Servir mon pays et mon peuple, tel a toujours été mon leitmotiv, particulièrement en contribuant à l’émancipation des couches défavorisées qui croupissent dans les bidonvilles. Ce qui m'avait poussé, après presque vingt ans aux États-Unis, particulièrement à Brooklyn New York, le 6 août 2006, à prendre la décision de rentrer en Haïti.

 

 

Laisser un état où on a vécu pendant presque vingt ans, une vie tissée de très beaux souvenirs, des amis, des enfants et un très bon emploi pour aller dans un pays où règnent l’insécurité, l’instabilité politique, la précarité. Cela n’est pas une mince décision.

 

 

New York est la ville où l’on peut sortir après minuit pour aller dans des fêtes de salon ou des boites de nuit.  ‘’C’est cette ville qui ne dort pas’’.  Question pour dire que dans cette ville, les policiers comme les services d’urgences des hôpitaux et beaucoup d’autres activités commerciales fonctionnent 24 heures sur 24.  

 

 

New York est aussi une ville où on peut organiser une superbe fête dans l’intervalle de quelques heures, et ceci sans grande planification au préalable et grands moyens financiers.  Donc, laisser New York pour aller habiter en Haïti, c’est comme quitter une petite chérie à qui on n’a rien à reprocher pour aller habiter à un amour d’enfance ou une ancienne fiancée à qui on avait fait la promesse en dépit de longues années d’absence et de séparation, de retourner.

 

 

Pour certains, avec le problème de l’insécurité d’alors, le moment était mal choisi. Pour d’autres, c’était de l’enfantillage. Surtout j’avais laissé un emploie de 45, 000 dollars et plus pour un salaire de 82,577 gourdes au Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD). À l’époque, l’équivalent de ce salaire était de 2050 dollars américains le mois, soit 24,000 dollars l’an. 

 

Au-delà de cette grande différence salariale, vu le problème de kidnapping dans le pays, des parents, amis et collègues avaient catégoriquement opposé à mon choix de rentrer en Haïti.  Mais j’avais décidé de rentrer, donc je le faisais.  C’est ainsi, le dimanche matin 6 août 2006, j’ai laissé la ville de New York pour finalement être en Haïti, un rêve que je caressais depuis presque vingt ans. 

 

Quand je mis le dernier sac de voyage dans la voiture et retourner les clefs de mon appartement au tenant de la maison, ce jour-là, j’étais tellement heureux que les mots me manquaient pour exprimer mon contentement. 

 

Sur la route de Flatbush avenue à Brooklyn qui devait me conduire sur l’autoroute de Belt Parkway pour l’aéroport international JFK, j’étais calme comme si je venais de m’acquitter d’une longue dette.

 

Une fois arrivé à l’aéroport, portant un maillot jaune de la Fondation Youn A lot dont j’étais le président et membre fondateur, je me sentais heureux.  Pendant que j’étais en ligne, tout en poussant mes bagages, j’avais envie d’annoncer à chaque voyageur que : je retourne définitivement en Haïti pour pouvoir contribuer au développement de mon pays.  

 

À bord du vol de la ‘’American Airlines’’, j’étais arrivé à l’aéroport international Toussaint Louverture de Port-au-Prince, Haïti à 12 heures 45p.m. J’étais impatient pour sortir au-dehors. Dans mon nouvel appartement dans la zone de Canapé Vert, je me sentais léger.  Oui, léger d’un lourd fardeau d’un rêve de vingt ans.  Le lendemain matin lundi 7 août, je me suis rendu à mon bureau qui était dans un grand local à l’opposé de l’Institution des Sœurs de Charité de Saint Louis de Bourbon. 

 

Au bureau, l’accueil n’était pas chaleureux.  En dépit de cette première déception, j’avais tellement envie de contribuer que j’arrivais à peine à remarquer cela.   Au fil des semaines, comme les conflits internes et le manque de cohésion à la section persistaient, donc j’arrivais à cette conclusion que, si je voulais toutefois rester en Haïti, il fallait penser à autre chose.  C’est ainsi en novembre de la même année, soit trois mois plus tard, j’ai donné ma démission au bureau des Nations unies de Port-au-Prince. 

 

Pourquoi un tel texte aujourd’hui puisque cela fait plus de quinze ans depuis que j’étais retourné au pays?

 

L'objectif de ce texte est de ramener à l’ordre du jour un sujet capital qui comme le disait le politologue Joseph Wendy Alliance , ‘’en situation de culture opprimée l’occident ne nous laisse plus l’espace de construire notre propre discours sur Haïti’’.  Dans leur arrogance démesurée, le blanc veut toujours imposer son discours et son point de vue sur la situation haïtienne, tout en manipulant l’arme à double tranchant du double langage. Et si vous vous opposiez  à quoi que ce soit, il vous considère comme arrogant. “Il trouve toujours un moyen pour marginaliser à tout prix même les voix les plus articulées, conscientes et hardies des espaces opprimés de l’espace carribbéen ou haïtien’’, écrivait le politologue.

 

À titre d’exemple, je me rappelle encore de ce 17 octobre 2006.  Comme ci c’était hier. J’étais au bureau de mon superviseur blanc, l’occupant et raciste, pour une réunion.  Comme je ne suis pas de nature à avaler n’importe quoi, avant même de finir sa phrase dans une discussion qui n’avait pas de sens, je lui ai demandé s’il a fini.

 

À cette question, l'occupant se sentait insulté.  Furieux, il se déplaçait derrière son bureau en disant:  Esau, mwen pa jan m wè ayisyen awogan tankou w.  Pou m se bòs ou, m ap aple ak ou, ou mande m si m fini. Si m ta ap pale ak Kofi Anan nan NouYòk, epi m ta poze kesyon sa, li tap flankem à la porte.

 

Heureusement pour lui, il ne m’avait pas flanqué à la porte. Il m’avait laissé à son bureau pendant quelques minutes pour finalement retourner avec une autre collègue. Il lui a tout expliqué.  Comme je notais ses propos, puis il m’avait, d’un air comique, posé cette question: A pa ou pa mande m si m fini?  Je lui avais répondu: ou gen pou w fini. E mwen ap gen pou m reponn tout sa ou di yo.  Paske se pa yon lekti ke w ap bay.  Se yon echanj ant 2 pwofesyonèl. Ainsi se termina, heureusement, cette rencontre.

 

La leçon de cette histoire est,  quand un blanc, par surcroit, raciste, dans son arrogance, traite un haïtien d’arrogant, c’est que l’haïtien l’avait, Charlemagne Péraltement, lui dit ce que Dessalines avait dit en détail aux colons français qui étaient encore restés au pays après la guerre de l’Indépendance en 1804.     

 

 

Prof. Esau Jean-Baptiste         

 

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