Plaidoyer pour l’intégration des Haïtiens vivant à l’étranger dans les affaires politiques et économiques d’Haïti

La diaspora haïtienne de par sa contribution financière ou son implication dans certaines organisations régionales de développement du pays est devenue, depuis plusieurs décennies, une force implacable dans la vie économique d'Haïti. Cette diaspora qui vit dans les grandes villes européennes, caraïbéennes et américaines, augmente quotidiennement en nombre, s'enrichit économiquement et, chaque jour, progresse en expertise et ne manque aucune occasion de se former académiquement.

Pour une Haïti avec une population de plus de dix millions d'habitants, certains estiment que la diaspora haïtienne compte plus de deux millions d'âmes. Cela sous-entend que presque plus d'un quart des petits fils de Dessalines résident à l'extérieur. Ce Chiffre fait penser qu'en toute logique, qu'il est impossible à tout gouvernement ou État qui veut penser au développement « d'ignorer ou de laisser à l'abandon une tranche de sa population, sous prétexte que ces ressortissants se trouvent loin de la terre natale. Paradoxalement, cet État réclame l'aide, tous les jours, de ces fils qu'il prétend ne pas reconnaître. »

La Constitution haïtienne de 1987 ne reconnaît pas la double nationalité.  « Être haïtien d'origine et n'avoir jamais renoncé à sa nationalité » Voila donc les conditions constitutionnelles si on veut toutefois briguer un poste électoral comme député, sénateur ou président de la République. Donc, si on veut être cohérent et s'acquitter des dettes envers cette force économique, il est important que les membres de la diaspora comme on le fait dans bon nombre de pays, aient la possibilité de jouir pleinement de leurs droits civils et politiques. Plus de trente ans après le vote de la ratification de la constitution post-Duvalier, la diaspora ne semble toujours avoir que des devoirs: envoyer de l’argent en Haïti, faire pression quand la nation est en danger face aux dictateurs et aux putschistes ou quand l’image des Haïtiens est en jeu, comme dans l'affaire du SIDA dans les années 80.

Trente ans après le vote de la Constitution, les problèmes demeurent entiers quand il s’agit pour la diaspora de partir à la conquête de ses droits politiques. L’’haitiano-américain, l'haitiano-canadien et tous les autres Haïtiens vivant à l'étranger ne jouissent toujours pas du droit à la double nationalité. Ils ne peuvent ni élire ni être élus.

Impossible donc pour eux d'occuper aux vues et au su de tous des postes électifs. S'ils ne sont pas étrangers quand ils doivent apporter leurs contributions économiques, mais politiquement, ils sont plus étrangers que les membres de la communauté internationale qui se comportent en grands électeurs pour décider des élections en Haïti. « Si cette diaspora doit avoir des devoirs, il lui faut aussi des droits reconnus, indiscutables, constitutionnels. Or vu les circonstances, l'évolution du monde et la mutation de la société haïtienne elle-même, la meilleure façon pour garantir les droits et devoirs de ces deux millions sinon plus, de ces Haïtiens d'origine vivant à l'étranger, est de leur accorder la possibilité d'exercer leurs pleins droits et devoirs dans un cadre non spécifique, mais très bien défini, afin d'éviter tous abus. Ce premier geste de reconnaissance nationale est bien évidemment la double nationalité. 

Pendant que le débat sur la double nationalité continue de faire son chemin, les membres de la diaspora, à travers ceux-là qui ont gardé encore leur nationalité haïtienne, doit seulement se contenter d'un poste au ministère des Haïtiens vivant à l'Étranger. Même là encore, ce poste n’est pas souvent allé au représentant réel de la diaspora. Dans presque tous les cas, le choix du ministre pouvant représenter la diaspora se porte toujours sur quelqu’un qui ne connaît pas non seulement les problèmes des immigrants, mais non plus les problèmes d'Haïti.

Si jusqu'ici c'est à ce simple poste nominatif que doit se résumer tous les efforts de la diaspora, les communautés haïtiennes vivant à l'étranger veulent pour ministre un représentant réel".  Nombreux sont ceux qui issus de la diaspora, sans formation ou expertise, qui ont réussi a côtoyé les autorités haïtiennes et, du coup, se frayer un chemin à travers le gouvernement. Ceci expliquerait leur succès individuel au détriment du progrès d'une nation.

Ce fait engendre deux phénomènes, l’un aussi insipide que l'autre. Le premier, un désaveu du champ de savoir et d'expertise de la diaspora, l'autre, sa caractérisation de ressemblance avec le grand mangeur local.

Si un mauvais résultat ou l'implication de certains cadres de la diaspora dans la mauvaise gestion de la chose publique fait encore penser qu’ils ne sont pas capables de donner de bons résultats, il faut aussi avouer que certains dirigeants et politiciens haïtiens veulent garder au loin, à partir des lois de la constitution, les cadres valables de la diaspora.

Dans d’autres cas, quand les Haïtiens vivant à l'étranger ne sont pas accusés d’arrogance, ils se sont considérés comme des gens qui ne connaissent pas bien le pays. Toutefois, en dehors des prérogatives constitutionnelles, ces dirigeants locaux sont à court d’arguments quand il faut prouver que leur connaissance du pays nous mène jusqu’à présent à quelque bon port.

Mais dans ce débat, le corps d'évidence est contre des dirigeants locaux. Qui peut donc nier la discipline, la productivité, le respect des lois et toute la culture du travail qui a fait cette grande fédération des États-Unis et de ses habitants! Bien qu'il soit plat de penser que les Haïtiens du terroir ont peur de l'implantation de cette culture en Haïti, jusqu'ici une tentative d'explication alternative reste élusive. On ne peut pas parler de développement sans parler de ressources humaines et de cadres compétents dans les grandes affaires de l'État. N’en déplaise aux cadres bien formés et intègres qui vivent au pays, il est malheureusement établi qu’Haïti a une carence d'individus formés, capables, ou qui ont démontré leur aptitude par cause.

À l'ère de l'interdépendance où le monde est un seul village, en Haïti, on prône encore l’exclusion. La bonne gouvernance ne peut prôner que l’inclusion, car c'est l'unique moyen de rassembler, pour le développement sociopolitique et économique du pays, toutes le âmes capables d'une nation.

 

Prof. Esau Jean-Baptiste

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