Palmarès des industries les plus rentables en Haïti

Haïti ne parvient pas à se défaire de l’image de prédation flibustière qui imprègne son schème social et économique et faire fortune dans ce pays devient une équation impossible à résoudre dans une normalité formelle. L’enrichissement facile ou illicite est une intersection entre nationaux et les visiteurs de longs séjours. Au fil du temps, seule une courte tête de l’économie formelle est encore émergée du marécage des activités illicites, de la corruption et du racket. Donc, un besoin d’entreprendre force naturellement l’Haïtien à se poser cette question : quelles sont les activités les plus alléchantes; vers quel secteur d’activités s’orienter afin de gagner sa vie au moindre cout et à moindre effort, une vie de farniente à l’haïtienne? D’où l’intérêt de procéder à un hit-parade des affaires les plus lucratives dans la société haïtienne selon critères suivants : des investissements plus ou moins nuls; peu ou pas d’actifs; aucun fonds de départ; pouvoir se passer de partenaires; au besoin des collaborateurs dociles présentant plus le profil des hommes de main. La liste serait trop longue s’il fallait scruter l’ensemble des secteurs d’affaires les plus rentables; concentrons-nous sur le top trois par ordre décroissant.  
Au troisième rang – le secteur des droits humains, de l’humanitaire et des ONG. Pour avoir pignon sur ces deux derniers marchés, il suffit d’un petit négoce, une adresse civique et une cause. À titre d’exemple, « la souffrance névrotique de chiens n’ayant pas de testicules » serait une cause très noble et assez éloquente pour racoler des organisations étrangères opérant dans l’inutilité. Cette industrie gère des fonds dont personne ne connait la provenance; administre un budget qui échappe au contrôle des autorités fiscales et bénéficie d’avantages particuliers du fait qu’elle n’a pas d’obligation de résultats, en plus d’une mission incompatible à une résolution de la problématique identifiée, car leur longévité est plutôt liée au contraire. Les commanditaires ne sont pas plus intéressés par des rapports d’efficience ou de réussite, ce qui importe le plus est que les expats aient la haute main sur les affaires. Pour le droit humain, comme on les appelle, ce sont plutôt des opposants dont deux figures synthétisent ce sous-secteur : le Pape Pierre le Grand et l’Ayatollah El Medistani, richissime avocat des grandes familles de Port-au-Prince, politicien traditionnel qui sévit aussi dans le droit humain. C’est à croire que le droit humain mène à tout : les belles femmes, l’argent, le pouvoir, l’entrée dans les ambassades. 
Les rapports de complaisance du premier lui procurent une capacité de nuisance massive, il prononce le verdict des ennemis en lieu et place des tribunaux, blanchissent ses proches impliqués dans le brigandage politique et la corruption. Ces dits-rapports s’intéressent spécifiquement aux politiques et aux bandits qui ne sont pas de son bord; par contre les délinquants qu’il absout peuvent devenir le fer-de-lance de la lutte contre des ennemis communs. On a bien vu des assassins de personnalité ou parrains de drogue qu’il avait dénoncés devenir ses fantassins dans sa croisade contre le duché impie du PHTK aux mains de l’apostat Jovenel Moïse. L’Ayatollah, de son côté, défend les intérêts de l’oligarchie contre l’État, vampirise les cours juridictionnelles, les dilate et les implose à l’aide de micros ou de plumes amis. Le client a droit à deux faveurs pour le même prix : l’intimidation au tribunal et une défense de ses droits supérieurs hors cour par le personnel de l’annexe « Klere Je ». Selon que vous soyez riches, amis, thuriféraires ou suppôts des oligarques, le droit humain placera vos droits à une hauteur stratosphérique de ceux du peuple.     
Segundo – les églises prospèrent et les perspectives de croissance sont telles que le pays se recouvrent de temples qui aggravent la question du logement et la quiétude dans les villes. Le début peut être difficile, mais une assistance garnie attire les églises conservatrices américaines, racistes au bout, qui leur pourvoient en ressources financières, alimentaires et en linges usagés, et ainsi satisfaire leur obsession maladive de « dévaudouïser » Haïti. L’argent versé est justifié par quelques photos de personnes en guenilles montrant toutes leurs dents, des enfants avitaminoses riant pour la circonstance, une exposition de toute la misère de la condition humaine qui frapperait aux tripes les généreux samaritains. La misère extrême pousse les plus vulnérables de la société vers ces sinistres personnages corrompus, immoraux qui utilisent les ressources « from America » pour s’enrichir et trousser les jeunes filles et même des enfants. Il flotte dans ces églises une odeur de pédophilie, de pédérastie et d’exploitation sexuelle des femmes de tous les âges. Ces prêcheurs mènent la belle vie, obtiennent facilement le fameux visa et le désœuvrement de certains les a conduits à avoir la main trempée dans l’assassinant crapuleux du président Jovenel Moise. 
Enfin, le jackpot est la politique. Cette industrie n’a jamais ruiné personne en Haïti et a enrichi aussi vite que le vent.  Avec un bon carnet d’adresses de caïds et un réseau de dealers d’armes et de drogue, on dort pauvre et on se réveille riche et respecté. Le premier paysan qui décide de ne plus travailler sa terre, le médecin incompétent qui cherche un avenir, un arracheur de dents qui passe pour être un dentiste, un enseignant pauvre et presque inapte; tout ce beau monde se fait politicien; c’est-à-dire devient le garde-chiourme des intérêts de l’oligarchie. Il peut passer ainsi sans transition de sa hutte ou de sa chambre sordide de bidonvilles à une grande demeure en plaine ou si sa présence est souhaitée dans la fraicheur des montagnes de Pétion-Ville. Il est de tous les partis, c’est-à-dire qu’il n’en a aucun et ne comprend rien à la logique de parti. Il vit au gré de ses intérêts et peut passer allègrement à un parti de droite après avoir servi un président populiste se réclamant de la gauche.  Avec un « Hippolyte », il transforme les crédules en cerf-volant comme le coucou, cet oiseau subtil qui pond des œufs de couleur différente en fonction de ceux de l’hôte du nid qui doit les lui couver. Pour bien paraitre aux yeux de son boss, le politicien haïtien peut saccager, « locker », détruire la capitale, assassiner des pauvres, incendier les biens de l’État que ceux du peuple. Il n’entend nullement raison quand il défend la cause de son patron qui lui jette en retour quelques miettes. Il n’en a cure de la notion de service et de biens publics, de nation, de moralité et d’enrichissement par le travail honnête. Il saute dans l’arène en s’attirant les bonnes grâces des ambassades et les oligarques, pour s’enrichir au plus vite et planquer sa famille à l’étranger. Cette fameuse assurance-vie lui permet, au moindre pépin, de se pousser et se faire soigner à l’étranger, aussi bien y mourir dans l’indignité des parasites de son rang. Ainsi, avec ses biens en sécurité à l’étranger il fonce tête baissée dans la nasse du déshonneur, car ils ne pourront plus jamais tenir leur bout face à la sainte ambassade. 
À ce titre, il faut reconnaitre l’instinct de la famille de l’actuel PM de facto, dont leur présence s’est fait sentir dans ces trois secteurs : lui butine de la gauche réactionnaire à la droite la plus répugnante de l’étale politique; certains sont des rançonneurs de la foi, et d’autres ratissent les ONG. Leur choix religieux en dit long sur leur appétit mercantile, les Adventistes du 7e jour, une religion franchisée, une ouverture béante des écluses des cieux avec des bénédictions sonnantes et trébuchantes sans mesure.
Ces secteurs partagent un point en commun, leurs privilégiés sont sous une carapace imperméable d’impunité et d’immunité sociales, judiciaires et diplomatiques. Ils peuvent violer des jeunes filles, extorquer leurs clients, salir la réputation d’honnêtes gens, intimider des officiels de l’État, jusqu’à se concerter pour assassiner un président élu et en exercice sans soulever l’ire et la révolte populaire. Cette situation explique en grande partie le découragement, le désespoir et la volonté de 82% de la population à vouloir partir à l’ombre des ailes de l’Aigle du Nord, car leurs yeux levés sur ces trois montagnes implacables ne voient aucun secours ni du ciel ni des pays amis. Là encore, il leur faudrait une sacrée baraka pour se faufiler entre sabots ferrés des chevaux et lassos des cow-boys au Sud de la frontière de la République étoilée. Le pire, ils n’ont pas jusqu’à présent reçu la bienveillance d’organismes de droits humains posant la question du pourquoi ils n’arrivent pas à vivre et s’autodéterminer dans leur coin de l’ile d’Haïti.   


Félix Marré

 

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