À quand un musée national des arts ?

Après la destruction du Centre d’art durant le séisme et la réduction, au minimal, des galeries d’art, nous voilà devant un fait qui parait un « détail » dans un contexte politique si inquiétant, mais qui montre l’état de décadence dans lequel nous sommes tous un peu empêtrés.

 

Cette situation fait prendre conscience aux uns et aux autres, écrivains, artistes, animateurs culturels, historiens d’art et critiques de leur responsabilité citoyenne à prendre position publiquement pour la construction d’un musée public national. C’est une exigence pour tout intellectuel qui fait de la créativité et de l’imaginaire le domaine de son travail quotidien.

 

Dans les plans de reconstruction de la capitale ravagée par le séisme de 2010, la sauvegarde de la mémoire artistique du pays n’a pas retenu l’attention des responsables tant nationaux qu’internationaux. Accrochés à des priorités de structures administratives à remettre immanquablement sur pied, les dirigeants n’ont pas pensé que la mémoire d’un peuple et la protection de son patrimoine de créativité ne peuvent être passées aux dernières urgences.

 

Notre survie de peuple dépend de notre capacité à faire un pari sur le durable pour sortir de l’éphémère et des projets d’animation culturelle en grande partie financés par des ambassades de nos pays amis. De carnavals aux festivals, des dépenses ont été généreusement faites. L’avenir de la jeunesse, l’équilibre de l’identité nationale, l’implication d’un savoir-faire académique dans l’enracinement d’une culture contemporaine haïtienne qui ennoblit notre humanité mise à rude épreuve.

 

Et nous voilà devenus orphelins d’un lieu national qui nous remettrait en relation organique avec notre esthétique, notre philosophie de la vie et développerait, entre nous d’abord, un « marché de l’art » qui conserverait au pays natal nos richesses immatérielles et imaginatives. Devant un relâchement si dangereux, au milieu d’une conjoncture politique qui cache nos véritables questionnements, l’extérieur nous refile sa propre théorie du fait créateur contemporain haïtien. Si les expositions dans les grands musées ont eu la vertu d’attirer une attention plus soutenue et moins folklorique sur notre production artistique, elles ont, par contre, présenté une Haïti du délabrement, du chaos et de l’art pauvre qui n’a pas servi au travail, éthiquement mieux structuré, d’une production liée à notre histoire et à notre sensibilité antillaise.

 

L’époque des Breton et Malraux est bel et bien révolue ! Le moment actuel est livré à la carence, au déficit esthétique, à la vulgaire copie des décadences et des crises de l’art. WilfredoLam doit se remuer dans son cercueil !

 

Aux intellectuels et artistes organiques, à l’intelligence vive et à la lucidité nationale, enfin, il est venu le temps d’un grand réveil par la proposition d’un solide manifeste culturel. L’exigence de la construction d’un musée national en sera une proposition imposante, évidente et incontournable.

 

La Rédaction

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