Haïti est plus que 27,750 km2

Ce titre peut paraître hasardeux, controversé, mal interprété, ou mal vu par certains. L'idée, ce n'est pas pour diviser davantage un pays qui fait face à toutes sortes de difficultés politiques, économiques et sociales, mais, tout en écrivant ce texte, je voudrais continuer dans la lignée du discours et de l’action de ceux-là qui, avant moi, avaient combattu le défaut fait à des Haïtiens de la diaspora. En un mot, c'est une façon de rappeler aux autorités haïtiennes que l'épopée de Vertières n'a pas été faite pour une Haïti composée d'un petit groupe haïtien rapace et arrogant.

Haïti n’est pas seulement le pays des grandes Antilles qui partage l'ile Hispaniola avec la République dominicaine, mais elle le berceau de l’indépendance de tout homme noir du monde.  Haïti n’est pas seulement ce coin de terre de la Caraïbe d'une superficie de 27,750 km2, et d'une population d'environs d’une dizaine de millions d'habitants, elle est aussi l’extension de tous les Haïtiens dans toutes les communautés haïtiennes de l’extérieur.

Haïti ce sont les frères haïtiens dans les bateys. Ce sont les étudiants, les exilés politiques et les hommes d'affaires qui investissent des million de dollars en République dominicaine.

Haïti, c’est l'extension des milliers haïtiens en Amérique latine. Ce sont aussi les jeunes qui devraient être dans les universités et centres professionnels du pays, mais malheureusement, vu cette situation d'invivabilité imposée par les gangs en costumes et sans costumes, avaient fait le déplacement pour aller prolonger le territoire au Brésil, Chili, Venezuela, etc.

Haïti, c’est cet athlète qui dans des compétitions internationales, fait flotter le bicolore bleu et rouge.  C'est est aussi ces compatriotes pourchassés et humiliés sur la frontière américaine par des agents du pays étoilé, donneur de leçon démocratique et de droits humains.  

Haïti, c’est le citoyen Dukens Nazon, le très populaire buteur haïtien qui évolue en terre étrangère. Il peut, tout en jouant des matchs avec la sélection haïtienne de football, représenter le pays dans toutes les compétitions dans le reste du monde, mais, pour des raisons constitutionnelles, ne peut pas être candidat à un poste électif. «Être  Haïtien d'origine et n'avoir jamais renoncé à sa nationalité.» Voilà donc les conditions constitutionnelles si on veut toutefois briguer un poste électoral comme député, sénateur ou président de la République.

La Constitution de 1987 plus de trente ans après continue de faire défaut à la communauté haïtienne vivant en terre étrangère. Il faut réparer ce tort. La communauté haïtienne de la diaspora veut et réclame ses droits, car ils sont également des Haïtiens.  Ils veulent, politiquement, participer au changement du pays.  Ils veulent une Constitution qui les reconnait ainsi que leurs enfants et petits-enfants. Car ils sont capables comme ils l’ont déjà démontré dans plusieurs grandes communautés que ce soient en Europe, en Amérique et en Afrique, etc.

Après chaque crise politique, coup d'État ou bouleversements sociaux, on fait toujours appel à la communauté internationale pour aider. À leur façon, elle apporte son soutien à des programmes visant le respect des droits humains ou aux réformes institutionnelles du pays. En un mot, des programmes de coopérations sont signés entre l’international et les gouvernements haïtiens que ce soit national ou local.

Pour solutionner certains problèmes sociaux, des dons et des prêts sont aussi faits à Haïti. Malheureusement, tout cela n'est pas suffisant pour faire bouger la nation économiquement. C'est la diaspora, par l'envoi de leur transfert au quotidien qui permet aux familles haïtiennes de respirer économiquement.

De grands contribuables économiques, douzième homme dans les stades étrangers pendant des match de la sélection nationale, et pourvoyeur d’athlètes, particulièrement des joueurs de football dans des compétitions à l’échelle internationale, la diaspora est restée, depuis longtemps, une réserve sur qui peut compter la République d’Haïti. Cependant, cette communauté haïtienne de l'étranger n'a jamais reçu les honneurs que suppose cette vertu d'être prêt à se mobiliser pour défendre le pays.

Il est rare qu'une période électorale se passe sans que la diaspora ne soit visitée par des politiciens en pleine campagne. Ils arrivent d'ici et de là pour envahir nos niches à New York, New Jersey,  Miami, Boston, Montréal, Paris et ailleurs, laissant dans leur traîne l'amertume de fausses promesses sur l'établissement de la reconnaissance de double nationalité ou de cet appel prochain des cadres de la diaspora pour venir finalement participer aux affaires publiques du pays. Mais, une fois arrivés au pouvoir, ils oublient toutes les promesses électorales.  

 

La diaspora, une source mal exploitée par Haïti

Hormis de leurs contributions financières, d’une banque de réserve pour le sport, la communauté haïtienne de l’extérieur dispose de ressources capables de revigorer le système productif et institutionnel d'Haïti. Or cette richesse d’Haïtiens de l’étranger est mise au rencard comme si ces derniers auraient commis un crime de haute trahison à la patrie par la seule cause de partir ailleurs cherchant un ciel plus clément à la réalisation de leur rêve. 

Il est certain qu’on ne peut pas parler de développement sans parler de ressources humaines et de cadres compétents dans les affaires de l'État. Il est malheureusement établi qu’Haïti avec sa vague d'émigration a une carence d'individus formés, capables, ou qui ont démontré leur aptitude par cause. À l'ère de l'interdépendance où le monde est un seul village, chez nous, l'exclusion est la règle. Il faut que cela change et qu’on arrive à la bonne gouvernance prônant l'inclusion de toutes les filles et de tous les fils de la nation dans les affaires publiques et souveraines du pays. 

Pour une Haïti avec une population d’environs d’une dizaine de millions d'habitants, certains estiment que la diaspora haïtienne compte plus de deux millions d'âmes.  Certainement, cette estimation ne prend pas en compte cette diaspora vivant dans les pays d’Afrique et d’Asie qui augmente de jour en jour.  Cela sous-entend que plus d'un quart de ses fils résident à l'extérieur. Ce chiffre fait penser qu'en toute logique, qu'il est impossible à tout gouvernement ou État qui veut penser au développement « d'ignorer ou de laisser à l'abandon une tranche de sa population, sous prétexte que ces ressortissants se trouvent loin de la terre natale. »

Paradoxalement, cet État réclame non seulement l'aide financière, mais aussi il exploite tous les jours les talents sportifs de ces fils qu’il prétend pour des raisons politiques mesquines, ne pas reconnaître.  Donc, si l’État veut être cohérent et s'acquitter de sa dette envers cette force économique, sportive et intellectuelle, il est important que les membres de la diaspora, comme on le fait dans bon nombre de pays, aient la possibilité de jouir pleinement de leurs droits civils et politiques.

Plus de 30 ans après la Constitution post-Duvalier, la diaspora ne semble toujours avoir que des devoirs: envoyer de l'argent en Haïti, jouer des matchs de football, faire pression quand la nation est en danger face aux dictateurs et aux putschistes ou quand l’image des Haïtiens est en jeu, comme dans l'affaire du SIDA.

Plus de trente ans après le vote de la ratification de la Constitution de 1987, les problèmes demeurent entiers quand il s'agit pour la diaspora de partir à la conquête de ses droits politiques. L'Haitiano-Américain, l'Haitiano-Canadien et tous les autres haïtiens vivant à l'étranger ne jouissent toujours pas du droit à la double nationalité. Ils ne peuvent ni élire ni être élus.  Impossible donc pour eux d'occuper des postes électifs «Ayisyen lòt bò dlo yo pa etranje pou Ayiti. »  

S'ils ne sont pas étrangers quand ils doivent apporter leurs contributions économiques et leurs talents dans le domaine du sport, malheureusement ils le sont politiquement. On dirait qu’ils sont considérés comme plus étrangers que les membres de la communauté internationale présents dans le pays.  Si cette diaspora doit avoir des devoirs, il lui faut aussi des droits reconnus, indiscutables, constitutionnels. 

Entre-temps, pendant que le débat sur la double nationalité continue de faire son chemin, les membres de la diaspora, à travers ceux-là qui ont gardé encore leur nationalité haïtienne, doivent, pour le moment, seulement se contenter d'un poste au ministère des Haïtiens vivant à l'étranger. Même là encore, ce poste n'est pas souvent allé au représentant réel de la diaspora.  Dans presque tous les cas, le choix du ministre pouvant représenter la diaspora se porte toujours sur quelqu'un qui ne connaît pas non seulement les problèmes des immigrants, mais non plus les problèmes d’Haïti. Donc, si jusqu'ici c'est à ce simple poste nominatif que doit se résumer tous les efforts de la diaspora, les communautés haïtiennes de l'extérieur veulent des représentants réels à tous les niveaux de la politique du pays se réclamant un activiste politique de la diaspora.

Si un mauvais résultat ou l'implication de certains cadres de la diaspora dans la mauvaise gestion de la chose publique fait encore penser qu'ils ne sont pas capables de donner de bons résultats, il faut aussi avouer que certains dirigeants et politiciens haïtiens veulent garder au loin, à partir des lois de la Constitution, les cadres valables de la diaspora.  Quand les Haïtiens vivant à l'étranger ne sont pas accusés d'être arrogants, certains patriotes d’Haïti, particulièrement les politiciens traditionnels, voient en eux des gens qui ne maitrisent pas la réalité du pays.

Donc Haïti, ce ne sont pas seulement les millions haïtiens qui habitent les 27,750km2 subdivisés en dix départements géographiques. Ce sont aussi tous les Haïtiens de l’étranger qui forment le onzième.

 

Prof Esau Jean-Baptiste

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES