changement)? Contextualisation sociale, temporelle et géopolitique des réformes? Si toutefois, réformes, véritablement, il y en avait en profondeur ou sens fort et juste du mot! À tout ceci s’ajoute le comment dissiper la perception démagogique ou floue du changement et promouvoir de manière transparente sa conduite autonome rassurante et ses impacts sociétaux pertinents.

Par ailleurs, on ne devra nullement occulter le fait que le management avec intelligence géopolitique contextualisée, pragmatique des interrelations diplomatiques culturelles et des enjeux transnationaux économiques de haute portée, peut conduire vers des impasses ou des opportunités sociétales et des plus values régionales signifiantes et méfiantes. Ce choix tout de même difficile, a-t-il été envisagé et mis à l’épreuve selon la logique du bon ordre des choses? Quelle conclusion géopolitique et diplomatique faudra-t-il tirer de la gouvernance de l’ex-président Jovenel Moise jusqu’à son assassinat? À t-il bien compris le jeu et l’enjeu diplomatique de la mondialisation, de la diplomatie géoculturelle et de l’exploitation de ses impacts sur le développement national et régional? Au niveau local et national, quelle leçon faudra-t-Il tirer de son management relationnel corporatif politique de proximité, de ses pairs collaboratifs sociopolitiques immédiats et élargis?

À n’en pas douter! Aujourd’hui, à l’aune de la gouvernance politique d’intelligence réformatrice! Et de l’appareillage de la politique des résultats, si tout n’est pas dans l’intelligence du réalisme collaboratif, stratégique, rassembleur, actionnel, persuasif, visionnaire, au sens noble et fort du terme, et le leadership collectif gagnant, rien de systématiquement prometteur, de durable ne se mesure et ni ne filtre surtout à travers les maillons de la pertinence politique constructive et de l’inventivité sociétale. Cet appareillage, minutieusement travaillé, priorise la vigueur entraînante de la pédagogie de la confiance par rapport à la faiblesse du mensonge, de la trahison; le respect du consensus sur l’extrémisme du refus de dialoguer, la promotion de l’altérité existentielle consensuelle, productrice de résultats, à la place de la méfiance, de l’autodestruction et la stérilité politicienne et sociétale. Si l’on s’en tient exclusivement au bilan du président Jovenel Moise, c’est quasiment négatif! Loin s’en faut qu’il en soit le seul responsable! À part quelques petites initiatives peu signifiantes! C’est un véritable fiasco managérial étatique! Ne faudrait-il pas zoomer et soupeser les méthodes et les stratégies du président Jovenel Moise? Étaient-elles vraiment justes et méthodiquement appropriées, transparentes, pertinentes?

Indéniablement, personne ne saurait remettre en cause certains projets et idées de projets importants convoités tels que, la reconnexion du pays à l’électricité 24/24, la relance de l’économie via la Caravane changement. Si l’on s’arrête sur seulement ces pistes, il y a beaucoup de choses à redire sur les incohérences méthodologiques et les zones d’ombres en matière de transparence et de pertinence. En ce qui concerne la Caravane du changement, c’est raté. Les dégâts économiques sont énormes et les résultats ne sont pas au rendez-vous. Le même raisonnement est aussi valable pour le courant électrique. Le président a eu indiscutablement raison de vouloir s’attaquer à la question de l’électricité si sa volonté réelle était de réguler les défaillances en termes de pertes d’argent public et de l’inefficacité de la fourniture des services à la clientèle. D’autant que c’est un problème réel et récurrent. Mais depuis la rupture des contrats, beaucoup d’interrogations demeurent sur les fonds investis et les résultats probants, sans remettre en question certaines zones aujourd’hui éclairées comparativement au passé. Ne faudra-t-il pas questionner la qualité des services fournis et la viabilité du projet à long terme ? Qui sont les nouveaux fournisseurs de service? Pourquoi, sans la défendre de manière subjective, ni être l’ami de son propriétaire, que la Sogener a été seulement la cible d’une médiatisation publique des interventions étatiques régulatrices? Comment ont été utilisés les fonds récupérés à cette fin? Le problème de l’électricité ne saurait être résolu sans une perspective micro et macro de développement. Cela doit être abordé par des acteurs étatiques responsables, visionnaires, sans démagogie, avec une approche de justice sociale et une vision du développement intégré. Le barrage Marion est une excellente initiative! À t-il été conçu dans une perspective de développement agricole prometteur? Combien a- t-il coûte à la nation? Sans minimiser un tel projet, il faut reconnaître que les idées de développement ne sont pas solitaires, encore moins dans un monde de plus en plus interdépendant. Sans pensées, ni compétences, ni leadership gagnant et confiance interactorielle, il n’ y aura que des projets de sous développement; que de la pauvreté chronique. Le problème fondamental ne se pose pas surtout au niveau des fonds, mais concerne surtout la vision et la manière à partir desquelles ceux-ci sont utilisés. Ces projets importants pour la nation doivent reprendre, mais avec une autre pédagogie et une vision renouvelée par rapport au développement durable et des transparences informationnelles éclairantes pour la nation.

C’est à ce carrefour mitigé, attristant, hautement apprenant qu’il faut circonscrire les raisons interprétatives de l’échec social, politique, et l’assassinat du président Jovenel Moise. Les leçons sociopolitiques à en tirer par rapport à notre ADN du faire la politique du sous- développement sont multiples. Elles mettent à nu notre légèreté, notre infantilisation au regard de la conduite de l’action politique prometteuse. Elles pointent du doigt notre naïveté et notre désintérêt en ce qui concerne, la promotion et le bon usage des ressources humaines, notre incapacité à combler notre déficit grandissant en matière d’intelligence politique et sociale capable de transcender les conflits inutiles et dévastateurs et les petits calculs intéressés à courte mise. Plus que jamais, les sacrifices citoyens de tout ordre doivent être consentis afin de faire de la politique un bien commun qui nous aide à lutter contre la destruction éthique de soi et de nous-mêmes dans l’orbite des humanités respectables et responsables. Elles nous invitent à privilégier la compétition concurrentielle, confrontative au lieu de celle dite fratricide, mortelle, d’extinction ou d’élimination interfraternelle.

En effet, nombreux sont les acteurs haïtiens et étrangers connectés à la politique active, et collègues ministériels tendant à faire miroiter dans cet acte lâche de toute façon condamnable, une aubaine événementielle de revanche. Ils pensent au scandale politique et non fondé des kits scolaires qui m’ont valu injustement, de manière criminelle, des années de souffrance morale, sociale, professionnelle, familiale douloureuses. De toutes les façons la politique de la démagogie destructive des valeurs non facilement convertibles doit être révolue, condamnée et anéantie. Renvoyé de façon manu militari de mon portefeuille de ministre des Affaires sociales, sans signer ma lettre de démission, sans avoir rencontré, le Premier ministre ni le président, sans être imbu des raisons de cette décision, c’est un crime de lèse-majesté pour la fonction ministérielle et la personne humaine. Ironie du sort, c’était pour avoir voulu changer les choses du bon côté des choses! Me battre pour la justice sociale, freiner la corruption, mettre en place une politique sociale à la hauteur des défis du moment! « Même le mal, ils le font mal ». Par la force des choses, me voir renommé ambassadeur à l’OMC, par la suite sans une lettre d’excuse publique, que j’ai exigée, ce n’était que de l’incohérence irrespectueuse des statuts dignitaires et de la personne humaine.

Beaucoup d’observateurs nationaux et internationaux au courant du fondement mensonger, machiavélique, malhonnête et incohérent de cette décision ont prédit que ça allait être le début de la dégringolade du socle social de ce gouvernement et le prélude manifeste à ses contradictions. En effet, si j’ai pu survivre à plusieurs tentatives d’assassinat physique, l’assassinat psychique, humain, politique gratuit a été consommé. Il reviendra à la justice sociale réparatrice de sanctionner et réparer ces actes de banditisme afin d’éviter la répétition de ces bavures politiciennes criminelles attentatoires au respect des droits de l’homme et à l’éthique des responsabilités professionnelles. Je vais désormais tout faire pour que justice me soit rendue! Au préjudice des dégâts moraux, familiaux, professionnels et économiques. J’ai l’intime conviction que je serai accompagné et soutenu dans cette perspective par les défenseurs des droits humains, celles et ceux qui voient objectivement l’injustice comme leur pire ennemi et en font un combat personnel. Par ailleurs, je tiens à pardonner les journalistes bien intentionnés, mais mal informés qui, instrumentés naïvement, ont tenté de détruire un citoyen qui a voulu du bec et des ongles travailler pour le changement de son pays.

En effet, l’assassinat du président Jovenel Moise et l’échec de son mandat devront nous amener à nous mettre désormais à l’école universelle de la modernité politique du monde d’aujourd’hui. Celle-ci consiste en un outil stratégique qui permet, par des compétences, des pensées visionnaires, la bonne gouvernance de construire le développement territorial durable, dynamiser les institutions, créer de la richesse, booster la croissance économique, dynamiser l’investissement, fertiliser l’espoir.

La politique n’a aucune vocation de paterniser, de familiariser, de héritariser le pouvoir par la démagogie démocratique, la création des corporations de gangs armées et économiques, diviser les forces vives (économiques, sociales, intellectuelles), institutionnaliser la corruption généralisée, les fraudes électorales, le kidnappinisme politique, économique, le terrorisme et mercenarisme journalistique. Elle doit être vécue comme un art subtil, stratégique, exercé à partir des connaissances et compétences adaptées à la complexité des enjeux et défis sociétaux, géopolitiques et transnationaux. Il s’agit de surcroît d’un outil sciemment construit sur le management sophistiqué des contradictions, du dialogue controversé et constructeur. Il est puissamment orienté vers la maitrise démocratique des interférences sociétales convergentes et divergentes dont le management stratégique aide à construire du bien-être, du mieux-etre et de l’espérance vitalisante. Autrement dit, bâtir l’optimisme agissant, l’espérance légitime individuelle, collective réunifiante, galvanisante et solidaire.

Il nous faut des leaders qui puissent interconnecter la politique, l’économique, le social, l’excellence institutionnelle, la création de richesse, les atouts structurants de la diaspora et le développement durable! Le trop plein de politicaillerie qui irrigue, empoisonne notre univers sociopolitique doit être impérativement vidé ou dégagé. On a urgemment besoin de la politique qui transforme nos défis sociaux en opportunités! Il nous faudra dire adieux aux recettes traditionnelles de la politique qui divisent, affaiblissent les forces vives de la nation et fructifient la misère, le sous-développement endémique et systémique. Par ailleurs, l’intelligence défaillante de nos politiques diplomatiques et de nos stratégies de coopération régionale et transnationale en termes de pertinence et d’impacts concurrentiels surtout géopolitiques doit être diagnostiquée, comblée et transcendée!

Face à la détérioration des conditions de vie de nos compatriotes et le spectre du pire à venir, nous avons l’urgente obligation, au nom de l’intérêt suprême de la nation de rassembler nos forces et surmonter nos divergences aussi profondes qu’elles soient. Osons nous réconcilier avec nous-mêmes et pratiquons la politique du vivre ensemble et du mieux-être collectif.

L’heure est grave! Nous en sommes encore loin du compte, si à environ 2 mois de l’assassinat du président Jovenel Moise, la recherche d’un consensus politique historique est toujours dans l’impasse. L’horrible spectacle de division et d’intolérance à l’Hôtel Montana est sur les toiles du monde et présent dans tous les esprits déjà troublés, fissurés de nos compatriotes! Mon message patriotique le plus solennel et pressent à tous les acteurs politiques et de la société civile est de s’asseoir autour d’une table et trouver au cours de cette semaine, avant le 07 septembre 2021 et un accord politique capable de doter le pays d’une équipe dirigeante, garante d’une alternative sociopolitique à la hauteur des défis du moment.

Malgré tout! Ne perdons pas l’espoir! Le vent du soleil et sa lumière affaiblis par les mensonges, la cruauté humaine et les pluies torrentielles sociales et politiques destructrices devront un jour rejaillir sur le ciel ensoleillé de l’espoir.

Bellevue Roosevelt
rbellevue05@gmail.com

L’auteur est docteur en politique d’éducation et action publique. Il a été enseignant-chercheur en France et en Haïti. Ancien ministre des Affaires sociales et du Travail, il poursuit une formation en science politique et relations internationales à Paris.

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