Le cadre légal du droit à l’éducation des personnes à mobilité réduite : Une pure utopie en Haïti

L’article 32 de la Constitution haïtienne de 1987, amendée le 9 mai 2011, précise ceci : « L’État garantit le droit à l’éducation. L’enseignement est libre à tous les degrés. Cette liberté s’exerce sous le contrôle de l’État ». La loi relative à l’intégration des personnes handicapées et des conventions signées et ratifiées par Haïti font obligation à l’État haïtien de rendre accessible l’éducation aux personnes atteintes d’un handicap. Cependant, les pratiques liées à l’éducation nationale ne favorisent pas l’inclusion des enfants de cette catégorie. Ce qui laisse le champ libre à quelques organisations non gouvernementales de prendre en charge quelques enfants de cette catégorie marginalisée, mais en soi qui n’aboutit pas véritablement à un parfait résultat.

En Haïti, ces derniers temps, il nous est vraiment difficile de trouver des expressions suffisantes pour présenter la situation éducative des personnes à mobilité réduite. En dépit des efforts consentis par des instances nationales et internationales pour trouver des réponses cohérentes à ce problème, malheureusement, cette situation continue à se dégrader davantage.

En date du 12 octobre 2019, un rapport des Nations unies précise que sur le plan éducatif les personnes handicapées sont livrées à elles-mêmes dans la société haïtienne, ce qui entraine toute une sorte de marginalisation, de préjugé et de stéréotype contre elles. Ainsi, leur scolarité reste et demeure incertaine et leur avenir est anéanti complètement. En plus, ceux qui fréquentent l’école ne sont pas vraiment à l’abri, car on leur donne un mauvais traitement et subissent des discriminations ; ce qui leur empêche d’intégrer véritablement le système éducatif haïtien ainsi que la société haïtienne.

Alors qu’il existe tout un arsenal juridique très riche contenant des textes nationaux et internationaux traitant et protégeant le droit à l’éducation des personnes handicapées. Cet arsenal juridique, tenant compte de la situation scolaire alarmante des personnes déficientes, devrait y avoir pour consistance, faire régner une cohésion sociale inclusive sur le plan éducatif en faveur de ces personnes au sein du corpus social haïtien.

Il devrait aussi servir de modèle et de référence juridique pour l’État haïtien qui traduirait sa ferme volonté d’agir et de combattre toutes les formes d’inégalités et de discrimination scolaire contre les personnes déficientes, tout en donnant une nouvelle orientation globale à la question du handicap en Haïti. Mais dans la pratique, c’est le contraire qui se produit quotidiennement, les rapports et données statistiques de certains organismes privés et étatiques confirment cette triste réalité.

En termes d’accès, le taux de fréquentation scolaire selon un rapport du Réseau associatif national pour l’Intégration des Personnes handicapées (RANIPH) est estimé à environ 10 % des enfants vivant avec une déficience fréquentent l’école haïtienne, contre 90 % qui n’ont pas de déficience qui ont accès à l’éducation ». Du coup, cela explique que le cadre légal concernant la protection du droit à l’éducation des personnes à mobilité réduite n’est qu’une utopie, car il n’est pas efficace et respecté en Haïti. Le paradigme inclusif qu’implique l’école, et plus généralement la société, ne s’adapte pas au besoin éducatif particulier de tous les enfants à mobilité réduite, ne facilitant pas leur scolarisation et leur participation sociale.

Pendant ce temps, l’article 32 de la Loi du 13 mars 2013 relative à l’Intégration des Personnes handicapées en Haïti précise très clairement que : « L’accès à l’éducation est garanti a toutes les personnes handicapées. L’exclusion du système éducatif, fondée sur le handicap, est formellement interdite ». Et l’article 32-1 de la Constitution haïtienne de 1987 prescrit également que : « L’éducation est à la charge de l’État et des collectivités territoriales ». D’autres instruments légaux internationaux, notamment les deux Pactes Jumeaux de 1966 des Nations-Unies font obligation à l’État de rendre accessible l’éducation à toutes et à tous sans discrimination et préjugés sur toute l’étendue du territoire national.

Cependant, nous avons toujours eu une tendance à considérer les instruments des Droits de l’Homme comme étant tout simplement de la pure théorie et qu’on oublie fort souvent l’aspect pratique. C’est ce qui explique actuellement les mauvaises conditions des personnes handicapées en Haïti en termes d’éducation et leur participation concrète à la vie culturelle. L’État s’adonne à une violation flagrante de ce droit, et ces dernières dans les politiques publiques et stratégiques ne sont pas prises en compte.

Par exemple, le Bureau du Secrétaire d’État à l’Intégration des Personnes handicapées (BSEIPH), dans un rapport datant de 2018, affirme que durant la période allant de 2010 à 2018, une seule école pour les enfants handicapés n’a été construite dans le pays et les quelques-unes qui leurs sont disponibles sont en mauvais état : Pas de matériels pédagogiques et didactiques. Aussi, chaque année l’État haïtien subventionne les matériels scolaires des élèves normaux dans le système éducatif, alors qu’il néglige ceux qui vivent avec une déficience.

Toujours selon le même rapport susmentionné, il n’existe que vingt-trois (23) écoles spéciales et centres de réadaptations pour les enfants handicapés dans tout le pays dont trois (3) publiques (toutes fonctionnant principalement à Port-au-Prince), pendant ce temps que la majorité des personnes ayant une déficience vivent en milieu rural, ne disposant pas d’écoles qui peuvent leurs aider à jouir de ce droit fondamental transversal.

Face à une telle situation, il est urgent et nécessaire de garantir une éducation inclusive qui s’adaptera aux besoins de tous les élèves, qui prendra aussi en compte leur société et respecte leur culture. L’éducation inclusive qui est un nouveau concept élaboré après le Forum mondial sur l’éducation organisé par l’UNESCO en 2015 consiste à garantir le droit à l’éducation de tous les élèves en respectant leurs multiples besoins, capacités et caractéristiques tout en éradiquant toutes les formes de discriminations dans l’environnement d’apprentissage.

L’État doit mettre en oeuvre tout un mécanisme pour faciliter l’accessibilité aux infrastructures scolaires qui sont actuellement inadaptées et permettre aux enseignants d’avoir un accès constant à des formations spéciales, d’ailleurs c’est l’un des principaux handicaps à l'inclusion de ces enfants. Il doit prendre plus au sérieux ses responsabilités, c’est-à-dire, qu’il devrait penser à construire de nouvelles écoles spéciales pour le compte des enfants handicapés et subventionner les documents qui leurs sont adaptés, car ils coûtent très cher et ne se vendent pas en Haïti. Donc, c’est à partir d’une telle approche que nous y arriverons, non seulement à faire appliquer le cadre légal du droit à l’éducation des Personnes à mobilité réduite, mais également, à garantir l’égalité des chances et la participation citoyenne indistinctement dans la société haïtienne.

 

Maykel Julien Jhon Peter LOUIS
Élève Avocat au Barreau de Port-au-Prince
Masterant en Droit public, Université des Antilles

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