Sauvegarder la souveraineté d’Haïti

Le 25 mars 2007, dans une réunion à Toulouse en France, Jean-Marie Le Pen se prononça comme suit : « Un peuple sans souveraineté est non seulement un peuple privé de liberté, mais un peuple menacé dans son existence. » Le peuple haïtien s’est battu pour son indépendance et a largement remporté des victoires qui ne lui ont jamais été concédées. En effet la communauté internationale, dans son ensemble, a été forcée de reconnaitre l’indépendance d’Haïti plusieurs années plus tard et de manière très désobligeante. De l’encre a coulé depuis, et les faits sont là pour rappeler aux différents pays qui se sont mis au travers du développement économique et social du pays que leurs actions aujourd’hui encore, continuent de détruire des pays et des populations à travers le monde.

Quand vous pillez les richesses d’un pays et que vous vous enorgueillissez, en vous paradant comme étant l’une des plus grandes puissances mondiales, rappelez-vous que près de huit milliards de personnes vous observent et se questionnent sur vos motivations et prennent notes. Plusieurs pays se sont ligués contre Haïti parce qu’il représentait un danger pour les recettes des métropoles. Un danger, parce que l’esclavage était la plus grande source de revenus de cette période esclavagiste ; un danger parce que la suprématie de la race blanche lui confère le droit de piller les autres continents et de conclure son acte par des génocides. Ainsi, des nègres qui font battre en retraite des armées aguerries représentent un grand danger pour ce continent européen si noble et descendant direct des Dieux ; un danger parce qu’Haïti peut se mettre en tête de soulever les autres pays colonisés contre leurs oppresseurs ; un danger parce que sans les ressources minières des pays de l’Afrique et de l’Amérique, les grandes puissances disparaitront.

En effet un peuple privé de sa souveraineté est menacé dans son existence ; d’où l’acharnement de la France et ses complices sur Haïti. Il n’a jamais été permis aux Haïtiens de prendre leur destinée en main. Certains affranchis, non assimilés, se sont érigés en colons à leur tour et rangés du côté des Français. La réalité qui blesse est que ces affranchis faisaient face à un problème existentiel et aujourd’hui encore. Car fils et filles de colons français et de mères esclaves, ils refusaient systématiquement de se ranger du côté nègre, même quand rejeté par les blancs. Leur choix a été une décision économique basée sur des intérêts mesquins qui ont mené à cette dégradation de la personne humaine au cours des 218 ans d’indépendance.

La France et ses nouveaux alliés affranchis ont contribué à l’échec de cette société naissante qui en 1804 faisait ses premiers pas vers la création d’une nation libre, souveraine. Après avoir pillé les archives de l’Empereur Jacques 1er après son meurtre, il a été formellement interdit de citer son nom durant plus de 36 ans, soit de 1806 à 1842. Quelle honte pour ces traitres qui, aujourd’hui encore, tentent une énième fois de faire revenir les blancs pour souiller le sol d’Haïti. Devons-nous encore aujourd’hui continuer à nous cacher la face derrière les actes barbares de certains pays amis ? Nous, les Haïtiens, peuple noire et fière, n’avons-nous pas également contribué à notre propre destruction par notre refus systématique de prendre nos responsabilités vis-à-vis de cette nation ? Et si, en ce jour, nous prenons la décision de nous remettre en question une fois pour toutes ?

Dans une société il y a plusieurs classes d’hommes organisées comme on le ferait dans une entreprise ou institution quelconque. Une société se divise comme suit : L’État, le gouvernement, la bourgeoisie, les élites économiques, intellectuelles, l’église, etc. la classe moyenne et la classe prolétaire. Alors, comment se définit l’État ? « Société politique résultant de la fixation, sur un territoire délimité par des frontières, d'un groupe humain présentant des caractères plus ou moins marqués d'homogénéité culturelle et régi par un pouvoir institutionnalisé. » www.larousse.fr. Les termes en gras font ressortir le caractère fort et la mission même de l’État. À partir de cette définition, on devrait déjà se questionner sur l’existence même de cet État, puisque nos frontières ne sont pas respectées, le pays est subdivisé en clans, et enfin nos institutions sont prises en otage par des irresponsables et des corrompus. Alors quelles valeurs soutiennent nos gouvernements et où prennent-ils ancrage ?

« C’est de la folie de penser qu’en faisant tout le temps la même chose vous pouvez obtenir des résultats différents », Albert EINSTEIN. En effet, les gouvernements mis en place ou élus sont issus d’un processus électoral inadapté depuis des décennies. La même classe économique finance les partis politiques depuis des lustres et les résultats sont flagrants. De grands intellectuels ont fait campagne et aspiraient à la plus haute magistrature du pays ou au Sénat. De grands hommes et de grandes femmes de carrière et compétentes ont aspiré à des postes de ministre, mais n’ont jamais pu y accéder. Parce qu’ils n’étaient pas prêts à concéder leurs valeurs et leur intransigeance vis-à-vis de certaines pratiques malhonnêtes et immorales. Les quelques visages connus, les plus têtus, qui ont osé s’y frotter, se sont brulé les ailes.

Le Pasteur Martin Luther King disait : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots». Détruire une société et amener un pays vers une telle déchéance dans l’unique but de satisfaire ses intérêts mesquins est un crime contre l’humanité. S’enrichir au détriment de tout un peuple est un crime contre l’humanité. Existe-t-il une classe bourgeoise en Haïti ? « Le terme naît dans les années 1930, et recouvre toute une hiérarchie qui va des cadres moyens ou techniques aux cadres supérieurs ou dirigeants en France. La grande bourgeoisie est dominante avec des revenus élevés. Elle est composée de banquiers, de grands négociants, des industriels, des hauts fonctionnaires ou des capitalistes. » Wilkipedia.com.  Partout dans le monde la classe bourgeoise ou économique définit les grandes orientations économiques et politiques. Elle influence les élections et déclenche les guerres. Les grands industriels ont façonné le visage des pays comme les USA, l’Allemagne, la Russie, la Chine et autres. Tous des visionnaires qui ont contribué au développement économique et social de leur pays. Alors si la classe bourgeoise existe en Haïti, pourquoi le pays n’arrive-t-il pas à se redresser depuis 218 ans ? Pourquoi un tel déchirement au sein de la société ? Notre bourgeoisie serait-elle soluble ? Peut-être qu’elle ne s’est jamais donnée pour devoir de se constituer et de se définir en tant que telle ? Une bourgeoisie fantôme et une classe moyenne qui part en vrille, telle est l’image véhiculée partout. La classe moyenne est le nœud qui relie la bourgeoise au peuple. C’est de la classe moyenne qu’émergent nos plus grands médecins, nos éminents professeurs et avocats, nos ingénieurs. Ils sont plus nombreux au sein de la classe moyenne à s’intéresser aux études supérieures. C’est de la classe moyenne que sont issues nos élites intellectuelles. Si cette classe s’effrite, la société s’éclate, car la base même de la société s’ébranle. Les mauvaises pratiques politiques de tous les temps ont fait fuir nos élites intellectuelles, dans leur grande majorité, vers le Canada, puis aux USA. Nos lycées et nos écoles congréganistes ont œuvré pour créer ces hommes et femmes érudits qui ont été servir d’autres pays, qui se sont empressés de les accueillir, parce qu’ils connaissent le coût de l’éducation. Fort souvent les critiques sont très dures avec cette classe qui est particulièrement touchée par les bouleversements du pays, soit l’occupation américaine, les gouvernements provisoires, le séisme du 12 janvier 2010, les intempéries, les guerres de gangs, etc. S’il est vrai que les actions de la classe moyenne aujourd’hui sont en grande partie tributaires de ses relations avec la « bourgeoisie fantôme » qui détient toutes les cartes, il est tout aussi vrai que cette classe a autant fait les frais de tous les évènements destructeurs et que ses besoins ne sont jamais pris en compte par aucun gouvernement. Ces dits gouvernements qui servent la « bourgeoisie fantôme » et parlent au nom du peuple, qui dans sa majorité est constitué de fils et de filles, descendants d’esclaves ou petits fils et filles de grands généraux noirs, morts pour l’indépendance de ce pays.

Et notre « bourgeoise fantôme », qui adore ce pays, mais pas son peuple, parce que le racisme bat son plein dans l’Amérique. Mais ce peuple ne s’est-il jamais exprimé sur les humiliations infligées quotidiennement et cette misère qui le ronge jusqu’aux os ? Qui prend la parole au nom du peuple ? En aucun cas un homme ou une femme politique ne peut s’exprimer au nom du peuple. Il/elle est habilité(e) à prendre la parole pour proposer des programmes en faveur de la population. La société civile, jusqu’à présent, représentée par des individus sans vision et sans leadership, devrait se constituer et se définir également en tant que telle. Si une société a pu être réduite à une guerre entre partis politiques et la classe des affaires pour des intérêts privés, c’est parce que la société civile est inexistante. Et ces hommes qui se réclament d’être de la descendance directe de l’Empereur Jean Jacques Dessalines, cette élite noire, qu’a-t-elle fait à date pour prendre le leadership et les rênes du pays ? Pourquoi Haïti, en tant que premier peuple noir libre, est-il dirigé par une classe d’hommes (libyens, syriens, israéliens, palestiniens, etc.), haïtiens non par naissance, mais par la naturalisation ? Où sont les Haïtiens d’origine, noirs ou mulâtres ? Si ce peuple devait prendre la parole, elle demanderait des comptes à tous ceux qui se disent haïtiens et qui détiennent plus de 80% des richesses du pays ; ceux-là qui prennent des décisions pour le pays, mais qui n’ont jamais érigé de plans pour son bien-être ; ceux-là qui ont banni l’éducation ; ceux-là qui croient qu’au 21e siècle, qu’être noir est un péché. Il est temps d’arrêter l’hypocrisie en disant que le racisme est inexistant en Haïti. Depuis fort longtemps le racisme a quitté l’Europe pour élire domicile en Amérique et particulièrement en Haïti. Si vous n’avez pas encore compris que le monde a pris un tournant décisif et que les oppresseurs seront les oppressés de demain, c’est que vous vous enfoncez encore davantage dans vos inepties d’envahisseurs et de pilleurs.

Ceux qui ont le monopole de la communication accusent par-ci, par-là et détournent notre attention sur des faits très graves. L’OEA monte au créneau cette semaine pour dénoncer la communauté internationale sur son rôle dans cette descente aux enfers. Cette déclaration serait-elle une reconnaissance de leur défaite en Haïti ? Elle s’arroge même le droit d’imposer des choix alors qu’elle a été partie prenante de toute cette mascarade mise sur pied depuis des décennies. En effet, les pays amis sont constamment présents dans la vie politique et économique du pays. Pourtant la situation s’est dégradée au point où tout le monde abandonne le navire aujourd’hui. Quel est le rôle réel de cette communauté internationale dans cette guerre de gangs qui fait rage aujourd’hui dans le pays ? S’ils disent être nos amis pourquoi prennent-ils une part active à la destruction de notre pays ? Ils nous imposent leur aide à travers des ONG depuis des décennies et leur hypocrisie leur permet de multiplier des déclarations sur notre incapacité à nous diriger nous-mêmes. D’autres pays voisins ont mieux vécu sans leur aide. D’autres peuples voisins vivent en paix sans leur aide. Partez et pour de bon. Il est temps pour les Haïtiens de se constituer en nation, de reconstruire leur société sur d’autres bases plus humaines. Nous sommes un peuple d’immigrants et il est temps pour nous de nous accepter l’un, l’autre, avec nos différences. Il est temps pour nous les Haïtiens de nous mettre à nouveau debout pour saluer notre drapeau noir et rouge, de nous asseoir ensemble pour discuter de l’avenir de notre pays et bâtir des plans pour les générations futures. Il est temps pour la majorité noire de prendre les rênes de son pays et de son héritage.

 

Adèle Levil, 11 août 2022

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