Droits humains

Le scandale des prisonniers politiques en Haïti

Le grand quotidien américain Miami Herald a révélé le 26 avril dernier que la justice américaine a classé sans suite les noms des officiels nord-américains soupçonnés d’implication dans l'assassinat du président haïtien et qui ont des liens avec les suspects écroués aux États-Unis et les trois autres présumés coupables se trouvant en Haïti. Les autorités américaines auraient-elles bouclé l’enquête, à défaut de l’avoir bâclée (avec lenteur…) ?

L’article, dont le lien se trouve en bas de ce billet, est assez clair. Washington n’a pas apporté de démenti à cette révélation, pour ne pas dire « accusation » indirecte. Que signifie ce silence de l’Oncle Sam ? Lourd mystère !

D’après nos informations, le dossier n’a pas avancé d’un millimètre. Toujours pas de coupables. Que des suspects. Certains arrêtés, d’autres non. 

Malgré ce flou fort peu artistique, près d'une quarantaine d'individus, notamment des policiers, croupissent illégalement dans les prisons haïtiennes. La justice n'a retenu aucune charge contre eux. Des innocents donc ? D’après nos sources, nombre de ces membres des forces de l’ordre avaient tout tenté pour sauver le président lors de l’attaque.

S’ils sont innocents, pourquoi les garder en prison puisqu’à ce jour, aucune preuve n’a été retenue contre eux. Qui a intérêt à les garder ? Dans quel but ? Autant de questions qui restent sans réponse.

Réactions étranges

Côté haïtien, nulle réaction remarquable à cette publication, contrairement à l’enthousiasme qui s’est exprimé à la lecture des récents articles du New York Times sur l’infamie de la dette néocoloniale imposée par la France à Haïti pour prix de son indépendance. Seuls les anti-impérialistes obsessionnels et mécaniques et ceux qui voient en général partout la main des Nord-Américains se sont re trouvés confortés dans leur soupçon antérieur ; et leur inébranlable conviction, fût-ce en l’absence de toute preuve .

Quant à la presse haïtienne, elle a relayé la publication comme toute autre nouvelle (fake news ou histoire avérée) avant de passer à autre chose. Le pouvoir judiciaire haïtien n’a pas bougé non plus — inertie des plus surprenantes, voire intolérable incurie. N’est-il pas l’organe chargé de mater les crimes de la société.

Le plus étrange, c’est le comportement des politiques : ils n’ont pas réagi raisonnablement à cette révélation car celle-ci vient leur ôter un argument de taille contre leurs adversaires. Depuis le meurtre crapuleux du président Jovenel Moïse, chaque faction accuse le camp adverse d’être mêlé de près ou de loin à cet assassinat. C’était un épouvantail qu’on brandissait tous les jours pour intimider, faire taire, humilier, avilir des ennemis réels ou supposés. Cet article a en quelque sorte remis en question leur sport préféré : la délation.

Ce qui est grave dans cette situation lamentable près d’un an après le crime, c’est la négation des droits élémentaires de tous les « suspects » détenus sans preuve. Cette violation flagrante des droits humains est encore plus odieuse quand on sait  les effroyables conditions dans lesquelles « vivent »les prisonniers en Haïti (exiguïté des cellules, promiscuité, accès difficile aux soins, etc). La qualité d’une démocratie se mesure notamment à l’aune du traitement dont bénéficie le justiciable. On ne saurait impunément d’une main faire traîner une enquête sur un forfait majeur et  de l’autre bafouer gravement le respect dû à toute personne, quelle que soit sa faute s’il l’a commise. Soyons enfin cohérents avec nos principes sacrés ! Il y a urgence. Notre confiance dans la démocratie et l’État de droit en dépend absolument.

La nomination du juge Walther Wesser Voltaire sera-t-elle un pas dans la bonne direction ? On espère que ce magistrat dira et fera appliquer le droit en toute rigueur et impartialité. Il n’est que temps. La justice haïtienne ne peut en aucune manière être celle qui piétine les droits humains. Les Haïtiens — le monde entier ! — attendent légitimement de savoir ce qui s’est réellement passé ce 7 juillet 2021.

Élodie Gerdy

(1) https: // www.univision.com/ Univision - news/ latin - america/ cia - link - assassination - président - moise - haiti

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