Lettre ouverte à madame Sarah Piervil en réponse à sa vidéo (Respekte gason) publiée sur le réseau social Tiktok

Chère madame,

 

D'emblée pour commencer, je dois vous dire que toutes les lesbiennes ne sont pas des féministes. Et, toutes les féministes ne sont pas lesbiennes. Ne vous déplaise, mais nous avons une société à construire. J'ose espérer que vous puissiez prendre le temps par vous même, d'apprendre un tant soit peu sur les sujets qui vous intéressent vous et votre public, avant de déballer n'importe quoi sur les réseaux sociaux. Les vieilles habitudes ont la vie dure. Malheureusement, vous n'êtes pas la seule à soutenir ce genre de discours, empreint d'ignorance et de misogynie, mais aujourd'hui dépassé. Avant de vouloir vous ériger en influenceuse quelconque, ayez le soin de maîtriser vos propos, afin d'éviter de tomber dans un sensationnalisme exacerbant. C'est votre droit le plus strict de défendre les hommes, d'autant qu'ils sont les principaux visés par votre commerce qui leur promet une endurance sexuelle à toute épreuve. Par contre, vos points de vue réducteurs et étriqués sur les femmes, et sur les féministes en particulier, sont pour le moins accablants.

 

Le féminisme vieux d'au moins de 200 ans, est un mouvement social pluriel, en constante évolution, qui lutte pour les droits des femmes bafouées. Il promeut l'égalité économique, politique, sociale et culturelle entre les femmes et les hommes. Il existe, bien entendu, plusieurs courants, y compris un courant lesbien. Cependant, le féminisme n'a strictement rien à voir avec l'orientation sexuelle d'une personne. Encore moins de "yon fanm ki bezwen al souse [...] quoi que ce soit. Il existe des hommes cis genre, qui adhèrent à l'esprit du féminisme. Tout aussi bien, qu'il existe des femmes cis genre tout comme vous, qui se contentent de dire que les hommes sont leur vie, sans se donner un minimum pour se questionner sur les disparités qui existent dans le corps social entre les deux sexes.

 

Vous êtes libre d'être du côté de qui vous voulez. Mais, vous n'avez pas le droit d'exposer celles qui ont la malchance de tomber sur vos publications à de pareilles débilités morales, et je me garde de dire intellectuelles. Sachez que le féminisme, à travers les études de genre, est une approche triple. À la fois un concept sociologique, une méthode d'analyse et un outil de transformation sociale. C'est une science transversale. Loin de vouloir défendre leurs intérêts, les féministes sont des défenseur.e.s de droits humains, qui voient le bien-être collectif, prônent un monde plus juste et plus durable.

 

Oui, on vous l'accorde, partout dans le monde, les hommes sont très puissants comme vous l'avez bien su souligner. Toutefois, ce pouvoir n'est pas une loi naturelle, ni ne leur est tombé du ciel. Et, en dépit du fait, qu'à l'aune de votre ignorance vous crachez sur des années de travail de femmes qui ont cru dans un monde égalitaire, cela n'empêche pas que vous jouissez aujourd'hui, de bon nombre d'avancées apporter par ces femmes avant vous, de par le monde. Il est vrai que personne ne peut changer ce qu'elle ne comprend pas. Le patriarcat est l'un des systèmes de domination le plus fortement ancré et l'un des plus résistants que connaît le monde. Pour s'affranchir de cette oppression, où les hommes ont le pouvoir et les femmes assujetties, il a fallu d'abord à certaines femmes de se doter d'une conscience. D'une conscience pour oser désobéir, sortir des sentiers battus et des constructions sociales. Elles se sont libérées de l'emprise du phallus et osent s'appartenir, en apprenant à réfléchir d'abord par elles-mêmes. Et ainsi, avoir une vision plus humaine et plus lucide de la réalité qui les entoure.

 

Vous avez certainement entendu parler du concept de Liberté? Il n'y a que l'autonomie et la souveraineté qui peuvent accoucher d'une pensée critique. Si'w wèm rive kote'm rive la se gason... Se pa pyès fanm ki fè'm rive. Dès lors, nous comprenons, madame votre motivation. Mais, toutes les femmes ne peuvent pas et toutes les femmes ne veulent pas se greffer sur un gland pour réussir. Permettez-moi de vous dire qu'une femme est un être humain à part entière, capable de réfléchir par elle-même. Et donc, est en mesure de poursuivre ses aspirations sans l'aide ou la faveur d'un individu, quel qu'il soit. Qu'importe la nature de l'aide que vous avez reçue de ces hommes susmentionnés, ils ne vous l'ont pas apporté parce qu'ils sont plus humains que les femmes. C'est uniquement parce qu'ils ont accaparé les sphères économiques et publiques et écarté les femmes de toutes les ressources. La condition d'existence de tout être humain est matérielle et donc économique. À travers une gouvernance qui respecte les droits de chacun.e, les femmes doivent être préservées des pratiques de prédation dont vous faites l'apologie, des inégalités et des discriminations sociopolitiques.

 

Le féminisme ce n'est pas les femmes contre les hommes. Encore moins, des femmes qui détestent les hommes. Non! C'est une perspective de changement et de transformation. Il parle de redéfinir la justice sociale et de déconstructions des schémas de dominations tels que vous les livrez et de toutes formes de réflexions qui maintiennent les femmes dans la dépendance.

 

Le savoir est une arme. Pour un changement réel, la femme doit d'abord commencer par s'appartenir, au sens de Gisèle Halimi, qui parle du "pouvoir du savoir". Si vous faites allégeance aux hommes, que vous vous estimez inférieure et croyez n'être qu'à des fins de recevoir, ayez l'obligeance, voire même la décence de ne pas vouloir l'imposer aux autres. Contrairement à vous, toutes les femmes ne se considèrent pas comme un réceptacle. L'on ne peut donner que ce que l'on possède, malheureusement. Et, ce n'est certainement pas de votre faute si vous êtes encore persuadée qu'une femme n'est pas libre de disposer de son corps, comme elle l'entend, sans se soucier du regard masculin.

 

Je refuse que vous proférer à l'endroit de ma sœur de 20 ans, de ma fille de 12 ans, ou de n'importe quelle autre femme ou fille, ke gason ap toujou rete siperyè yo. Supérieur par rapport à quoi? Penser que l'homme est votre supérieur est un conditionnement, qu'il revienne à vous de vous en défaire ou non. Mais, de quel respect parlez-vous ici, madame? Le respect dans n'importe quel type de relation doit être réciproque. Pensez-vous être la meilleure indiquée pour demander aux femmes de respecter les hommes? Quand vous évoquez les notions de respect de et principes, si nous utilisons les mêmes codes, nous parlons de valeurs que les femmes ne doivent pas être les seules à s'y tenir. Notez-le quelque part si vous disposez d'un carnet. Et sachez que les hommes n'ont aucun pouvoir propre sur les femmes. Aucun! Sinon qu'ils jouissent d'un système qu'il faut redessiner les contours. Entre femmes ayant subi au moins une fois, les mêmes types de violences, je vous invite déjà à découvrir le sens du mot équité, même dans sa définition la plus simple.

 

Civilités,

 

Isabelle Théosmy

 

 

Fait à Port-au-Prince, le 25 septembre 2022

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