Des Casques bleus à n’en plus finir dans une transition qui n’en finit pas

Cela fait longtemps qu’à chaque fois que des experts internationaux veulent se référer à Haïti, ils la présentent toujours comme un État failli. Tandis qu’à chaque fois que Pierre Raymond Dumas veut faire mention des expériences démocratiques post-Duvalier en Haïti, il, parle toujours de cette transition qui n’en finit pas.

Est-ce la transition continue qui fait d’Haïti un État failli ou son état de défaillance qui permet à cette transition de n’en plus finir ? 

Les trente dernières années de transition démocratique en Haïti suscitent bien des remous au sein de la classe politique, la société civile, la communauté internationale, et tous ceux qui réfléchissent sur la problématique haïtienne. Des questions se posaient, celles qui avaient obtenu des réponses et d’autres sur lesquelles, il faudrait encore bien s’attarder.

À dessein, certains se demandaient à tort ou à raison quelles sont les retombées positives, en termes de changements sociaux et économiques, de la démocratie en Haïti, particulièrement pour les masses défavorisées ? 

Pour certains, Haïti est un état en faillite. Pour d’autres, elle est le terrible exemple d’une double impuissance, à savoir locale et internationale. À telle enseigne, ils considèrent que ‘’la situation sur le terrain est aujourd’hui très volatile’’. Oui, il est visible à tout le monde qu’Haïti traverse des moments très difficiles. Peut-elle s’en sortir par elle seule, se questionnent des experts ? Définitivement, non.  Elle ne peut pas s’en sortir toute seule. 

Plus que jamais, Haïti a besoin de l’aide internationale pour l’aider à résoudre le problème de l’insécurité, et ensuite construire des prisons pour mettre les bandits de toutes catégories derrière les barreaux. Puis organiser des élections crédibles pour que le pays puisse, enfin, diriger par des compétents avec un programme de développement durable.

Le pays a aussi besoin de reconstruire les bâtiments publics et privés, aussi bien que des logements sociaux pour la population surtout celle-là dont leurs maisons avaient été détruites durant les terribles tremblement de terre du 12 janvier 2010 et de 14 aout 2021. De plus, transformer l’agriculture, créer un système industriel moderne pouvant répondre aux besoins des villes, est aussi une priorité. 

Tout en se faisant, Haïti pourrait développer et établir les moyens pour une classe moyenne forte, ce qui, à moyen terme, va freiner la fuite massive des cerveaux vers l’extérieur. Et, une fois la décentralisation devient une réalité, l’exode rural ne sera plus une préoccupation pour les autorités des villes urbaines. 

Mais, définitivement, Haïti n’a pas besoin d’une autre force d’occupation. Encore d’autres Casques bleus des blancs pour des noirs.  Pour quoi faire ? C’est ce qu’avait pensé un ancien représentant de l’OEA en Haïti qui avait adressé un véritable réquisitoire contre la présence des forces multinationales dans le pays.

Et ce personnage n’est autre que Ricardo Seintenfus   

Ricardo Seitenfus avait, de 2008 à 2010 représenté l’Organisation des États américains en Haïti. Selon le représentant de l’OEA en Haïti, « Depuis 1990, nous en sommes ici à notre huitième mission onusienne. Haïti vit depuis 1986 et le départ de Jean-Claude Duvalier ce que j’appelle un conflit de basse intensité. Nous sommes confrontés à des luttes pour le pouvoir entre des acteurs politiques qui ne respectent pas le jeu démocratique. »

Il poursuit « Pendant deux cents ans, la présence de troupes étrangères a alterné avec celle de dictateurs. C’est la force qui définit les relations internationales avec Haïti et jamais le dialogue. Le péché originel d’Haïti, sur la scène mondiale, c’est sa libération. Les Haïtiens commettent l’inacceptable en 1804: un crime de lèse-majesté pour un monde inquiet. L’Occident est alors un monde colonialiste, esclavagiste et raciste qui base sa richesse sur l’exploitation des terres conquises. Donc, le modèle révolutionnaire haïtien fait peur aux grandes puissances. »

Ricardo Seitenfus a concedé «Dès le départ, l’indépendance est compromise et le développement du pays entravé. Le monde n’a jamais su comment traiter Haïti, alors il a fini par l’ignorer. Ont commencé deux cents ans de solitude sur la scène internationale. Aujourd’hui, l’ONU applique aveuglément le chapitre 7 de sa charte, elle déploie ses troupes pour imposer son opération de paix. On ne résout rien, on empire. On veut faire d’Haïti un pays capitaliste, une plate-forme d’exportation pour le marché américain, c’est absurde. Haïti doit revenir à ce qu’il est, c’est-à-dire un pays essentiellement agricole encore fondamentalement imprégné de droit coutumier. Le pays est sans cesse décrit sous l’angle de sa violence. Mais, sans État, le niveau de violence n’atteint pourtant qu’une fraction de celle des pays d’Amérique latine. Il existe des éléments dans cette société qui ont pu empêcher que la violence se répande sans mesure. », entrevue accordée au journal Suisse Le Temps le 20 décembre 2010

Il ajoute « c’est le concentré de nos drames et des échecs de la solidarité internationale.  Nous ne sommes pas à la hauteur du défi.  La presse mondiale vient en Haïti et décrit le chaos.  La réaction de l’opinion publique ne se fait pas attendre. Pour elle, Haïti est un des pires pays du monde.  Il faut aller vers la culture haïtienne, il faut aller vers le terroir.  Je crois qu’il y a trop de médecins au chevet du malade et la majorité de ces médecins sont des économistes. Or, en Haïti, il faut des anthropologues, des sociologues, des historiens, des politologues et même des théologiens.  Haïti est trop complexe pour des gens qui sont pressés; les coopérants sont pressés. Personne ne prend le temps ni n’a le goût de tenter de comprendre ce que je pourrais appeler l’âme haïtienne. Les Haïtiens l’ont bien saisi, qui nous considèrent, nous la communauté internationale, comme une vache à traire. Ils veulent tirer profit de cette présence et ils le font avec une maestria extraordinaire. Si les Haïtiens nous considèrent seulement par l’argent que nous apportons, c’est parce que nous nous sommes présentés comme cela. »

Et c’est cette Haïti qui à tout moment peut exploser de la moindre étincelle, que l’actuel Secrétaire général de l’OEA, après avoir contribué dans la merde que le pays se trouve actuellement, veut envoyer d’autres Casques bleus pour la déstabiliser davantage.la situation. Dans ce va-et-vient réglable et incessant des missions sans résultats concrets de la communauté internationale, c'est qu'elle n'en finit pas de nous nuire.   

Une occupation qui n’en finit pas

De 1993 à aujourd'hui, Haïti a accueilli presqu’une dizaine de missions d'appui et de maintien de la paix comme : la MINUHA (Mission des Nations unies en Haïti) la MANUH (Mission d'appui des Nations unies en Haïti), la MITNUH (Mission de Transition des Nations unies en Haïti), la MIPONUH (Mission de police civile des Nations unies en Haïti), la MINUSTAH (Mission des Nations unies pour la Stabilitté en Haïti, MINUJUSTH (Mission des Nations unies pour l’appui à la Justice en Haïti et actuellement BINUH (Bureau intégré des Nations unies en Haïti. De la MINUHA au BINUH, le pays continue à se déstabiliser.

De plus, pendant les dix dernières années, Haïti a reçu la visite de beaucoup de chef d'État étrangers aussi bien que des experts dans tous les domaines. Quant aux ONG (Organisation non gouvernementale), elles poussent, surtout après le séisme du 12 janvier 2010, comme des mauvaises herbes dans des terrains abandonnés. « A-t-elle enseigné qu'on peut parler de république des ONG », mentionnait Raymond Délerme.

Mais, comme toujours, si la présence de ces organisations continue de faire l'affaire d'un petit groupe de privilégiés, quant aux masses défavorisées, elles n'ont rien vraiment bénéficié des actions dites humanitaires de ces institutions.  

On dirait que c'est un pays qui défie toutes les expertises. « La population n'a pas pu voir les bénéfices de cette coopération qui, trop souvent, a pris la forme ‘’d'assistance technique", euphémisme désignant les rémunérations importantes des experts dont les rapports, souvent redondants, s'empilent sans être suivis du moindre effet. L'exode des boat people s'est poursuivi vers les Bahamas, la Floride et les Antilles françaises. Par milliers, les Haïtiens ont continué de traverser clandestinement la frontière vers la République dominicaine voisine. »

On peut comprendre les catastrophes naturelles, mais, politiquement, comment Haïti est-elle arrivée là? Peut-on seulement blâmer les Haïtiens et les autorités politiques de l'après-1986 ou leurs alliés de la communauté internationale, bien entendu pas l’OEA qui, comme Ponce Pilate, tout en se laver les mains, se veut être innocent dans le dossier d’échec d’Haïti. 

Mis à part des catastrophes naturelles, Haïti est dans la merde à cause de la dette de l’indépendance payée à la France, des interventions militaires aussi bien que les coups d’État contre Leslie Manigat en juin 1988 et de Jean-Bertrand Aristide en 1991 et 2004. Sans oublier les crises politiques issues des élections du 28 novembre 2010 et de 2016.

Enfin M. le Secrétaire général, continue de faire ce que vous faites le mieux, c’est-à-dire: faire de la promotion des Casques bleus. Puis organiser des élections frauduleuses pour les plus nuls.  Et ces nuls, illégalement devenus légaux, dans leurs nullités, tout en retournant l’ascenseur aux pays amis du Core Group et des apatrides locaux de la classe des affaires qui ont facilité leurs ascendances aux affaires politiques du pays, conduiront le pays encore plus dans la merde. Et une fois de plus, dans une autre note beaucoup plus accablante, comme maintenant, l’OEA accusera la communauté internationale, pour que finalement, dans une interview exclusive, votre successeur  annoncera ce qui n’en finit pas:  à savoir d’autres Casques bleus.    

 

Prof. Esau Jean-Baptiste

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