L'empathie, un mot étranger à Donald J. Trump

L’empathie est cette capacité que nous avons de nous mettre à la place de l’autre. La plupart des hommes et femmes d’affaires qui ont réussi à accumuler une grande fortune sont totalement étrangers à ce concept, sauf dans un cadre purement transactionnel. Dès l’enfance, nos parents nous inculquent les notions d’empathie nécessaires à notre réussite dans la vie. Mais les enfants des riches, qui n’ont jamais eu à faire preuve de convivialité pour se faire des amis, considèrent cette notion comme « désuète ». Pour des individus qui n’ont jamais connu la faim ou fait face à des besoins primaires, l’empathie est presque inaccessible.

C’est sous cet angle qu’il faut chercher à comprendre Donald J. Trump. Il souffre d’un mal non encore diagnostiqué, que l’on pourrait appeler « plutomisanthropie » (de pluto : riche, mis : haine, et anthropie : humanité) [néologisme de R. Dolciné], un handicap propre à certains individus très fortunés, les empêchant de comprendre le sort des autres. Remarquez bien que cette condition ne peut exister sans un narcissisme arrogant comme carburant et une mégalomanie outrancière comme moteur. En réalité, il s’agit d’un mécanisme de protection.

Le plutomisanthrope cherche à se protéger des avatars de la normalité. Vu comme un homme ordinaire, il perdrait le prestige que lui confère son statut d’homme riche. Ainsi, il use d’ironie et de sarcasme pour abaisser les autres, les réduisant au bas de l’échelle sociale.

"Make America Great Again" est un beau slogan. Mais c’est aussi un slogan qui risque de faire perdre à l’Amérique ce qu’elle a de plus cher : l’illusion de sa bonté et de sa justice. Certes, l’Amérique a toujours usé de la carotte (philanthropie) et du bâton (tarifs/expansions militaires) pour faire avancer la « bourrique » du monde. Cependant, à aucun moment de son histoire, la carotte n’a été de la même taille que le bâton. Autrefois, à ce gigantesque bâton était suspendue une petite carotte. Aujourd’hui, on a l’impression que le bâton s’est renforcé, allongé, agrandi, et que la carotte a été jetée à la poubelle estampillée MAGA.

Et c’est bien dommage.

Même lorsqu’il s’en prenait aux immigrants, mon problème n’était pas qu’il veuille réduire l’immigration illégale aux États-Unis, mais plutôt la manière dont il s’y prenait. Il devrait reconnaître, en dehors bien sûr du rôle de la corruption dans ces pays (comme chez nous), la lamentable partition jouée par l’Oncle Sam dans l’appauvrissement systématique des « pays du Sud » (terme que j’emploie pour faire plaisir à la gauche). Mais cela me prive d’une arme dont j’ai tant besoin dans mes querelles récurrentes sur le Net avec mes amis de tendance libérale. Défendre l’Amérique est une prérogative des plus urgentes, et personne ne devrait la discréditer à cause de la passion avec laquelle elle s’efforce de protéger ses intérêts.

Cela dit, la grande majorité de ceux qui prennent d’assaut les frontières nord ou sud des États-Unis voient en cet El Dorado ce que les familles blanches convoitaient jadis et pour lequel beaucoup ont perdu la vie. Le Parti républicain, que Trump représente et qui se veut un parti à sympathies chrétiennes, devrait se souvenir des injonctions faites aux Israélites par Dieu dans l’Ancien Testament : « Souviens-toi que tu fus esclave en Égypte. »

Le parallèle entre les Américains et les Israélites est frappant. Sous le joug monarchique, les pionniers quittèrent l’Angleterre pour l’inconnu, où ils pourraient adorer leur Dieu en toute liberté, tout comme les Israélites sous la direction de Moïse cherchaient Canaan. L’étrangeté de l’Amérique pour les premiers Européens n’était pas si différente du désert pour les Israélites. Ces pionniers, comme les Israélites, durent mener des guerres pour pouvoir s’établir. Mais Dieu, conscient que ces victoires peuvent rendre l’humain hautain et orgueilleux, leur rappelait souvent de ne jamais oublier leur passé.

C’est précisément le rôle que devraient jouer les évangéliques dans ce drame ô combien pathétique et tragique. La protection de l’Amérique ne doit pas se faire au prix de la déshumanisation des autres. Oui, les immigrants illégaux doivent retourner chez eux. Oui, ils sont en faute. Mais que perdrait l’Amérique à les soutenir avec un peu d’argent ? Les États-Unis auraient tout à gagner en aidant, par exemple, à combattre les gangs en Haïti et à promouvoir les investissements dans le pays.

La protection, oui. Mais pas au prix de l’avilissement et de la « crachatisation » de l’autre.

 

Robers Dolciné

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