Idéologie et terrorisme

Un terroriste, ça théorise. Qu’il envoie quinze feuilles simples interligne sur papier pelure en pure langue de bois (style Brigades rouges) ou qu’il enregistre des prêches dans un studio vidéo clandestin (style al-Qaida), celui qui tue explique. Inversement, l’opinion définira volontiers le terroriste comme un homme qui tue pour des idées (c’est d’ailleurs souvent aussi une femme).

On distinguera son acte, présumé d’inspiration idéologique, de celui, intéressé, du criminel de droit commun et, bien sûr, de celui du criminel passionnel (qui tue les gens à titre personnel, pour ce qu’ils sont ou pour ce qu’ils lui ont fait, comme le cocufier, et pas pour ce qu’ils possèdent ni pour ce qu’ils représentent politiquement ou symboliquement). Mais que signifie vraiment « tuer pour des idées » ?

 

Idées et terreur : trois dimensions

Il nous semble que l’on peut donner au moins trois interprétations à cette expression (et qu’ils ne s’excluent pas mutuellement) :

- Première interprétation : le terroriste tue parce que l’idée le lui commande. « L’idée », cela veut souvent dire en réalité, quelqu’un.

Ce quelqu’un est un stratège qui a monté une organisation clandestine, un intellectuel qui écrit des brûlots, un religieux qui commente la Coran ou la Bible.

Quelqu’un peut aussi être un collectif, quinze représentants de l’intelligentsia de Saint-Pétersbourg qui discutent les livres d’avantgarde et échangent des serments autour du samovar en 1880, par exemple.

Quelqu’un commande, donc.

Mais cette autorité, ce pouvoir hallucinant d’ordonner une mort sans y avoir été autorisé par l’État comme un général ou par la loi comme un juge, quelqu’un le tient de quelque chose.

Il possède une source de légitimité.

Elle réside dans une théorie acceptée par l’exécutant à la fois capable d’expliquer le monde (en termes scientifiques ou en termes religieux) et capable de le transformer.

L’idée légitimante et éclairante, sens de l’histoire menant à la Révolution par exemple, demande réalisation, donc incite à l’action.

Mais ceci, elle ne le fait pas par sa seule force, d’évidence ou de fascination. L’idée qui mène à tuer n’est pas seule : elle forme, entourée et soutenue par d’autres idées un édifice mental cohérent qui s’appelle idéologie.

L’idéologie a ceci de merveilleux qu’elle ne consiste pas seulement en une série d’affirmations, portant généralement sur des rapports de pouvoir, et auxquels on pourrait adhérer ou pas.

Elle fournit des réponses à des questions futures, des ripostes à des objections éventuelles, et des grilles mentales pour comprendre ce que les autres ne comprennent pas. Les autres - trompés par les mensonges adverses, abrutis par les médias et victimes, finalement, de l’idéologie dominante, car nous nous ne pratiquons pas l’idéologie, mais la vérité ou la science - ne saisissent pas ce qui crève les yeux : le complot des Juifs et des Croisés, le prochain effondrement du capitalisme, l’oppression que font régner sur nous les étrangers qui nous occupent.

Toute idéologie n’implique pas une théorie du complot ni ne désigne forcément des boucs émissaires.

Toute idéologie n’incite pas obligatoirement à massacrer des gens pour se réaliser. Mais il se trouve facilement des interprètes, des leaders qui parlent en son nom, donc « en vérité », qui démontrent comment la cohérence entre analyse et objectifs implique le passage, soit par le stade de la répression s’ils sont au pouvoir, soit par le stade du terrorisme s’ils n’y sont pas.

L’idéologie est sollicitée pour produire à la fois l’explication des malheurs du monde, le plan pour le changer, le nom de l’acteur qui en est chargé et la méthode, souvent sanglante, qui y mène.

Parfois, cela peut mener à d’étonnantes acrobaties dialectiques pour démontrer que l’on est bien autorisé à tuer et même qu’il faut le faire.

Ainsi, Lénine a condamné sans ambiguïté le terrorisme dit individuel : c’est au parti d’apporter de l’extérieur sa conscience historique qui manque au prolétariat et à lui de le mener sur la voie de la révolution quand les conditions objectives sont réunies. Pas question d’espérer que quelques illuminés, romantiques petits-bourgeois, tuant quelques généraux ou fonctionnaires puissent renverser le puissant édifice élevé par la bourgeoisie.

Une fois au pouvoir, Lénine n’est pas hostile à une terreur d’État pour paralyser les éléments contrerévolutionnaires, mais ceci est une autre histoire. Et pourtant une bonne partie des gens qui ont posé des bombes ou fait des attentats au cours des quarante dernières années se réclamaient du léninisme.

Soit ils mêlaient leur marxismeléninisme à du tiers-mondisme ou à de l’anticolonialisme, même très primaires comme les Tigres Tamouls, et ils expliquaient qu’ils étaient une armée de libération.

Soit ils agissaient dans des démocraties occidentales, comme la Rote Armee Fraktion ou les Brigades rouges, et ils faisaient des pages d’analyse sur le « sujet historique » ( la nature du prolétariat), l’état des contradictions du front de classe, etc., ils en concluaient qu’ils pratiquaient la guérilla des métropoles, des actions de partisans ou qu’ils constituaient un parti communiste combattant menant un combat politico-militaire : rien à voir avec le terrorisme individualiste.

Ainsi envisagée, l’idéologie tue en légitimant une certaine violence qu’elle montre comme défensive, historiquement justifiée, au service du peuple, voulue par Dieu ...

- Deuxième explication souvent avancée : l’idéologie est comme dotée d’une force autonome. Elle hypnotise ou égare ses partisans, les rend fanatiques, donc assassins.

Le terroriste serait alors un idéaliste égaré qui, à trop croire au monde parfait, à trop adhérer à un utopisme dévoyé, en somme, perd tout contact avec la réalité.

Il fait le mal, tuer des innocents ou des lampistes, parce qu’il est trop persuadé que le Bien est inéluctable.

Ou pour le dire à la façon de Dostoïevski, les idées sont des démons (les démons est, paraît-il, une meilleure traduction du titre de livre que l’on a connu pendant des générations comme les possédés) : elles habitent et rendent fous des malheureux.

Après tout, comme le dit Hannah Arendt « Une idéologie est précisément ce que son nom indique : elle est la logique d’une idée…. L’émancipation de la pensée à l’égard de l’expérience. »

D’un côté, le terroriste est bien, en effet, celui qui, poursuivant une fin déterminée par l’idéologie, comme la Révolution et se trouve entraîné à utiliser des moyens de plus en plus extrêmes au service d’un but qui recule sans cesse - et pour causebien qu’il croie toujours l’atteindre avec un supplément de violence ou de dévouement à la cause.

Dans cette optique, l’idéologie est à la fois motivante (elle incite, elle suscite une passion) et déréalisante (elle s’interpose entre le réel et l’activiste voire le terroriste).

- Troisième interprétation du rapport idéologie/terrorisme, qui est suggérée par une phrase de Camus dans les Justes : « Quand il tue un homme, il croit tuer une idée ». C’est plutôt un développement de l’idée précédente qu’une alternative : le problème ne serait pas tant que le terroriste perde le sens moral ou le sens commun dans la folle poursuite de son rêve, c’est qu’il y trouve trop de sens. Il a une vision symbolique de la réalité. Là où nous voyons un fonctionnaire ou un policier, le terroriste voit une incarnation de l’État ou de la Répression.

Là où nous pensons qu’il y a des victimes innocentes dans un autobus, un kamikaze dément qui se fait sauter, ce dernier évalue un système compliqué de compensation : il n’échange pas sa mort contre un certain nombre de houris au paradis (ce serait un peu simpliste), mais où s’applique la loi du talion. Le sang versé aujourd’hui s’inscrit dans une comptabilité séculaire des morts de l’Oumma et chez ses ennemis.

Là où les statistiques constateront le X° attentat à l’explosif de l’année, le terroriste pensera qu’il s’agit d’un épisode décisif du développement de la lutte politico-militaire des masses et qu’elles ont reçu là un message décisif qui transformera leur conscience. L’idéologie serait donc coupable par emphase et surinterprétation.

Le terroriste croit que chacun de ses actes doit d’une part révéler encore un peu plus combien l’idéologie est vraie, et d’autre part offrir à d’autres la révélation de la vérité. En ce sens tout terroriste est (ou se prend pour) un intellectuel : ce n’est pas quelqu’un qui se caractérise par un usage particulièrement fréquent de son cerveau, mais par la volonté de peser sur les affaires du monde par le poids des idées.

Un intellectuel d’un genre particulier, car contrairement à l’intellectuel de papier qui est autorisé à faire connaître son opinion privée sur les affaires publiques par le consentement des médias, le soutien de ses admirateurs ou la reconnaissance de ses pairs, l’intellectuel de la poudre s’autorise à interpeller le monde par l’audace de son acte.

Discours terroriste : poudre et encre

Pour décrire les rapports entre terrorisme et idéologie, il faut se référer à ce qui constitue parfois son modèle fantasmique : la guerre « classique ». Il se vit en effet souvent comme guerre du pauvre, guerre de partisans, action du parti politico-militaire, et autres qualifications qui renvoient à la guerre étatique.

Pas de guerre sans idéologie. Quand bien même nous supposerions des conflits « primitifs » où chacun tue l’autre uniquement parce qu’il appartient à une autre tribu ou occupe un autre territoire (et il n’est pas du tout certain que les préhistoriens adhèrent à une vision aussi simpliste), quand bien même nous présumerions quelque chose de spontané (nous n’avons pas dit : naturel) dans ces tueries collectives dont sont incapables d’autres espèces, il y faudrait un minimum de productions imaginaires et symboliques. Une explication purement « instinctuelle » de la guerre (décharge d’une pulsion agressive, par exemple) est forcément limitée par la dimension collective du conflit armé : une communauté fait des morts au sein d’une autre communauté, visée en tant que telle, souvent de façon ordonnée et hiérarchisée. Rien de tout cela (identification à la collectivité, désignation du groupe ennemi, acceptation d’une source d’autorité justifiant que l’on donne sa vie pour elle), rien n’est possible sans ces représentations du monde que l’on nomme idéologie, même sous une forme extrêmement primaire. Suivant les guerres, soit la stimulation politique et le rappel idéologique sont un objectif constant (entretenu par des commissaires politiques ou commissaires aux armées, par exemple), soit il est entendu une fois pour toutes que mourir pour la patrie est le sort le plus doux, le plus digne d’envie, et que “nous” luttons pour une juste cause, et il suffit de laisser faire le principe d’autorité renforcé par la discipline des armées.

Les mêmes principes de base peuvent se retransposer à * l’action terroriste : elle est inimaginable sans un puissant facteur de fusion au sein du groupe combattant (et, en arrière plan, ce qu’il est censé représenter : le peuple opprimé par exemple), sans capacité d’identifier des cibles licites “représentant” l’ennemi et sans un principe disciplinaire reposant sur la croyance, le cas échéant jusqu’au bout : le sacrifice du kamikaze.

La différence, le facteur qui rend l’action terroriste encore plus dépendante d’une représentation idéologique, tient à ce que le groupe terroriste se comporte comme un souverain ou un État souverain : il déclare la guerre, il condamne à mort, il exécute des sentences, il envisage de négocier avec des États.

Mais qu’il ne dispose pour cela d’aucune autorité reconnue. Seule la croyance peut y suppléer. En disant cela, nous ne voulons nullement sous-entendre que les groupes terroristes soient par nature plus délirants, plus fanatiques ou plus coupés de la réalité que les acteurs étatiques (ceux qui par exemple, exercent une terreur venue d’en haut) : il y a certainement égalité en ce domaine. Simplement, le terroriste doit passer son temps à justifier en doctrine et à resserrer par des idées les liens qui naissent de passions politiques communes. Il n’a pas pu déléguer à un dispositif hiérarchique et institutionnel cette tâche qu’il doit accomplir avec des mots convaincants chaque jour.

Parmi les « besoins idéologiques » du terrorisme, on pourra nommer :

- Le besoin casuistique/éthique

Il faut résoudre les cas de conscience de ses membres (ou donner de bonnes raisons à d’éventuels sympathisants). Accusé tout à la fois d’être criminel, fourbe (il se cache) et lâche (il frappe des victimes innocentes), le terroriste est à certains égards comme le pirate d’autrefois : assimilé à un ennemi du genre humain, coupable d’un crime qui ne mérite pas la protection des lois ordinaires. Ainsi, le terroriste doit perpétuellement se justifier de tuer ou de risquer de le faire, surtout aux yeux du camp qu’il prétend représenter (les vrais Irlandais, les vrais Basques, les prolétaires, les musulmans..). Pour cela

- ne pas se couper des masses - il doit expliquer que la victime n’était pas innocente (elle coopérait, éventuellement à son insu, au système haï), qu’il y a légitime défense (le vrai terroriste, c’est l’État répressif) , que le sang versé aujourd’hui en économise davantage (il vaut mieux que la prise de pouvoir soit menée par une minorité organisée que par une foule qui se ferait massacrer à la première tentative)... De façon plus générale, le terroriste doit se référer à une Loi supérieure, que ce soit celle de Dieu ou de l’Histoire, pour contester le droit positif que l’ennemi veut lui appliquer. Par exemple, le terroriste refuse de se soumettre aux lois criminelles et veut être considéré comme un prisonnier de guerre. Ainsi, les membres de la Rote Armee Fraktion faisaient grève dans les années 76/77 dans l’espoir de se voir appliquer la convention de Genève dans leur prison de Stammheim. Revendication surréaliste pour la plupart des gens, mais cohérente avec leur logique : celle de la « guérilla métropolitaine ».

- Le besoin historique/stratégique

Le terroriste se veut un acteur de l’Histoire : ce qu’il fait aujourd’hui aura des conséquences qui s’inscriront durablement dans les rapports de pouvoir (par exemple : il se bat pour l’indépendance nationale ou pour renverser un système perverti et autoritaire). Du coup, il développer une seconde argumentation : non seulement son acte est moralement bon (cf plus haut), mais il est stratégiquement justifié.

Son efficacité, et donc la valeur des sacrifices qu’il impose et s’impose, se doit d’être démontrée par un raisonnement stratégique global : faiblesse de l’ennemi, « tigre de papier » succès de la mobilisation, multiplication des soutiens externes, exemples de succès à imiter. La question devient tout à fait cruciale si le terroriste se réclame d’une doctrine structurée comme le marxisme-léninisme.

Comme on le sait, Lénine était très hostile au terrorisme individuel, et pas du tout au terrorisme d’État. Il estimait en effet :

1) que la révolution doit se produire quand les conditions objectives sont réunies

2) que les initiatives gauchistes, individualistes, petites-bourgeoises etromantiques sont vouées à l’échec

3)qu’il appartenait au parti et au parti seul d’apporter de l’extérieur sa conscience historique au prolétariat

4)que seul le « sujet historique » désigné par Marx, i.e. le prolétariat, peut pratiquer une violence politique libératrice et légitime.

Résultat : des générations de brigadistes italiens ou d’activistes allemands ont développé des trésors de dialectique pour démontrer que leur action ne tombait pas sous le coup des objections léninistes : non, ils n’étaient pas une poignée d’intellectuels coupés des masses ;

non, ils étaient bien représentatifs du « sujet historique », non ils n’étaient pas des conspirateurs « blanquistes », ils construisaient le véritable Parti communiste combattant qui allait supplanter les partis révisionnistes pseudo-marxistes...

- Le besoin éristique/polémique.

On ne lutte pas seulement bombe contre tanks, guérillero urbain contre policier ou pistolets contre mitrailleuse : le combat a aussi lieu au royaume des idées et à travers les médias. Le terroriste est persuadé de mener une action d’analyse idéologique : et par le texte et par l’action, il déchire les voiles de l’illusion qu’a créées l’adversaire, le dominant. Il décrypte et interprète.

Il s’efforce de révéler combien est faux le discours officiel - celui qui criminalise le terrorisme, par exemple, ou qui prétend que l’ordre établi est « démocratique ». Par la provocation (obliger l’autre à réprimer et à montrer ainsi son « vrai visage ») ou par la réfutation (ridiculiser la prétention des autorités à représenter un système démocratique), le terroriste entend opposer sa vérité à l’idéologie officielle.

La vérité, c’est, dans le cas des jihadistes qu’il y a une conspiration mondiale des Juifs et des Croisés, dans le cas des marxistes, que la démocratie formelle dissimule la contre-révolution préventive et la fascisation du système, dans le cas des terroristes indépendantistes que le pays est occupé par une puissance étrangère qui l’exploite cyniquement, etc.. Or toutes ces révélations demandent lutte militaire, plus contradiction intellectuelle, plus un bon usage des médias pour bien faire connaître les deux. Comme on s’en doute, plus le terroriste, surtout de gauche, lutte contre un régime réputé démocratique (comme la France de Mitterand, l’Italie d’Andreotti ou l’Allemagne de Willy Brandt), plus cet exercice de déconstruction est important pour lui.

 

- Le besoin pédagogique/prosélyte.

C’est l’autre façade du volet précédent.

Le terrorisme se veut une discipline d’éveil : il a un public naturel (généralement : le peuple) qu’il presse de rejoindre son combat. Au défi symbolique qu’il adresse au fort, doit correspondre un message d’espoir adressé au camp qu’il entend représenter dans la partie historique en cours. Un message d’espoir avec des bombes ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, nombre d’activistes sont persuadés qu’ils redonnent courage aux opprimés en leur révélant que les oppresseurs aussi peuvent connaître la peur ou l’humiliation et en châtiant spectaculairement les oppresseurs.

On ne saurait mieux dire en ce domaine que les narodniki russes (révolutionnaires anti-tsaristes qu’il serait plus exact d’appeler « populistes » que « nihilistes ») qui, dès les années 1880, écrivaient dans leur programme : « L’activité terroriste consiste en la destruction des membres les plus dangereux du gouvernement, la protection du parti contre les espions, et la punition de l’arbitraire et de la violence officiels, dans tous les cas où ils se manifestent les plus visiblement et avec le plus d’excès . Le but d’une telle activité est de détruire le prestige du gouvernement, du démontrer constamment qu’il est possible de poursuivre la confrontation avec le gouvernement, de stimuler ainsi l’esprit révolutionnaire au sein du peuple et finalement de former un corps adapté et entraîné à la guerre.»

Au final, un terroriste, ce n’est pas seulement quelqu’un qui tue pour des idées (ou qui croit frapper des idées quand il frappe les gens qui les représentent), c’est quelqu’un qui croit que chacun de ses actes, surtout le plus brutal, doit perpétuellement démontrer la vérité de l’Idée.

 

François-Bernard Huyghe

 

 

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