La vague récente de massacres à travers Haïti - de Kenscoff à La Saline, de Solino à Pont-Sondè, jusqu'au Wharf Jérémie - dresse un portrait dévastateur d'une nation abandonnée par ses dirigeants. Ce ne sont pas que des statistiques ; ce sont des communautés brisées, des familles détruites et des avenirs anéantis sous le regard complaisant de ceux qui ont juré de les protéger.
À Kenscoff, où le soleil matinal illuminait jadis l'espoir, il ne projette désormais que des ombres sur des tombes improvisées. Les témoins parlent de violence systématique qui a fait des dizaines de victimes, pendant que les autorités maintiennent un silence assourdissant. Le schéma est tristement familier : des groupes armés opèrent en toute impunité, tandis que les responsables gouvernementaux offrent des condoléances vides.
Le massacre de La Saline demeure un testament sanglant de l'échec institutionnel. Ici, dans l'un des quartiers les plus vulnérables de Port-au-Prince, les résidents ont fait face à l'horreur inimaginable alors que des gangs armés exerçaient leur règne de terreur. Le bilan officiel des morts reste contesté - comme si les chiffres pouvaient capturer la profondeur de la souffrance humaine.
La tragédie du Wharf Jérémie, dernière d'une série macabre, illustre la déshumanisation systématique de notre peuple. Dans ce quartier populaire, les gangs ont semé la terreur avec une brutalité calculée, laissant derrière eux des familles décimées et une communauté traumatisée. Les appels à l'aide sont restés lettre morte, comme si ces vies ne valaient rien aux yeux des autorités.
À Solino, le même scénario s'est répété : attaques coordonnées, victimes civiles et l'absence désormais familière de protection étatique. Les survivants parlent d'appels à l'aide restés sans réponse, de voisins tombés sous les balles pendant que les services d'urgence brillaient par leur absence.
Le bain de sang de Pont-Sondè a davantage exposé l'incapacité - ou le manque de volonté - du gouvernement à protéger ses citoyens. Pendant que les familles fuyaient leurs maisons, n'emportant que traumatismes et souvenirs amers, les officiels émettaient leurs déclarations standard de préoccupation.
Ce qui rend ces atrocités particulièrement troublantes est leur prévisibilité. Chaque massacre suit un schéma similaire : des groupes armés entrent dans les communautés, commettent des actes de violence indicibles et laissent derrière eux une traînée de corps et de vies brisées. Pendant ce temps, ceux au pouvoir perfectionnent l'art de détourner le regard.
La réponse de la communauté internationale reste inadéquate. Les expressions de "profonde préoccupation" s'accumulent comme des lettres mortes. Les familles des victimes n'ont pas besoin de plus de déclarations - elles exigent justice et responsabilité.
Pour les dirigeants d'Haïti, le temps de la rhétorique creuse est révolu. Le peuple exige plus que des mots - il exige de l'action, de la justice et un leadership qui valorise la vie humaine. Jusque-là, les fantômes de ces massacres continueront de hanter la conscience d'Haïti, posant cette question qui résonne dans les couloirs vides du gouvernement : "Combien encore ?"
Pierre Richard Raymond
01/02/2025
Long Island, New York