Jeunes des quartiers populeux : véritables victimes de la violence structurelle

Quand un bon matin, certaines couches sociales se lèvent et investissent le macadam pour revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail, et un salaire décent, et que quelques pare-brise de véhicules sont cassés, on leur attribue l’épithète d’individus violents, comme quoi, le groupuscule, lui-même, qui assassine l’espoir de ces jeunes et tue leurs rêves n’est pas plus violent. Comme quoi, cette catégorie sociale qui accapare la quasi-totalité de la richesse du pays et qui refuse d’investir dans des secteurs-clés pouvant faciliter le développement durable n’est pas violente.

En d’autres termes, tous les actes de corruption, d’insécurité, de banditisme, de criminalité organisée ou isolée comme la disparition et l’assassinat d’individus ne sont-ils pas le résultat de la violence structurelle dont l’État et une frange du secteur privé des affaires détiennent les manettes de commande? En vrai, je suis persuadé qu’ il n’y a pas de bandits nés comme tel], que ce soit à Grand-Ravine, à Tibwa, à Cité Soleil ou au Bel-Air...

Il existe seulement des milliers de jeunes instrumentalisés par nos élites économique et politique dans les milieux défavorisés et défavorisant. Disons, là où l’État est inexistant et échoue à assumer correctement ses responsabilités, des individus, en l’occurrence ceux qu’on appelle les bandits, tentent malheureusement de le faire à sa place tant mal que bien. D’ailleurs, ils refusent eux-mêmes de se faire appeler bandits, mais s’identifient à: “ nèg k ap fè sosyal, nèg k ap ede moun”. Des acteurs de l’ombre les utilisent contre leurs propres frères et soeurs, contre celles et ceux qui sont de la même origine sociale qu’eux et qui connaissent pratiquement au quotidien les mêmes problèmes sociaux qu’eux.

Le fait est que ces jeuneslà, puisqu’ils mènent une vie précaire et vulnérable et vivent dans la misère la plus abjecte, les acteurs politiques parviennent à les manipuler facilement en les transformant en de véritables rejets et adversaires farouches de la société haïtienne afin d’asseoir, aussi catastrophique que cela puisse paraître, leur pouvoir politique.

Personnellement, je suis convaincu que ces jeunes, à leur âge, devraient être sur le banc de l’école ou de l’université pour se former et devenir des individus qui peuvent être utiles à la société haïtienne qui en a grand besoin. C’est là une des voies contre celle qui leur est proposée, qui leur permettrait de pouvoir se reproduire dans le respect et la dignité humaine.

Voyons, nous sommes en présence de jeunes compatriotes qui ne peuvent même pas répondre à leurs besoins sociaux de base.

Alors, où trouvent-ils les moyens économiques pour l’achat d’armes lourdes et des munitions en quantité qui servent à perpétrer de tels actes combien crapuleux? Je me pose les questions suivantes: en lieu et place des armes, pourquoi ne pas implanter des écoles professionnelles dans ces quartiers populaires? Pourquoi ne pas y construire des centres de loisirs, des logements sociaux décents et des infrastructures sportives?

Pourquoi l’État et le secteur privé ne s’inscrivent pas dans un processus de création d’emplois pour une société plus ou moins juste et équilibrée ?

Ce serait l’une des meilleures façons de garantir l’avenir de ces jeunes-là en leur donnant une autre alternative, celle-là au profit de toute la société. Or ce qu’ils (ces jeunes) n’arrivent pas encore à comprendre jusqu’au moment où j’écris ces quelques lignes, ce n’est pas contre leurs pairs qu’ils devraient se battre, mais plutôt contre les thuriféraires, ceux-là qui sont le gardien impénitent de ce système omnivore.

Moi, en tant que jeune conscient, je connais presque tous les gens d’en bas sont mis dans le même panier et subissent les mêmes injustices sociales. Ce pourquoi, les militants pour le changement social doivent avoir la conviction inébranlable et le sentiment d’appartenance pour mener une lutte constante contre cette forme d’organisation sociale qui a trop perduré dans l’espace et fait des adeptes. Cependant pour y parvenir, ils ont l’impérieuse obligation d’agir en toute transparence, d’unir leurs forces et de converger leurs idées autour d’intérêts collectifs. Sinon tôt ou tard, ce sera l’effondrement de la société haïtienne.

Lorsque dans un quartier populaire, les services sociaux de base sont inexistants, il s’agit d’une des formes de violence la plus cruelle dirigée contre ces populations. Je dis qu’ils méritent d’être traités comme des êtres humains, en leur permettant d’avoir de meilleures conditions matérielles d’existence et d’aspirer à un minimum de bien-être socioéconomique.

Tant que la lutte pour la redistribution de la richesse du pays n’est pas effective et réelle, tant que nous ne nous battons pas pour une société égalitaire, il y aura encore et toujours des crimes odieux qui font pleurer les familles haïtiennes. Brisons donc cette chaîne de violences qui sévit dans la société haïtienne contre les jeunes, et que l’État cesse d’être le grand complice ou même l’un des auteurs de cette violence. Quant aux prétendus bandits, ouvrez vos yeux, tôt ou tard, vous serez tués ou emprisonnés avec la complicité même de vos parrains.

 

Willy Joseph

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