Le Conseil de sécurité examine la proposition du Secrétaire général d’envoyer une « force armée spécialisée internationale » pour aider la police haïtienne

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Face à l’aggravation dramatique de la situation en Haïti et après l’appel lancé le 6 octobre par le Gouvernement haïtien aux Nations Unies pour solliciter la « solidarité agissante des pays amis d’Haïti », le Conseil de sécurité s’est réuni cet après-midi pour examiner les propositions du Secrétaire général d’envoyer dans le pays une « force armée spécialisée internationale ».  Les États-Unis et le Mexique ont annoncé le dépôt prochain de deux projets conjoints de résolution, tout en insistant sur la nécessité de laisser les autorités haïtiennes aux commandes.  Fédération de Russie et Chine ont émis des réserves et plusieurs autres membres du Conseil ont appelé à ne pas reproduire les erreurs des missions de paix passées dans le pays.

La séance régulière que le Conseil de sécurité consacre à Haïti était initialement prévue vendredi 21 octobre mais le Secrétaire général avait, le 9 octobre, appelé « la communauté internationale, y compris les membres du Conseil de sécurité, à examiner en urgence la demande du Gouvernement haïtien ».  

La Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), Mme Helen La Lime, a dressé un tableau glaçant des trois crises -politique, économique et sécuritaire- auxquelles s’ajoutent désormais une crise humanitaire due à une épidémie émergente et mortelle de choléra.  Elle a aussi constaté que ni le travail « héroïque » d’une police en sous-effectif et sous-équipée, ni les efforts politiques n’avaient réussi à améliorer la situation.  Sur l’aspect politique, Mme La Lime a souligné qu’à la suite de l’adoption, le 15 juillet, de la résolution 2645 (2022) du Conseil, la société civile d’une part, les acteurs économiques, sociaux et politiques d’autre part, avec le soutien du BINUH, avaient commencé à identifier des moyens pratiques et lancé de nouvelles discussions entre les différents blocs politiques.  Elle a toutefois dû constater avec regret que les pourparlers ne s’étaient pas poursuivis, ce qu’elle a attribué à un recul dans l’esprit de compromis. 

La Représentante spéciale a fait état du débat sur d’éventuelles sanctions au sein de la société civile, parlant d’un appui en faveur de sanctions solides contre ceux qui sont derrière la violence et pour lutter contre la corruption, qui sévit de longue date.  Insistant pour que soit trouvée une solution politique sous la houlette des Haïtiens, Mme La Lime a exhorté les membres du Conseil à agir résolument pour aider ceux-ci à lutter contre les fléaux persistants de l’insécurité et de la corruption qui dévastent le pays. 

Face à cette situation, les États-Unis et le Mexique ont annoncé le dépôt conjoint de deux projets de résolution.  Le premier prévoit un régime de sanctions contre les responsables de la violence et de l’instabilité, en particulier un embargo sur les armes pour empêcher les bandes organisées de s’en procurer si facilement et de les utiliser en toute impunité.  La représentante des États-Unis a bien précisé qu’il ne s’agissait pas d’une sanction contre le Gouvernement mais contre ceux qui s’opposent à la gouvernance par la violence et terrorisent la population, en particulier le nommé Jimmy Cherizier, alias « Barbecue », considéré comme directement responsable de la pénurie de carburant qui paralyse le pays. 

Quant au second projet, il devrait refléter la proposition du Secrétaire général qui autoriserait une mission internationale « non onusienne, limitée, soigneusement délimitée » d’assistance à la sécurité pour aider à améliorer la situation sécuritaire et permettre l’acheminement de l’aide humanitaire. 

Les précisions des deux délégations porte-plumes étaient notamment destinées à rassurer les membres du Conseil soucieux de ne pas voir répétées les erreurs du passé.  Les A3 ont d’ailleurs dit appuyer l’appel du Secrétaire général « en dépit de l’expérience passée du pays concernant la présence internationale ».  Cette expérience passée a été évoquée par les deux délégations les plus réticentes, la Chine et la Fédération de Russie. 

La Chine a dit appuyer des sanctions ciblées, robustes et efficaces contre les membres des gangs et leurs partisans, tout en demandant qu’on écoute les propositions d’autres membres du Conseil.  La Chine s’est montrée plus réticente sur l’envoi d’une force d’intervention.  Sera-t-elle acceptée par les partis politiques locaux et la population, a demandé son représentant, pour qui l’expérience des Nations Unies en Haïti montre que c’est sans résultat qu’ont été envoyées dans le pays, depuis des décennies, des missions de paix.  Pour la Chine, il faut se garder des solutions imposées de l’extérieur et au contraire favoriser les solutions politiques locales. 

La Fédération de Russie aussi a mentionné « l’opposition immédiate de certains groupes politiques à une force armée internationale » et a en conséquence invité le Conseil à prendre en compte ces opinions de nombreux groupes d’opposition.  Elle ne partage pas non plus l’idée de « faire passer » rapidement une résolution sur les sanctions.  Le représentant russe a donc appelé les coauteurs de ce projet de résolution à abandonner les tactiques de la « course aux négociations » et à écouter les autres membres du Conseil.  À cet égard, le Brésil a demandé que les mesures prises n’aggravent pas encore plus la situation humanitaire de la population et que la résolution prévoie des critères, conditions et mécanismes de la levée des sanctions, ainsi que des mesures d’exemptions humanitaires. 

Ce que les autorités et le peuple haïtien attendent, c’est une réponse efficace, a martelé le Ministre des affaires étrangères de la République dominicaine, qui a nommé comme priorité celle de pacifier et d’apporter toute l’aide humanitaire possible pour apaiser le désespoir vécu par la population haïtienne. 

Le Ministre des affaires étrangères d’Haïti s’est félicité de toutes les mesures que le Conseil a déjà prises et de celles qu’il entend adopter, avant de renouveler l’engagement du Gouvernement haïtien à redoubler d’efforts en vue d’arriver à une entente politique qui permettra de rétablir les institutions démocratiques par l’organisation d’élections générales, dès que les conditions de sécurité seront réunies pour remettre le pouvoir à des élus librement choisis par le peuple. 

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI S/2022/747S/2022/761

Déclarations

Mme HELEN LA LIME, Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti et Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), qui intervenait par visioconférence, a rappelé les trois crises qui se recoupent (politique, économique et sécuritaire) et s’accélèrent.  Elle a aussi rappelé que le premier cas de choléra depuis trois ans a été déclaré quatre jours après sa dernière intervention.  En l’espace de quelques semaines, des dizaines de cas ont été confirmés dont plus de la moitié ont conduit à un décès, parmi lesquels 25 dans la prison de Port-au-Prince, tandis qu’on suspecte d’autres cas à Croix-des-Bouquets et que d’autres, encore non documentés, émergent à Port-au-Prince, en particulier à Cité-Soleil.  Mme La Lime a aussi parlé des bandes organisées qui continuent de bloquer le terminal de Varreux où la plus grande partie du carburant est stockée.  Les conséquences sont graves pour les infrastructures de base, a-t-elle déploré: des opérations perturbées dans les hôpitaux et des distributeurs d’eau affectés, ce qui ne manque pas d’avoir un impact sur la réponse au choléra, a-t-elle expliqué.  D’autre part, sans carburant, les déchets ne sont pas ramassés dans les quartiers, tandis que des pluies torrentielles favorisent les inondations, qui se mélangent aux déchets pour créer les conditions idéales pour la propagation de la maladie. 

Mme La Lime a constaté que ni le travail « héroïque » de la police, dont le personnel et les ressources demeurent en-deçà des besoins, ni les efforts politiques n’ont réussi à alléger cette situation.  Plus que jamais, ce sont les citoyens haïtiens les plus pauvres et les plus vulnérables qui sont les plus affectés, a-t-elle regretté.  Elle a prévenu qu’en l’absence de liberté de mouvement, Haïti ne sera pas en mesure de sortir de la crise actuelle, car en dépit des succès de la Police nationale d’Haïti (PNH) dans la réouverture des routes et des quartiers, le défi reste le port, où le carburant est stocké.  Cela affecte même la mobilité et la réponse de la police, a-t-elle noté.  La Représentante spéciale a regretté que les appels du corps diplomatique et d’autres encore, notamment des Nations Unies, en vue de l’ouverture d’un couloir humanitaire soient restés sans effet.  Elle a en outre fait état d’environ un millier d’enlèvements allégués en 2022 et de la persistance de l’insécurité générale, ce qui empêche des millions d’enfants d’aller à l’école, isole des quartiers entiers et fait que des familles sont violées et brûlées dans leur propre foyer.  Mme La Lime a formé l’espoir que l’arrivée, en fin de semaine dernière à Port-au-Prince, d’équipement tactique du Canada et des États-Unis, aidera la police dans la reprise du contrôle de la situation. 

Passant à la situation politique, Mme La Lime a souligné que la résolution 2645 (2022) du Conseil a suscité un sentiment d’urgence, car pour la première fois, il était demandé au Gouvernement de faire rapport sur ses efforts vers un cadre de processus politique dirigé par les Haïtiens, communément accepté, durable et avec échéancier.  Elle a ensuite fait part de ses efforts sur la base de la décision du Conseil pour amener les principaux protagonistes autour de la table et, à travers un dialogue constant, maintenir un élan entre les parties prenantes de sorte à établir le cadre de processus politique renouvelé.  Elle a évoqué à cet égard le fait que, depuis août, la société civile a mené une initiative qui est sur le point d’amener ces parties à accepter une proposition commune.  Avec l’appui du BINUH, a-t-elle encore précisé, les acteurs économiques, sociaux et politiques ont commencé à identifier des moyens pratiques et lancé de nouvelles discussions entre les différents blocs politiques. 

La Représentante spéciale a néanmoins regretté que les pourparlers ne se soient pas poursuivis, ce qu’elle a attribué à un recul dans l’esprit de compromis.  Il reste que ces pourparlers sont encore en cours et qu’hier, les représentants de la société civile ont tenu une réunion pour réanimer le consensus.  Mme La Lime a jugé que les bons offices des Nations Unies sont d’autant plus cruciaux pour que les Haïtiens se réunissent et se mettent d’accord sur la voie de la stabilité pour le pays.  Elle a mis l’accent sur ceux du secteur privé qui ont la volonté de soutenir la réforme, les incitant à reconnaître leur rôle important à cet égard. 

Dans ce contexte d’insécurité et de crise humanitaire, le 6 octobre, le Conseil des ministres haïtien a autorisé le Premier Ministre à solliciter l’appui d’une force armée spécialisée internationale pour aider à garantir la liberté de circulation de l’eau, du carburant et de l’approvisionnement médical pour éviter une détérioration de la situation.  Mme La Lime a réitéré l’appel du Secrétaire général pour que les partenaires d’Haïti envisagent cette demande, de façon urgente, pour apporter un soulagement immédiat aux plus vulnérables.  Elle a également fait remarquer que les manifestations exigeant le départ du Premier Ministre et de son cabinet continuent, ce qui rappelle pour certains le rôle que jouent les intérêts économiques et politiques bien ancrés, qui résistent aux efforts de réforme des revenus et des douanes, au profit du Trésor public et de la population. 

De ce fait, le débat sur les sanctions a commencé, les Haïtiens utilisant activement les médias sociaux et la radio pour exprimer leur appui en faveur de sanctions solides contre ceux qui sont derrière la violence pour éviter la lutte contre la corruption, qui sévit de longue date.  La Représentante spéciale a aussi rappelé les pillages, qui ont aussi affecté le PAM et l’UNICEF.  Les bandes organisées continuent de blesser, d’enlever, de violer et de tuer, a-t-elle insisté, ajoutant que le rapport sur les droits de l’homme et la violence sexuelle pratiquée par les bandes, publié vendredi dernier, révèle que les femmes et les jeunes sont les plus affectés.  Le viol est systématiquement utilisé comme arme de contrôle et de terreur, a-t-elle explicité.  Partant, elle a appelé à ce que tout appui à la Police nationale d’Haïti s’accompagne d’un soutien au système de justice et renforce des initiatives comme les unités judiciaires spécialisées proposées pour les crimes des bandes organisées et les crimes financiers.  La Représentante spéciale a ajouté que la violence des bandes entrave la réponse humanitaire avec une résurgence des maladies et de la faim, 4,7 millions de personnes étant confrontées à une faim aiguë, dont des dizaines de milliers aux portes de la faim.  Insistant sur une solution politique sous la houlette des Haïtiens, Mme La Lime a exhorté les membres du Conseil à agir résolument pour aider à lutter contre les fléaux persistants de l’insécurité et de la corruption en Haïti.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré que suite à l’appel lancé à la communauté internationale par les autorités haïtiennes et face à la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire en Haïti, les États-Unis -qui restent à ce jour, le plus grand donateur d’aide humanitaire à Haïti- sont sur le terrain, travaillant aux côtés des agents de santé haïtiens et des ONG pour aider à lutter contre l’épidémie de choléra.  Dans les prochains jours, les États-Unis fourniront une aide supplémentaire à Haïti, notamment un soutien médical essentiel, a précisé la représentante. 

De la même manière, les États-Unis sont mobilisés sur la situation sécuritaire, a poursuivi Mme Thomas-Greenfield.  Aux côtés du Canada, ils ont coordonné la livraison d’équipements de sécurité vitaux, achetés par le Gouvernement haïtien.  Cette livraison comprenait des véhicules tactiques et blindés et d’autres fournitures.  Elle devrait aider la Police nationale d’Haïti à lutter contre la violence des gangs et à rétablir la stabilité et la sécurité.  Les États-Unis s’attaquent en outre et de manière proactive aux mauvais acteurs.  Ils ont adopté de nouvelles politiques de restriction des visas, ciblant en particulier, les fonctionnaires haïtiens actuels ou anciens et d’autres personnes soupçonnées d’être liées à des gangs et à d’autres organisations criminelles. 

Mais un problème de cette ampleur ne peut être résolu par un seul pays ou même par une poignée de partenaires dans la région, a déclaré Mme Thomas-Greenfield.  La situation exige une réponse internationale concertée et donc une action urgente de la part de ce Conseil.  Comme l’exige la Charte, nous devons mobiliser les ressources, le pouvoir de ce Conseil et de l’ensemble des Nations Unies, a insisté la représentante.  C’est pourquoi les États-Unis et le Mexique ont travaillé, en étroite collaboration, pour rédiger deux nouvelles résolutions qu’ils espèrent être soutenues par le Conseil à l’unanimité. 

La première résolution imposerait des sanctions financières aux acteurs criminels qui infligent tant de souffrances au peuple haïtien.  Elle s’en prendrait aux individus bloquant les ports d’Haïti et l’acheminement de l’aide humanitaire.  Les dispositions relatives à l’embargo sur les armes empêcheraient en outre la fourniture, la vente ou le transfert direct ou indirect d’armes aux gangs criminels et à leurs chefs.  Le projet de résolution vise spécifiquement Jimmy Cherizier - également connu sous le nom de « Barbecue ».  Ce dernier est directement responsable de la pénurie dévastatrice de carburant qui paralyse le pays, a expliqué Mme Thomas-Greenfield. 

Le second projet de résolution autoriserait de son côté, une mission internationale « non onusienne limitée, soigneusement délimitée » d’assistance à la sécurité pour aider à améliorer la situation sécuritaire et permettre l’acheminement de l’aide humanitaire.  Cette proposition reflète l’une des options recommandées par le Secrétaire général et une réponse directe à la demande d’assistance internationale du Premier Ministre haïtien, a argué la représentante.  La mission sera dirigée par un pays partenaire possédant l’expérience approfondie et nécessaire requise pour qu’un tel effort soit efficace.  C’est le moment pour ce Conseil et pour le monde d’intervenir, a conclu Mme Thomas-Greenfield, se disant toutefois parfaitement consciente de l’histoire de l’intervention internationale en Haïti.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a déclaré que ce sont l’héritage du colonialisme et les attitudes postcoloniales qui expliquent, dans une large mesure, la situation qui prévaut en Haïti.  Il a insisté sur le fait que les problèmes sociaux et humanitaire relèvent bien de la compétence du Conseil de sécurité.  Il a rappelé son appel, lancé il y a trois semaines, sur l’urgence de la situation en Haïti.  Avec les États-Unis, le Mexique élabore des projets de résolution qui répondent à la réalité complexe d’Haïti.  Il s’agira d’abord d’établir un régime de sanctions contre les responsables de la violence et de l’instabilité.  Le régime prévoira aussi un embargo sur les armes pour empêcher les gangs de s’en procurer si facilement et de les utiliser en toute impunité.  Ce ne sera pas une sanction contre le Gouvernement de d’Haïti, mais contre ceux qui s’opposent à la gouvernance par la violence et qui terrorisent la population civile, a précisé le représentant.  Le représentant a souhaité qu’on arrive rapidement à ces deux textes, afin que le Conseil de sécurité puisse s’exprimer d’une seule voix. 

Prenant note des recommandations du Secrétaire général pour répondre à la situation sécuritaire en appui aux autorités haïtiennes, le représentant a exhorté le Conseil à répondre d’urgence à la demande du Gouvernement haïtien de répondre à la crise humanitaire et sanitaire qu’est l’épidémie de choléra.  La réponse du Conseil ne devrait pas reproduire les erreurs du passé, a-t-il prévenu.  Il a aussi annoncé la formation des membres des Forces armées d’Haïti dans le Centre de formation des forces spéciales du Mexique.  Un nouveau contingent haïtien s’est rendu au Mexique pour recevoir une formation de la Garde nationale.  L’aide humanitaire mexicaine sera augmentée.  Il a également appelé les États Membres à participer au « Basket Fund », que le Canada a créé pour soutenir la population en Haïti.  Il a terminé en appelant l’action responsable de tous les acteurs politiques en Haïti. 

M. FERGAL THOMAS MYTHEN (Irlande) a estimé que la violence et la dépravation dont font preuve les gangs n’ont cessé d’augmenter ces dernières semaines.  Ils agissent avec une impunité presque totale, a déploré le représentant, pour qui la communauté internationale ne peut pas laisser Haïti seul face à ce défi sans précédent.  C’est pourquoi l’Irlande souscrit à l’appel du Secrétaire général à un soutien urgent à la Police nationale d’Haïti, à la suite de la demande de celle-ci et du Gouvernement haïtien.  Le représentant a dit être prêt à travailler avec ses collègues sur un projet de résolution en vue d’un tel soutien à la sécurité dans les prochains jours.  L’Irlande reste également activement engagée avec les autres membres du Conseil pour créer un régime de sanctions visant spécifiquement ces gangs. 

M. Mythen a marqué sa préoccupation face au fait que des milliers de personnes en Haïti sont confrontées à des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire.  Il a évoqué des familles rurales et des communautés urbaines assiégées, une population carcérale surpeuplée qui meurt de faim et qui n’a pas accès à l’eau potable et encore moins aux soins de santé.  Dans le même temps, un nombre croissant de vies sont perdues à cause du choléra, a rappelé le représentant.  Pour M. Mythen, les travailleurs humanitaires ne doivent jamais être des cibles et l’accès aux populations vulnérables doit être assuré, sans quoi d’autres vies seront perdues. 

Il y a trois semaines, lorsque ce Conseil s’est réuni pour la dernière fois sur Haïti, un règlement politique négocié semblait possible, a rappelé M. Mythen, qui s’est dit profondément préoccupé par l’absence de progrès sur la voie politique.  Le représentant a donc exhorté toutes les parties prenantes à mettre de côté leurs intérêts et à convenir d’une voie commune à suivre, pour le bien du peuple haïtien.  La communauté internationale, et ce Conseil, doivent répondre aux appels pour notre action urgente, a-t-il conclu, en estimant qu’il n’y a tout simplement plus de temps à perdre. 

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a constaté que la violence persistante liée aux gangs, les enlèvements, y compris dans la capitale Port-au-Prince, ont encore contribué à l’insécurité.  Il a déclaré que des solutions sécuritaires durables pour Haïti doivent être du ressort des Haïtiens.  Dans ce cadre, le renforcement des capacités pour la Police nationale d’Haïti doit rester une priorité.  Pour l’Inde, aucune solution aux problèmes politiques, socioéconomiques ni à la crise sécuritaire n’émergera sans l’implication directe d’Haïti et de ses voisins.  Le représentant a salué à cet égard l’engagement des partenaires régionaux, la Communauté des Caraïbes (CARICOM), le Canada, et le voisin d’Haïti, la République dominicaine, sur des questions d’intérêt immédiat, y compris le renforcement des capacités des forces de police et le contrôle des flux d’armes légères et de petit calibre en Haïti.  Pour sa part, l’Inde est prête à prêcher par l’exemple dans la quête collective d’une aide aux Haïtiens. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a noté que, sur le front politique, les pourparlers n’ont pas avancé, frustrant les attentes concernant un accord annoncé entre les principaux groupes politiques haïtiens.  De plus, l’actuelle épidémie de choléra en Haïti, si elle n’est pas maîtrisée rapidement, risque de faire beaucoup plus de victimes.  Le Conseil doit donc agir pour aider le Gouvernement haïtien à retrouver le contrôle de la situation et éviter une nouvelle escalade. 

M. Costa Filho a affirmé que le Conseil était sur le point de se mettre d’accord sur une nouvelle résolution qui mettra en œuvre les dispositions prévues dans la résolution 2645 (2022), notamment sur l’interdiction de transfert d’armes légères et de petit calibre, ainsi que leurs munitions, à des acteurs non étatiques en Haïti, et pour imposer des mesures telles qu’un gel des avoirs et une interdiction de voyager contre ceux qui se livrent ou soutiennent la violence des gangs.  Pour que de telles mesures n’aient pas d’effet sur la situation humanitaire de la population civile, le représentant a suggéré que le nouveau texte prévoie des critères, conditions et mécanismes de levée des sanctions, ainsi que des mesures d’exemptions humanitaires pour assurer l’efficacité de ce nouveau régime des sanctions. 

Le représentant a en outre estimé qu’Haïti pourrait profiter davantage de sa participation à la Commission de consolidation de la paix (CCP), afin de discuter des moyens de renforcer ses institutions et échanger sur les expériences réussies d’autres pays confrontés à des défis économiques et politiques similaires.  D’ici à la fin de l’année, le Brésil fera un don de 650 000 dollars au fonds créé pour la reconstruction de la péninsule sud d’Haïti, qui a été durement touchée par un tremblement de terre en 2021, a aussi noté le représentant.

M. MARTIN KIMANI (Kenya), qui s’exprimait au nom des A3 (GabonGhana et Kenya), a lancé un appel à l’action, une « action acceptée par Haïti ».  Il a exhorté les parties prenantes au dialogue pour aboutir à une démarche commune et engager un véritable processus politique.  Une absence d’accord risque d’hypothéquer la situation économique et humanitaire qui pourrait échapper à tout contrôle, ce qui compliquerait l’appui des acteurs extérieurs bien intentionnés qui ne pourront apporter l’assistance si nécessaire pour les Haïtiens, a-t-il mis en garde.  Le représentant a exhorté l’Union africaine (UA) et les États africains ainsi que la Communauté des Caraïbes (CARICOM) à agir de concert avec le Gouvernement haïtien.  La violence généralisée, la violence sexiste et sexuelle, ainsi que le blocage du carburant par les bandes organisées sont autant de dangers, a-t-il rappelé. 

Si le représentant des A3 a appuyé l’appel du Secrétaire général, il a précisé qu’il le fait en dépit de l’expérience passée du pays concernant la présence internationale.  Il a aussi prié les organisations onusiennes d’appuyer le Gouvernement, sans entraver les efforts déployés par la police pour contrôler la situation.  L’appui de l’ONU doit aider à lutter contre le trafic d’armes et de drogue et doit renforcer la capacité de l’État à lutter contre les bandes organisées.  Les A3 déplorent les violations constantes des droits des groupes les plus vulnérables, a dit le délégué en réclamant justice pour toutes les victimes.  Il est absolument capital de relancer tout le système de justice pénale et de créer des bureaux d’aide juridictionnelle et des greffes fonctionnels, a précisé le représentant.  Il faut aussi que tous les droits des réfugiés soient respectés dans les pays voisins, ont-ils demandé.  Le représentant a estimé que le rôle du BINUH reste important, assurant que les A3 continueront à veiller à ce que l’on agisse dans l’intérêt du peuple haïtien. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré que la situation en Haïti est désespérée et se passe de commentaires.  Mais elle ne fera qu’empirer si un certain degré de sécurité et l’État de droit ne sont pas immédiatement rétablis, a-t-il prévenu avant d’énumérer les luttes qui constituent des priorités absolues: celles contre les gangs et leur brutalité, contre la violence et les activités criminelles, contre la corruption, contre la contrebande et contre le trafic d’armes.  À défaut de cela, les gangs ne feront que monter en puissance et leur pouvoir ne fera qu’augmenter et se renforcer, a mis en garde le délégué. 

Haïti a besoin d’aide, a martelé le représentant en soulignant qu’il faut aider le pays « maintenant ».  Dans ce contexte, il a dit soutenir les deux projets de résolution proposés par les États-Unis et le Mexique: l’Albanie est favorable à la sanction des responsables, de ceux qui étranglent tout le pays et sa population.  La délégation appuie également, et pleinement, un mandat de sécurité fort et solide afin de fournir aux autorités et aux forces de l’ordre les moyens nécessaires pour garantir des conditions de vie sûres et adéquates.  Le représentant a toutefois jugé illusoire de croire que les solutions ne peuvent que provenir d’une aide extérieure et il en a appelé à la classe politique d’Haïti pour faire ses preuves ensemble et laisser de côté leurs seuls intérêts.  Il a estimé qu’il n’y a que cela qui peut aider à ramener la normalité afin de s’attaquer à d’autres problèmes majeurs et créer la base pour que les élections aient lieu. 

Mme MONA JUUL (Norvège) s’est félicitée que la séance du Conseil prévue initialement vendredi ait été rapportée à ce jour.  Elle a dit être consternée par la violence en Haïti, y compris la violence sexuelle et sexiste.  De nombreux enfants ont été tués ou blessés dans des échanges de tirs alors qu’ils se trouvaient dans leurs maisons ou à l’école.  Les garçons et les filles sont contraints de participer à des activités de gangs.  La population, en particulier les enfants, en Haïti doit être protégée.  L’impunité pour les violations et les abus des droits de l’homme doit cesser, a demandé la représentante.  Elle a déclaré avoir pris note de la demande du Gouvernement haïtien d’une « force armée spécialisée » pour faire face à la crise sécuritaire aiguë.  Saluant les discussions sur la meilleure façon d’aider la Police nationale d’Haïti à améliorer la situation sécuritaire, Mme Juul a souligné le rôle des travailleurs humanitaires pendant cette période encore plus difficile du fait de la résurgence du choléra. 

Des mesures rapides doivent être prises pour arrêter la propagation du choléra, a insisté la représentante, qui a demandé qu’on atteigne les zones les plus dans le besoin, qui nécessitent des services de base comme l’eau potable.  Les travailleurs humanitaires doivent avoir la liberté de mouvement nécessaire.  Il faut aussi assurer l’approvisionnement des produits de base.  Mme Juul a condamné le pillage des entrepôts du Programme alimentaire mondial, qui a causé une perte importante de provisions essentielles.  Les civils ne devraient pas avoir à supporter le poids de la criminalité, a dit la représentante, qui a appelé à des compromis politiques pour forger la réconciliation et trouver une voie vers l’organisation d’élections.  La seule solution pour Haïti est celle qui sera trouvée par les Haïtiens eux-mêmes, a affirmé la représentante.  Des mesures doivent être prises pour rétablir l’ordre et la confiance dans l’intérêt du peuple haïtien, a-t-elle conclu. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) s’est inquiété de la détérioration de la situation humanitaire, avec des bandes organisées qui bloquent les routes et empêchent notamment l’acheminement du matériel médical aux personnes qui en ont besoin, et plus particulièrement celles affectées par le choléra.  Il a demandé l’ouverture des routes conduisant aux hôpitaux et à la comparution devant la justice des auteurs de violence perpétrée par les bandes organisées.  Dans ce contexte de grandes difficultés actuelles que connaît le pays, le représentant a salué le projet de résolution proposé par le Mexique et les États-Unis axé sur un régime de sanctions ciblées, ce qui, selon lui, apportera une contribution positive à la stabilité en Haïti. 

Le représentant a également acquiescé à la requête du Gouvernement haïtien au sujet d’un appui international et a salué les discussions entre les membres du Conseil quant à l’autorisation d’une mission d’assistance centrée sur les besoins des Haïtiens, notamment pour combattre la violence endémique.  Il a estimé que cela favorisera l’établissement d’un climat où des élections libres et justes pourraient se tenir.  Appuyant également le BINUH, qui fournit une assistance précieuse, il a souligné son rôle fondamental dans la création d’un espace pour les parties prenantes ainsi que pour le rétablissement de la stabilité et de la sécurité. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a condamné la violence des gangs en Haïti y compris la violence sexuelle et sexiste et leur utilisation pour terroriser, humilier et contrôler la population.  Il faut mettre fin à la violence dans le calme, a exhorté la représentante.  Elle a dit attendre avec intérêt de discuter des recommandations du Secrétaire général et de travailler avec les membres du Conseil pour soutenir le peuple haïtien à ce moment critique.  Elle a aussi dit soutenir les efforts des porte-plumes et l’adoption de mesures de sanctions.  Selon la déléguée, la résurgence du choléra, la grave insécurité alimentaire et hydrique et le blocage des installations de carburant, en particulier le principal terminal de carburant, exacerbent les défis socioéconomiques auxquels Haïti est confronté. 

« Nous ne pouvons pas laisser cela dégénérer en une autre crise sanitaire potentiellement grave », a exhorté la représentante qui a dénoncé les obstacles aux services de base et à l’acheminement de l’aide humanitaire, et en particulier le pillage de ces installations essentielles.  Elle a souligné l’importance d’assurer un acheminement sûr, immédiat et sans entrave de l’aide humanitaire.  Les mesures de sanctions devraient éviter toute incidence sur les efforts humanitaires en Haïti, a-t-elle mis en garde.  Elle a terminé en réclamant une solution politique dirigée et menée par les Haïtiens par un dialogue national inclusif, y inclus les femmes et les jeunes, pour créer un environnement propice à des élections pacifiques.

M. GENG SHUANG (Chine) a déclaré que le niveau de chaos et de complexité de la situation est tel qu’il est difficile de l’imaginer.  La Chine constate l’incapacité du Gouvernement haïtien à gérer la situation, notamment à lutter contre les bandes armées qui règnent dans le pays.  Au lieu de cela, les partis politiques et leurs dirigeants continuent de lutter pour défendre leurs propres intérêts au détriment de celui de la population qui, elle, pâtit de la situation.  Le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) doit pousser les partis politiques à mener un dialogue politique afin de sortir de la situation qui prévaut dans le pays, a demandé le représentant.

La Chine appuie les sanctions ciblées contre les membres des gangs et leurs partisans et son représentant a souhaité qu’elles soient « robustes et efficaces ».  Dans ce contexte, le représentant a dit espérer que les porte-plumes des projets de résolution annoncés écouteront les autres membres du Conseil de sécurité afin de parvenir à des mesures plus efficaces, sans quoi ces sanctions ne seront qu’une mesure de plus. 

Le délégué a en outre dit prendre note de la demande des autorités pour l’envoi d’une force d’intervention dans le pays.  Mais une telle force sera-t-elle acceptée par les partis politiques locaux et la population, a demandé le représentant? ajoutant que cette question devait faire partie des discussions.  Car a-t-il ajouté, l’expérience prouve que depuis des décennies, et sans résultats, l’ONU n’a cessé d’envoyer des missions de paix sur place, les dernières étant la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) et actuellement le BINUH.  Pour le représentant, c’est la preuve qu’il faut se garder des solutions imposées de l’extérieur et au contraire favoriser les solutions politiques locales.

M. DMITRY A.  POLYANSKY (Fédération de Russie) a estimé que la plupart des problèmes d’Haïti sont dus à la stagnation du processus politique.  Dans ce contexte, il a expliqué qu’il n’y a pas d’alternative au processus de retour d’Haïti à la voie constitutionnelle par le dialogue participatif, la tenue d’élections et la mise en œuvre des réformes nécessaires.  Pour le représentant, la crise humanitaire dans le pays devrait servir pour tous les acteurs d’incitation à réaliser la nécessité de faire passer l’intérêt public en premier.  De même, la société haïtienne continue d’exiger une enquête ouverte et complète sur l’assassinat du Président Jovenel Moise.  Il est étonnant que plus d’un an après cette terrible tragédie, laquelle a choqué Haïti et est devenue le « déclencheur » de la crise d’aujourd’hui, il n’y a toujours pas de résultats de l’enquête, y compris sur le fait qu’il y aurait eu la participation de citoyens étrangers, a fait observer le représentant.  L’ingérence extérieure dans les processus politiques d’Haïti, d’une manière aussi terrible, est inacceptable, a-t-il ajouté, y voyant un reflet de la perception selon laquelle les Américains considèrent le continent comme leur « cour ». 

Parallèlement à la résolution des problèmes politiques, il faut renforcer les capacités de la Police Nationale d’Haïti, a déclaré M. Polyansky.  Mais il a aussi rappelé « l’opposition immédiate de certains groupes politiques à une force armée internationale » et a en conséquence invité le Conseil de sécurité à prendre en compte ces opinions de nombreux groupes d’opposition. 

La Fédération de Russie ne partage pas non plus l’idée de « faire passer » rapidement une résolution du Conseil sur les sanctions.  Le représentant a rappelé que l’accord pour discuter de l’introduction de mesures restrictives du Conseil a été conditionné sur une étude approfondie de leur efficacité future et le besoin d’assurer leur ciblage, en tenant compte des conséquences humanitaires de telles mesures.  Les sanctions du Conseil de sécurité sont un outil sérieux et à long terme qui nécessitent une analyse approfondie et des négociations détaillées sur le texte, a-t-il argué.  Croyez-vous qu’un document rédigé à la hâte, une fois approuvé par le Conseil de sécurité, débarrassera comme par magie Haïti de tous ses problèmes ? a-t-il demandé.  Selon le représentant, les sanctions ne doivent pas devenir un obstacle à la fourniture d’une assistance socioéconomique au pays, ni étouffer les germes du processus politique national.  Nous appelons les auteurs du projet de résolution à abandonner les tactiques de la « course aux négociations » et de fixer artificiellement des « délais », a-t-il mis en garde.  Il a enfin plaidé pour que les suggestions constructives et les préoccupations de nombreux membres du Conseil de sécurité soient prises en compte par les porte-plumes. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France), après avoir rappelé la dégradation, sur tous les plans, de la situation en Haïti, dont le retour du choléra, a dit avoir pris note de l’appel lancé par le Premier Ministre d’Haïti le 6 octobre dernier.  La France appelle la communauté internationale à rester mobilisée et à redoubler d’efforts pour aider la nation haïtienne.  La représentante a également dit partager le constat dressé par le Secrétaire général dans sa lettre du 9 octobre, notamment sur le fait que la situation sanitaire et sécuritaire appelle une réponse plus vigoureuse de la part de la communauté internationale.  L’objectif doit rester de soutenir, beaucoup plus efficacement, la Police nationale d’Haïti, qui est en première ligne face aux gangs. 

C’est pourquoi la France est favorable à l’imposition de sanctions à destination de tous ceux qui menacent la paix et la sécurité en Haïti.  Nous devons accroître la pression sur les groupes criminels, en particulier les gangs, ceux qui les aident et ceux qui les financent, a déclaré Mme Broadhurst Estival.  Nous souhaitons que les travaux engagés au Conseil de sécurité aboutissent au plus vite, a-t-elle ajouté, en appelant aussi à reconstruire la justice et lutter contre l’impunité. 

La France continuera, en outre, d’exhorter tous les acteurs politiques haïtiens à trouver un accord menant à l’organisation d’élections démocratiques lorsque les conditions de sécurité seront réunies.  La représentante a ajouté inacceptable le blocage du terminal pétrolier, qui gêne l’assistance humanitaire, y compris contre la lutte contre le choléra.  Dans le contexte actuel, la classe politique doit faire preuve de responsabilité afin de renouer le dialogue et sortir de l’impasse, a-t-elle estimé. 

M. JEAN VICTOR GÉNÉUS, Ministre des affaires étrangères d’Haïti, a salué la tenue de cette séance en un jour symbolique pour les Haïtiens, puisque c’est le 17 octobre, il y a 216 ans, qu’est mort le père de l’indépendance d’Haïti, l’Empereur Jean Jacques Dessalines.  II est la figure emblématique de la révolution haïtienne de 1804, a-t-il rappelé.  Les Haïtiennes et les Haïtiens ne vivent pas, ils survivent, a ensuite alerté le Ministre qui a dit parler au nom des quatre millions d’enfants qui ne peuvent pas aller à l’école à cause de la violence des gangs.  Il a dit saluer les mesures envisagées par l’Administration américaine contre les chefs de gangs et ceux qui les financent.  Je me félicite également de toutes les mesures que le Conseil a déjà prises et de celles qu’il entend adopter pour freiner ce fléau qui constitue un sujet de grande préoccupation pour la communauté internationale, a-t-il dit. 

Le Ministre a indiqué que la situation s’est dangereusement détériorée depuis le 12 septembre, avec des évènements malheureux et regrettables enregistrés chaque jour: pertes de vies humaines, kidnappings, destruction de biens publics et privés, viols, vols, pillages, menaces et intimidations.  Il a aussi évoqué la résurgence du choléra.  Le Ministre a affirmé que le terminal pétrolier de Thor, à l’entrée Sud de la capitale, éprouve beaucoup de difficultés pour livrer le carburant par les voies habituelles, du fait de l’action des gangs qui contrôlent le quartier.  Le 12 octobre 2022, c’est le terminal pétrolier de Varreux, le plus important du pays, qui a été occupé et contrôlé par des gangs armés.  Les tentatives des forces de l’ordre pour débloquer la route ont échoué et se sont heurtées à des tirs d’armes de gros calibres.  Cette situation a causé une pénurie de carburant et a entraîné des conséquences catastrophiques pour le pays, a déploré le Ministre qui a aussi parlé des hôpitaux, qui ont dû fermer leurs portes ou réduire considérablement leurs activités, ou encore de l’eau potable, qui ne coule plus dans les robinets, car les stations de pompage sont à l’arrêt faute de carburant.  De plus, le transport public est réduit et l’approvisionnement de la capitale et des villes de province en denrées alimentaires devient difficile et risque d’aggraver rapidement la crise humanitaire.  Le Ministre a comptabilisé 12 000 emplois menacés dans la zone franche de Caracol qui risque de fermer ses portes, incapable de s’approvisionner en carburant.  À cela s’ajoute une résurgence du choléra, qui avait été éradiqué depuis plus de trois ans et demi. 

M. Généus a expliqué que des troubles de l’ordre public sont survenus récemment du fait que des gens s’opposaient à l’arrêt par le Gouvernement de la subvention de 400 millions de dollars sur l’importation des produits pétroliers.  Cette mesure a attisé le mécontentement des secteurs mafieux qui ont également profité de la situation pour semer le trouble et bloquer le pays, cherchant par tous les moyens à faire échouer le processus de transition, a-t-il expliqué.  Il devient urgent pour Haïti d’avoir un soutien robuste qui viendrait en aide à la Police nationale d’Haïti en vue de juguler la crise humanitaire, en neutralisant les gangs armés pour garantir la libre distribution du carburant et faciliter la reprise des activités, a-t-il plaidé.  C’est dans ce contexte que le Premier Ministre Ariel Henry, mandaté par le Conseil des ministres, a adressé le 8 octobre une lettre au Secrétaire général de l’ONU, sollicitant la solidarité agissante des pays amis d’Haïti. 

En ce qui concerne l’état d’avancement du dialogue national associant les parties haïtiennes, il a mentionné la commission de dialogue du 11 septembre 2022, une initiative personnelle du Premier Ministre, entamée notamment avec une visite au domicile de l’un des leaders du groupe Montana.  Cette initiative appelée « Compromis national », engagée par des personnalités de la société civile haïtienne avec le soutien du BINUH, est celle qui a suscité beaucoup d’espoir, a souligné le Ministre.  Cependant, l’incompréhension des uns et l’intransigeance des autres ont fait capoter à la dernière minute un compromis trouvé avec une branche du groupe Montana, a-t-il déploré.  En vue d’élargir le cadre des négociations, le Premier Ministre a associé le secteur privé aux discussions sur l’avenir du pays.  Il a renouvelé l’engagement du Gouvernement haïtien à redoubler d’efforts en vue d’arriver à une entente politique qui permettra de rétablir les institutions démocratiques, par l’organisation d’élections générales dès que les conditions de sécurité seront réunies pour remettre le pouvoir à des élus librement choisis par le peuple. 

M. ROBERTO ÁLVAREZ GIL, Ministre des affaire étrangères de la République dominicaine, a émis le vœu de voir de manière légitime, le Conseil de sécurité répondre favorablement aux demandes d’action répétées de la communauté internationale, y compris celles émanant des autorités haïtiennes elles-mêmes.  La République dominicaine a déjà exprimé son soutien et appuie fermement un régime de sanctions et l’imposition d’un embargo sur les armes par le Conseil de sécurité contre des individus et des institutions, comme l’a déjà fait le Gouvernement dominicain. 

M. Álvarez Gil a également déclaré que ce que les autorités et le peuple haïtiens attendent, c’est une réponse efficace.  Tous les efforts pour rechercher un environnement pacifique dans ce pays doivent être parallèles à un processus politique inclusif, mené par les Haïtiens eux-mêmes. 

Cependant, a ajouté le Ministre, la priorité est de pacifier et d’apporter toute l’aide humanitaire possible pour apaiser le désespoir vécu par la population haï

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