Le bassin versant des Trois Rivières : entre potentialités et opportunités

Le département du Nord- Ouest partage avec l’Artibonite et le Nord le bassin de Trois-Rivières, lui-même doté de grandes potentialités et d’opportunités et pouvant procurer d’énormes richesses à cette grande région du pays. Les opportunités sont d’ordre économique, social, environnemental, politique, culturel et touristique. La population du Nord-Ouest en particulier est estimée à environ 728 807 habitants (IHSI, 2007).

 

Cependant, depuis des années, ce département reste le plus défavorisé du pays et le plus négligé de tous les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays. Il est rarement pris en compte dans les politiques publiques. Les routes y sont impraticables. L’électricité n’existe pas. Les terres agricoles aux fertilités incontestables sont sous exploitées. La faim s’y installe et la population vivote à la grande merci de la diaspora haïtienne. Bref, les services sociaux de base sont inexistants. Quid du Bassin Versant des Trois Rivières

 

Selon L’Atlas du Bassin Versant (BV) des Trois Rivières (Exilien, 2015), il est situé au Nord de la République d’Haïti et s’étend sur une superficie de 896 km2. Cette rivière traverse le massif du Nord, le département de l’Artibonite pour terminer sa course dans la mer de l’Ile de La Tortue dans l’Océan Atlantique. 16 rivières secondaires (plus techniquement appelées « sous unités hydrographiques ») se jettent dans le lit principal des Trois-Rivières qui coulent sur une longueur de 114 kilomètres et évacuent, à son embouchure située à Port de Paix, près de 208 millions m3 d’eau chaque année. Le Bassin Versant des Trois Rivières traverse au moins 7 communes et 49 sections communales. De manière directe, 704 000 habitants vivent aux dépens de ce grand écosystème où l’agriculture joue un rôle majeur dans la sécurité alimentaire des gens. Mais au regard des trois départements géographiques qu’il traverse, c’est la vie d’à-peu-près

 

3.4 millions de personnes qui en dépendent. Les études ont révélé que plus de 9 000 hectares de terres pourraient être irrigués à partir des eaux de Trois-Rivières pour répondre aux problèmes récurrents de famine qui frappent les pauvres familles de la région.

 

Une richesse à profiter…

 

Le « Trois Rivières », à cause de ses potentialités et opportunités, représente une importante ressource pour les départements du Nord, de l’Artibonite et du Nord- Ouest. Avec une altitude maximale de 1167 m, il pourrait offrir des moyens efficaces de lutte contre l’insécurité alimentaire avec ses multiples zones agro-écologiques et les innombrables cours d’eau qui s’y jettent. Il a le potentiel d’être un espace de référence pour la durabilité des écosystèmes et la diversification des cultures allant de la production fruitière et caféière dans les zones de haute altitude, à la production vivrière (banane, céréales, tubercules, maraichage …) dans les moyennes et basses altitudes, pendant toute l’année.

 

Ce fleuve a un débit moyen de 3-5m3/seconde à l’étiage et environ

 

500m3/s en période de crue, comme toute rivière, elle accomplit des fonctions diverses, dans la basse vallée des trois rivières notamment dans la portion du Nord-Ouest (la Hâte à La Tenderie) il irrigue par gravité et/ou par pompage

23 Petits Périmètres Irrigués (PPI) totalisant plus de 1000 ha.

La banane plantain, la canne à sucre, l’échalote, le haricot entre autres sont les cultures de rentes pratiquées dans ces PPI. Hormis les principaux usages agricoles, sociaux et culturels qu’on en fait aujourd’hui de ce cours d’eau, elle offre la possibilité d’irriguer certaines plaines sèches du bas Nord-Ouest dont les plaines des Moustiques, de Jean-Rabel, et de certaines régions de Bassin Bleu, elle peut être utilisée aussi pour l’hydro-électricité, loisir, pêche, le transport fluvial, etc.

 

Gérer et exploiter durablement cette unité hydrographique, c’est augmenter la productivité de toute la région, la replacer sur la carte d’exportation d’Haïti, et en même temps réhabiliter la fierté de la population qui deviendra en mesure de répondre de manière pérenne à ses propres besoins.

 

Dans cette logique, il revient à souligner que la construction des 800 km reliant Gonaïves – Portde- Paix exigée depuis des lustres doit s’inscrire dans une approche holistique et intégrée où le bassin versant est d’abord étudié dans toutes ses dimensions et des actions (projets) qui s’imbriquent les unes dans les autres (démarche programme) y sont proposées pour être mises en œuvre. Sur cette base, la route tant méritée par les sans voix de Gros-Morne et du département du Nord- Ouest, sera un projet parmi tant d’autres à exécuter. Construire cette route sans intégrer les composantes environnementales, l’aménagement du territoire qui dresse un plan d’occupation du sol, l’agriculture avec un accent sur la filière de mangue (surtout au niveau de Gros-Morne, mais allant jusqu’à Port de Paix), pourrait constituer un énorme manque à gagner pour toute la région et pour le pays entier.

 

Combinant le côté multi-usage de l’eau des Trois-Rivières, la pertinence d’une approche intégrée et l’urgence de pourvoir aux familles des départements du Nord, Artibonite et Nord- Ouest les meilleures conditions de vie, il devient très évident de faire des exigences au plus haut niveau de l’État pour s’atteler sur un programme intégré d’aménagement, de valorisation et de conservation des ressources hydriques et de toute la biodiversité du bassin de Trois-Rivières qui permettra de :

a) Combattre la bidonvilisation grandissante et sauvage des villes parce que la population rurale n’aura plus besoin de laisser ses terres pour migrer vers les centres urbains ou pays étrangers en quête d’un mieux-être ;

b) Augmenter la productivité des terres et renforcer la sécurité alimentaire pour au moins 800,000 personnes vivant dans cette unité hydrographique ;

c) Améliorer la maitrise de l’eau et la gestion durable des terres ;

d) Stimuler l’économie locale et renforcer la résilience de la population ;

e) Réduire tant les risques d’inondation des populations riveraines que les pertes de biens économiques (bétail, champs cultivés, routes, infrastructures d’irrigation, …) en période pluvieuse ;

f) Faciliter des échanges économiques entre les départements et le reste du pays ;

g) Contribuer à réduire l’émission des Gaz à effets de Serre (GES)

En somme, il convient à tous les acteurs des trois départements qui partagent les Trois-Rivières (écoliers, étudiants, paysans/nes, politiciens/nes, autorités locales, société civile, organisations communautaires de base, professionnels(les), média, etc.) de converger leurs forces pour exiger non seulement la construction des routes particulièrement les 110km reliant Carrefour Joffre – Anse à Foleur, mais aussi des actions concrètes et durables dans le cadre d’un programme intégré visant l’ensemble du Bassin Versant des Trois Rivières.

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Kensly-Carl OLIBRICE

Julien DEROYExatul

EXALIEN

Références :

1) EXILIEN, Micanord.

Atlas du Bassin versant des Trois Rivières, 2015, 13pages.

2) Protos&ULg., GIRE décryptée …éléments pour un renforcement de la GIRE en Haïti et dans les pays en développement.

 

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