Monsieur le Président du Conseil Présidentiel de Transition,
La République est laïque ; vous voilà pourtant en pèlerinage, foulant aux frais du peuple les sols sacrés du Vatican. Plutôt que d'affronter les crises multiples qui asphyxient Haïti, vous priez un pape sans armée pour un pays livré à une criminalité que vos pairs ont nourrie et entretenue. Tandis que vous joignez les mains de sa Sainteté pour implorer Notre-Dame du Perpétuel Secours de sauver Haïti des griffes des gangs, à Kenscoff, commune natale du directeur général par intérim de la Police Nationale, les victimes de ces criminels se comptent par dizaines. Quel aveu d'impuissance en grande pompe !
Ce périple vous a également mené à Paris, chez l'ancien maître colonial. À l'Élysée, vous avez été reçu par un Emmanuel Macron dédaigneux, qui n'a même pas pris la peine d'enrober son mépris. "Cons !", aurait-il qualifié les membres de votre Conseil Présidentiel de Transition. Et vous, muet comme une statue de votre maison mère à Tabarre, n'avez ni réclamé le respect face à cette attitude hautaine, ni exigé restitution ou réparation pour la rançon imposée à la nation en 1825. Quelle honte ! Au lieu de cela, vous avez sollicité de l'aide alimentaire et sécuritaire, troquant la dignité historique contre quelques sacs de riz, quelques motocyclettes et des promesses creuses. La servitude volontaire a rarement été aussi bien incarnée.
Sur TV5 Monde, vous avez poussé le comble du déni ! Contre toute attente, vous annoncez un référendum constitutionnel en mai et des élections générales en novembre. Seuls les opportunistes adhèrent à cette supercherie. Dès l'annonce, une majorité de voix s'est élevée contre ce projet, y compris au sein du parti politique que vous représentez au CPT. Vous feignez d'ignorer que des millions de citoyens aux abois vivent sous la terreur des gangs, et que même les forces de l'ordre sont dépassées. Votre discours sur la stabilité et les élections n'est qu'une mascarade. Les Français qui suivent l'actualité haïtienne ont cru entendre Coluche à l'antenne ; quant aux Haïtiens, ils y ont vu le retour de Jesifra.
Faut-il vous poser la question : ce discours n'est-il qu'un leurre destiné à apaiser vos parrains internationaux, soucieux de préserver une façade démocratique ?
Lâchement, vous avez mentionné la dette d'indépendance imposée par la France comme un simple fait divers, sans exigence réelle. Vous spécifiez que c'est Emmanuel Macron qui l'a soulevée. En définitive, vous avez tout fait pour ne pas froisser les sensibilités de vos maîtres et maintenir la soumission à l'ordre néocolonial. Plutôt que d'adopter l'attitude digne d'un fils d'Haïti, exigeant restitution et réparation pour ce crime historique qui plonge le pays dans le marasme économique depuis deux siècles, vous avez préféré la posture molle d'un quémandeur.
L'appel à l'intervention étrangère illustre la faillite de votre Conseil. Vous prétendez œuvrer pour la souveraineté d'Haïti, mais réclamez en réalité le renforcement de la tutelle et de l'occupation, sous prétexte de rétablir l'ordre avec l'aide de ceux-là mêmes qui orchestrent le chaos. Sommes-nous un peuple d'invalides ? Pourquoi devons-nous payer cette cohorte de dirigeants incompétents, rendant nos forces de sécurité inefficaces ?
L'histoire récente a pourtant prouvé que ces missions internationales, loin d'apporter la stabilité, n'ont fait qu'aggraver nos problèmes : désinstitutionnalisation du pays, introduction de maladies contagieuses comme le choléra, perpétuation de la dépendance et augmentation de la criminalité. Haïti possède des ressources humaines capables d'assurer sa propre sécurité. Il ne lui manque que des dirigeants à la hauteur de cette mission. Jamais cela ne pourra se faire sous la tutelle d'un autre pays ou de forces armées étrangères.
Fait étonnant, vous avez choisi une tribune internationale pour une dénonciation sélective de la criminalité, pointant du doigt l'ancien président Michel Martelly comme seul responsable de la prolifération des gangs. Certes, c'est un voyou qui a nourri ce monstre. Mais les groupes criminels ne sont pas apparus en 2011 par magie, et vous le savez pertinemment.
Votre indignation sélective trahit votre duplicité et fait de vous un vulgaire informateur au service de la police internationale. Pourquoi votre dénonciation ne s'est-elle pas étendue à ceux qui, avant et après Martelly, ont utilisé les gangs comme instruments politiques et économiques ? Aujourd'hui, sous votre gouverne, le pays sombre dans l'anarchie en échange de positions de pouvoir et de faveurs étrangères. Pourquoi ne dénoncez-vous pas ceux qui siègent à vos côtés au sein de ce CPT imposé et qui cautionnent le grand banditisme ? Où est votre courage pour dénoncer le rôle de l'ambassade des États-Unis, du Core Group, des grandes ONG et de l'ONU dans l'instrumentalisation du chaos afin de mieux asseoir leur domination ?
Votre entrevue révèle une vérité amère : les élites dirigeantes n'ont cessé de trahir Haïti. Elles n'ont jamais défendu ni sa souveraineté ni ses intérêts, mais ont toujours œuvré à la perpétuation d'un système garantissant leur position de courtiers des puissances tutrices. L'avenir d'Haïti doit se décider sans ingérence internationale, sans manipulation politique et, surtout, sans recourir aux mêmes recettes qui nous ont précipités dans le chaos. Un pays ne se gouverne pas avec des incantations religieuses, des génuflexions devant les puissants et des illusions constitutionnelles.
Haïti attend des dirigeants capables de faire face à l'histoire, de porter les revendications légitimes du peuple et d'agir avec fermeté contre la désintégration nationale. Où est l'indignation que tout dirigeant décent devrait exprimer face au pillage historique de la nation ? Vous jouez au diplomate servile quand l'heure exige un chef dÉtat digne de ce nom. Mais peut-être que l'histoire retiendra votre passage différemment : non pas comme un homme d'État, mais comme un simple messager de la soumission. Un homme qui, dans un moment décisif pour la nation, a choisi d'abdiquer avant même d'avoir combattu.
Avec tout l'irrespect qui vous est dû !
Hugue CÉLESTIN
Grand Pré, 31 Janvier 2025
Membre de :
Federasyon Mouvman Demokratik Katye Moren (FEMODEK)
Efò ak Solidarite pou Konstriksyon Altènativ Nasyonal Popilè (ESKANP)