Note de plusieurs artistes et écrivains concernant l'intervention militaire étrangère sollicitée par le Premier ministre Ariel Henry

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En 1915, la jeune nation haïtienne qui venait tout juste de fêter son centenaire fut envahie par l'armée étrangère étasunienne. Encore aujourd'hui, notre réalité sociale, économique et politique est marquée par les séquelles de cette occupation qui aura duré près de vingt ans. Soixante-dix ans plus tard, dans les conditions que tout le monde connaît et dans la consternation générale, le pays s'est vu envahi par les forces armées onusiennes dites de maintien de paix. Encore une fois, le pays a dû payer cher: Viols sur mineurs, ingérences politiques, importations de maladies causant des morts par milliers sur un temps record, furent le lot d'une intervention militaire que l'opinion publique n'a jamais souhaité ou approuvé.

 

À aucun moment dans notre histoire l'intervention militaire étrangère n'a eu des impacts ou des fins heureux. Au contraire, cette situation a toujours été un frein à l'autodétermination, principe sinequanone à la constitution et le développement de tout État en tant qu'État, c'est-à-dire libre de ses lignes politiques et de son expression dans la grande société internationale. Nous, artistes et écrivains du pays, nous prenons acte et rejetons radicalement la résolution du jeudi 6 octobre 2022, du conseil des ministres autorisant le Premier ministre de facto, Ariel Henry, à solliciter le déploiement d'une force armée étrangère sur le territoire national. Il est assez surprenant, absurde et déroutant que l'un des arguments majeurs de cette résolution soit la résurgence du choléra, quand on sait que ce sont les forces armées étrangères qui y ont été le vecteur de propagation dans tout le pays.

 

La gangstérisation, étant l'autre argument, est tout aussi paradoxal et irréfléchi. Ce n'est pas parce qu'il y a des gangs qui fait que le pays soit bloqué ; c'est la stagnation du pays depuis maintenant plus de deux cents ans qui explique cette situation. Aucune force étrangère ne peut agir durablement et en profondeur sur ce statu quo. Au contraire il met au grand jour l'état d'échec de nos dirigeants, passés et présents face à leurs mandats et responsabilités. La solution à nos problèmes ne peut qu'être haïtienne.

 

Elle ne peut venir que de la REFONDATION du pays. Il est temps que nous puissions bâtir le pays sur la base des idéaux de nos ancêtres. Cela ne peut se faire sans une entente, un contrat ou un congrès national entre les forces vives du pays, une vraie éducation à la citoyenneté, un renforcement effectif des institutions, et le respect EFFECTIF des droits fondamentaux de l'humain : droit à la vie, à la santé, à la sécurité alimentaire, à l'instruction scolaire, à l'information, à la liberté d'expression, à la justice… C'est la faillite de l'État face à ces diverses responsabilités qui explique - MAIS NE JUSTIFIE PAS - l'existence généralisée des gangs, et non l'inverse. Nous joignons donc notre élan patriotique à tous ceux qui partagent le sentiment d'avoir été trahis par ceux-là même qui sont censés protéger l'inviolabilité du territoire national. Et nous invitons le Premier ministre en place à remettre sa démission pour cet acte qui ne fait point honneur ni à son statut ni à notre fierté de peuple.

 

16 Octobre 2022

Marc Cauvin Plaisir (Poète et romancier)

Frantzy Féné (Poète)

35 Zile (Rappeur)

Malaba Pitit Plim (Audienceur)

Donald Ayiti (Poète et comédien)

Judeson Seulement (Comédien et metteur en scène)

Gathely D. Chery (Poète)

Mardoché Lindor (Poète)

Nouvolib Ayiboyo  (Rappeur)

Alberto Charles (Poète et comédien)

Marc Hervé (Chanteur)

Don Cliff Adrien (Comédien)

Romy Jean François (Poète)

Jeff Sainvilus (Peintre et dessinateur)

Steve Mapou (Musicien,/Chanteur/Producteur)

Kebert Bastien (Chanteur, Compositeur)

Jacques Adler Jean-Pierre (Ecrivain, comédien, metteur en scène)

 

 

 

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