Immigration Canada, une machine distributrice de refus visant particulièrement les Haïtiens

Des agents d’immigration distribuent des refus à l’instar des guichets automatiques à des jeunes haïtiens qui veulent simplement venir étudier au pays.

Pendant que le Canada s’apprête à recevoir 50 000 Afghans, comme les Syriens en 2016, des agents d’immigration distribuent des refus à l’instar des guichets automatiques à des jeunes haïtiens qui veulent simplement venir étudier au pays. Les employeurs se plaignent d’une pénurie de main-d’œuvre jamais connue dans l’histoire canadienne, et tous les experts s’accordent pour dire que l’immigration est la principale option. Alors que des jeunes déjà francisés, qui optent pour un programme d’éducation à la petite enfance au collégial, dans un milieu qui a grand besoin d’éducatrices, et on le voit avec le manque de plus 50 000 places dans les CPE et les garderies en milieu familial (subventionnées). Ce qui pourrait être une occasion en or pour le Québec, et ça il semble que les agents à Immigration Canada n’en ont pas conscience ou ils font carrément fi des besoins de main-d’œuvre de la province, au nom des lois sur l’Immigration. Ces jeunes filles, d’ailleurs diplômées et ayant presque toutes des expériences professionnelles, ont reçu une lettre de refus, sans aucune particularité ni spécificité qui montre que leurs dossiers ont été traités de manière juste et du cas par cas, comme la loi l’oblige. Une preuve qui pourrait laisser croire qu’ils n’ont  pas été traités, ou que cela a été fait avec mépris, sans attention particulière, puisqu’il s’agit des citoyennes haïtiennes, d’un pays en crise sous les yeux observateurs du Core group, dont le Canada en fait partie.

Ces refus à répétition sans justification valable prouvent encore le mépris du Canada envers Haïti. À l’exemple de la réticence du gouvernement fédéral à accorder le statut de réfugié à ces milliers d’Haïtiens qui ne savent pas « sur quel pied camper », nonobstant leur long périple pour se rendre au pays, tandis que la décision d’accueillir 50 000 réfugiés afghans a été sans équivoque et est passée à la Chambre des communes sans opposition. Cette politique de deux poids de mesure est teintée de l’héritage du racisme sans borne et d’une posture anti-noire, tandis que le Canada se positionne comme un pays accueillant, qui se conduit en sauveur des victimes du Moyen-Orient. Pourtant, on n’est pas sans savoir qu’il a aussi sa part de responsabilité dans cette crise humanitaire au proche orient, comme suiveur ou en étant indifférent. Je réitère qu’il n’y a rien d’autre qui justifie ces refus si les lois sur l’immigration sont les mêmes pour tous. Si des étudiants chinois, indiens… rentrent par milliers chaque année au Canada, qu’est-ce qui empêche des familles haïtiennes de la classe moyenne d’en faire autant? Point n’est besoin d’avoir un doctorat pour se rendre à l’évidence qu’ils ne veulent plus d’Haïtiens ou qu’ils serrent carrément les vices pour en recevoir le moins possible, comme s’il s’agissait d’une espèce à part.

Dans la lettre reçue par ces jeunes filles, on peut y lire textuellement :

« Madame, Monsieur,

Nous vous remercions de l’intérêt que vous manifestez à étudier au Canada. Après avoir examiné attentivement votre demande de permis d’études et les pièces justificatives, je conclus que votre demande ne satisfait pas aux exigences de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et de son Règlement. Je rejette votre demande pour les raisons suivantes :

• Je ne suis pas convaincu que vous quitterez le Canada à la fin de votre période de séjour en vertu du paragraphe 216(1) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, compte tenu de vos biens mobiliers et votre situation financière.

• Je ne suis pas convaincu que vous quitterez le Canada à la fin de votre période de séjour en vertu du paragraphe 216(1) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, compte tenu de vos liens familiaux au Canada et dans votre pays de résidence.

• En vertu de l'alinéa 220(a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, je ne suis pas convaincu que vous possédez les ressources financières suffisantes et disponibles, sans travailler au Canada, pour payer les frais de la scolarité ou du programme que vous avez l'intention de suivre.

• En vertu de l'alinéa 220(b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, je ne suis pas convaincu que vous possédez les ressources financières suffisantes et disponibles, sans travailler au Canada, pour subvenir à vos besoins et à ceux des membres de votre famille qui vous accompagnent au cours de la période d'études envisagée.

Vous pouvez présenter une nouvelle demande si vous estimez pouvoir répondre à ces préoccupations et démontrer que votre situation satisfait aux exigences. Dans ce cas, vous devrez payer les frais de traitement de nouveau. »

 

Je ne suis sûr de comprendre pourquoi avoir donné la même réponse à chacune d’elles, puisque chaque dossier est différent, sauf qu’elles sont toutes haïtiennes. De surcroît, elles ont rempli les bons formulaires et fourni les documents exigés : preuves d’identité, diplômes, preuves de capacités financières, etc. Pour s’assurer de bien faire les choses, elles ont payé les services d’un cabinet de consultant en immigration à Montréal. Le seul argument c’est qu’elles « ne quitteront pas le Canada à la fin de leur période de séjour ». Cependant, on peut lire sur le site de Québec international ce qui suit :

« Le Québec à lui seul accueille plus de 40 000 étudiants étrangers chaque année parmi les 220 000 reçus au Canada. Des dizaines de milliers d’entre eux deviennent résidents permanents par la suite. »

Comment peut-on prétendre qu’elles ne quitteront pas le pays? Alors, où il est le problème exactement? Lorsqu’on sait que beaucoup d’étudiants étrangers viennent au Canada justement parce qu’ils ont la possibilité de devenir résidents permanents par la suite? Pourquoi « ce qui est bon pour pitou ne l’est pas pour ninou » ? Quel est ce faux prétexte pour refuser ces nombreux étudiants haïtiens? Quelle est la principale crainte? Partout, on reconnait les Haïtiens comme de rudes travailleurs, des citoyens et citoyennes exemplaires qui s’intègrent bien et qui contribuent au développement de la société où ils vivent. Je crois au contraire que le Canada a plus à gagner en accueillant des Haïtiens, qui n’ont ni complexe ni réticence à s’intégrer et à s’adapter.

Ces agents qui agissent à la manière des robots semblent de toute évidence ignorer les sacrifices qu’ont dû faire ces jeunes filles en vue de réaliser leur rêve, puisqu’ils se contentent de leur lancer à la figure cette réponse décevante et étonnamment injustifiée. J’ai beau chercher à comprendre la démarche d’Immigration Canada, mais je n’en trouve pas d’explication logique. Comment on en vient à la décision presqu’unanime pour ces jeunes haïtiennes, tandis qu’on déroule le tapis rouge pour un groupe dont il faudra une éternité pour s’intégrer et s’adapter? Est-ce que le hic est réellement le fait qu’elles « ne quitteront pas le Canada à la fin de leur période de séjour », comme mentionné dans la lettre émise par ces agents, qui est à mon avis n’est qu’un exercice de copie, et par ricochet de rejet? Ils ignorent qu’ils tuent le rêve de ces jeunes qui aspirent à un avenir meilleur, au même titre que ces politiciens corrompus jusqu’à l’os en Haïti. J’espère que ce texte pourra susciter des réflexions au sein de la société québécoise en particulier et arriver aux oreilles des parlementaires à Ottawa pour faire arrêter cette machine à refus qui visent particulièrement les citoyens d’origine haïtienne, tant en Haïti qu’au Canada.

 

Wadner Isidor

Auteur, éditeur

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