Intervention militaire en Haïti : alternative salvatrice ou récidive conspiratrice ?

Première partie Dans « La malédiction des ressources naturelles et ses antidotes », Gilles Carbonnier (2013) révèle : « Les luttes pour la captation et la distribution de la rente accroissent l’instabilité politique et le risque de conflit armé ». Cette intervention militaire qui profile à l’horizon obscur va-t-elle à nouveau se solder en des bottes sadiques sur le coup d’Haïti ? Ou plutôt contribuera-t-elle à assurer la stabilité et déclencher un changement de trajectoire économique sans dommages collatéraux substantiels ni des effets délétères sur la sphère sociale et politique ? Scientifiques ou mystiques, personne ne détient des capacités prédictives sans biais pour discerner a priori des retombées négatives ou positives de cette expérience qui tend à se renouveler à la partie appauvrie de l’Hémisphère occidentale. Néanmoins, il y a certitude d’une conclusion déplorable si l’on ne contourne pas les stratagèmes d’un « Business as Usual » qui s’aligne de manière récurrente avec les desiderata d’un Occident « opulent » hypercapitaliste, mais qui s’éloigne des besoins des peuples en souffrance. En dehors de mesures adéquates et de stimuli à une justice sociale transnationale pour propulser le codéveloppement, les yeux de lynx anticipent d’emblée une fin dramatique de ce feuilleton « répétitif » au détriment d’Haïti. C’est uniquement en plébiscitant à la tête de la Cité des serviteurs publics compétents et honnêtes à même de réfléchir, négocier, débattre et rebattre les cartes avec les « partenaires » étrangers que les « outcomes » peuvent se révéler favorables pour toutes les parties. Puisse l’arène politique en Haïti se renouveler de sang neuf, d’esprits et de cœurs magnanimes en vue d’animer le jeu de la gouvernance autrement, avec science et conscience. Ainsi, avec ou sans aide étrangère, la majorité en sortira gagnante.

Les évènements sociopolitiques chaotiques de la dernière décennie laissent entrevoir une confirmation de la conjecture d’un tableau social et politique accablant qui précède en permanence les velléités des invasions et occupations étrangères. Inventer des subterfuges pour envahir des espaces géographiques attractifs - question de se donner bonne conscience auprès des nobles institutions et conventions internationales - a toujours été une stratégie séculaire des Léviathans de l’Occident « omniscient, omniprésent et omnipotent ».

Fort souvent, les représentants des multinationales sont les principaux artisans à foutre la merde au sein des pays du Sud riches en dotations naturelles pour ensuite prétendre intervenir en bons samaritains pour les sortir de la misère et de l’insécurité. Le jeu géopolitique « moderne », bourrée d’informations asymétriques, est caractérisé par des coups traîtres et des coups bas que facilitent des « players » de niveaux hétérogènes avec au Nord des experts et au Sud des incultes trônés pour le besoin de la cause de l’exploitation « barrière libre ».

L’absence de vision et d’un véritable leadership local apte à faire respecter les institutions est surtout à la base du chaos d’une palanquée de sociétés pourvues en ressources naturelles. D’une part le Rwanda - doté d’un représentant avisé capable d’approuver ou désapprouver des projets dans la souveraineté et de proposer des coopérations avantageuses pour son pays - a emprunté le chemin de l’émergence économique. D’autre part, la République Démocratique du Congo - riche en cobalt (matière première des appareils technologiques), mais pilotée dans la corruption - croupit dans une misère abjecte.  La plupart des « cons » de l’Afrique abêtissent leurs peuples en liquidant les matières premières aux patrons des technopoles du Nord. Injustice criante !

De nombreuses recherches portant sur le développement (par exemple, Acemoglu et Robinson, 2011 ; Jacquemot, 2010) insistent sur la causalité positive de la bonne gouvernance avec le développement soutenable. En effet, la création d’un cadre réglementaire propice à l’investissement et à la prospérité, la fourniture efficace des services publics, et une bonne coordination de l’aide étrangère sont des prérequis à des résultats soutenables et inclusifs.

Certes, depuis la rupture de la dictature pour épouser la démocratie que Paul Collier – distingué professeur de l’université d’Oxford - baptise à raison de « Demo-Crazy », Haïti se fait étrangler par une immixtion étrangère perfide. Cependant, ce n’est pas tant l’ingérence toxique étrangère qui tue les germes du développement du pays. L’indécence, l’incompétence et l’impotence des interlocuteurs nationaux pèsent plus lourd dans cette balance excentrée qui tutoie la catastrophe dans une fine proximité.

Qui finance commande a toujours été une prémisse faussée pour justifier la lâcheté de certains acteurs. L’histoire moderne regorge de contre-exemples de leaders politiques non-alignés avec les objectifs initiaux de certains projets qu’ils ont finis par recanaliser au profit de la postérité. Mandela de l’Afrique du Sud, et encore plus récent, Paul Kagamé du Rwanda en sont des exemples notoires. Définitivement, comme un as d’atout, il existe des coefficients individuels susceptibles d’influencer amplement les résultats finaux. On ne joue pas avec les postes régaliens. Tel que le prône l’illustre historien Michel Sukar, il faut au pays des hommes et des femmes d’État cultivés et aux colonnes vertébrales idoines qui, à défaut de brandir un « NON » à certains projets de l’étranger, soient au moins en mesure de dire « OUI, MAIS ».

En effet, c’est par l’élection de présidents, sénateurs, députés et magistrats intègres ; la nomination de dirigeants compétents ; et le recrutement de professionnels qualifiés qu’un pays lance le signal manifeste qu’il emprunte le sentier de l’émergence économique. Haïti doit décidément entrer dans cette dynamique de la modernité pour qu’elle soit véritablement « Open for Business ».

 

Stratégie du « caméléon »

Dans « L’échec de l’aide à Haïti », Ricardo Seteinfus qui officiait à titre de diplomate de l’OEA expose les machinations politiques qui se sont succédé à l’issue des joutes électorales bancales de 2011 qui ont injustement placé l’imposteur Michel Martelly à la présidence du pays. La politique haïtienne a toujours été perçue comme un cercle vicieux où le dealer peut aisément se métamorphoser en leader. Par contre, l’ineptie électorale de 2011 a été le comble d’une absurdité paroxysmique qui se calligraphie comme le début de la grande dépression politique qui a suivi le choc sismique de 2010. L’auteur Brésilien anticonformiste aux pratiques opaques des organisations internationales au service de l’Occident condescendant a baptisé de stratégie du « caméléon » l’immixtion impérialiste des étrangers dans les scrutins présidentiels post-séisme.

Pour avoir été lui aussi dans le secret des diables du Core-Group, le plénipotentiaire dissident Daniel Foote a fâcheusement mis le globe au parfum en embaumant la toile d’une courageuse missive tombée comme un missile dans la cour puante des pharaons et démons qui obstruent la respiration à plein poumon des structures politiques et sociales de la république historique. Dans une sainte colère, Foote a frappé le poing sur la table pour vertement critiquer la connivence des malveillants de l’occident « opulent » avec le cartel politique PHTK qui a saboté la stabilité et le développement du pays.

L’immixtion scandaleuse de l’international perfide dans les affaires internes des pays « affaiblis » serait guidée par des incitations personnelles d’un Occident malhonnête qui se suffoque de manière baroque sur l’or, le pétrole, l’iridium et le californium des pays du Sud. L’Occident doit en finir avec ce jeu pervers. En contrepartie de retours illicites au profit de leurs familles et leurs clans de vilains, les dirigeants voyous du Tiers-Monde ne perçoivent aucun problème à livrer dans la clandestinité les mines nationales à des familles pour les exploiter à outrance. C’est l’opacité qui caractérise de telles exactions prédatrices entre flibustiers étrangers et traîtres fils du pouvoir.

Comme le méchant fait toujours une œuvre qui le trahit, quelques fuites idiosyncratiques suffiraient à ouvrir les yeux des entités de vigie sur le désastre de la liquidation des dotations naturelles et des patrimoines historiques de la république. Au cours du règne PHTK, le Sénat haïtien aurait révélé dans une claire obscurité un deal minier - à plus de 10 digits - cosigné sous le tapis entre la famille Martelly et la famille Clinton omniprésente depuis leur lune de miel dans la politique d’Haïti. En foulant formellement le sol haïtien de leurs bottes grotesques, les étrangers vont-ils continuer à nous saboter ou vont-ils cette fois-ci nous épauler ?

En effet, les expériences dramatiques d’ici et d’ailleurs ont prouvé que la convoitise internationale suivie de bottes militaires étrangères a charrié viols, pillages et de graves crimes contre l’humanité qui ont demeuré majoritairement irréparés des décennies et des siècles après. Similaire à un classique dilemme en Théorie des jeux où le jeu serait vicié à la base, on a l’impression que l’on ne peut faire avec ni sans ces partenariats bilatéraux et multilatéraux qui cachent leurs véritables motifs.

Question de rationalité, la dialectique validerait la vision que chaque nation s’attèle à défendre ses propres intérêts en tirant son épingle du jeu diplomatique et géostratégique. C’est de bonne guerre. Cependant, un minimum de moralité devait convier tout partenaire à ne pas verser dans des méthodes égocentristes qui néantisent son concurrent qu’il ne devait percevoir comme un ennemi. Gratitude oblige. Par ses réalisations ingénieuses, sa contribution dans l’éducation en Amérique, son implication dans la libération d’autres peuples et son attachement aux valeurs universelles dont elle est une pionnière, Haïti mérite mieux que ce que la France, le Canada et les États-Unis lui réservent.

 

Repenser les partenariats

Pour le bonheur de tous et de chacun, les négociations inter-nations auraient pu se concrétiser dans une approche « Win-Win Game ». Pas besoin d’imposer des crapules à la tête d’un pays, créer des troubles politiques, alimenter des guerres inutiles, faire couler du sang innocent, saboter ou bombarder. Il y a toujours moyen d’aboutir à une optimisation de bien-être intégral sous contrainte d’un coût social minimal. C’est par cette démarche d’une quête de bonheur universel que les esprits équilibrés et les cœurs humains devraient savourer les délices de la vie.

Brandir un NON avec véhémence contre une intervention militaire étrangère hasardeuse n’est pas un simple cri enveloppé dans une factice sauvegarde de souveraineté nationale. Il s’agit pour les esprits avisés d’une ferme opposition contre la moquerie, l’escroquerie et la barbarie dont font souvent l’objet les peuples appauvris que la perfidie internationale s’attèle à anéantir. Cette ère de mondialisation requiert évidemment des coopérations et des encadrements de la communauté internationale. Cela passe par des acteurs internes et externes dotés de science et de conscience.

Il manquait toujours cette volonté sincère de la communauté internationale d’œuvrer pour le bien-être de la flopée des nations partenaires du Sud. Quand ce sont des projets prêt-à-porter, des dictées et des maquettes étincelantes qui sont inscrites dans un catalogue rêveur pour ironiser les déshérités, les affamés et les alités, cela se solde toujours par une aggravation des sentiments vindicatifs. Le point de départ pour générer de nouvelles perceptions des populations « bénéficiaires » des supports étrangers requiert de nouveaux signaux tant du côté des stratégies que des stratèges.

En effet, quand entre deux parties, l’une détient l’expertise technique et que l’autre est gratifiée en dotations naturelles, l’efficience et la loyauté recommandent qu’elles s’asseyent sur une table pour réfléchir sur les techniques de négociation et d’exploitation mutuellement avantageuse afin de statuer sur une distribution équitable.

Pour la gloire des fondateurs de l’humanité bien vivants dans les siècles présents et à venir, pour le bonheur des enfants aujourd’hui en agonie et qu’il faudrait récupérer, pour le triomphe de la paix, la justice et la sécurité sur le gigantesque orbe habité par 7.8 milliards de voisins, les superpuissances sont conviées à changer de paradigme en adoptant une approche holistique où la vie a la priorité sur les débris. Dans les jeux de négociation, il y a toujours possibilité de médailler les protagonistes comme des gagnants. C’est dans cette direction que les partenariats bilatéraux et multilatéraux doivent conjuguer leurs actions. L’humanité en serait reconnaissante.

À titre de déclic pour marquer un nouveau départ, les acteurs doivent se rendre compte du bénéfice mutuel de discuter et de cogiter sur les défis écologiques et géostratégiques particulièrement avec des interlocuteurs valables. Que vient faire Bouki dans les discussions et réflexions savantes qui doivent engager une nation, une région, ou la planète ? Les pays dits amis d’Haïti doivent décidément cesser ce stratagème d’imposer des nuls à l’hypophyse des nations avec lesquelles ils disent coopérer.

Trôner des dirigeants petits par des tweets ou des élections frauduleuses ne peut qu’envenimer les relations bilatérales et multilatérales. Au cours de cette ère dit-on de modernité, le paradigme de négociation doit capitaliser sur des informations le moins asymétriques possibles et sur des acteurs compétents afin de dégager des moyens efficaces d’obtenir du jeu des payoffs gagnant-gagnant. Place à des gouvernants au crédit loyal adéquat. Quand des borgnes manigancent à s’accompagner des aveugles, c’est tout le royaume qui s’effrite dans la myopie et la cécité.

Ce sont des adeptes de la science et des personnalités intègres à la hauteur de faire bouger les lignes dans l’intérêt du bien-être de la collectivité et de la mondialité qui doivent diriger le monde. Admirez l’indice de bonheur des sociétés scandinaves. Le sens du service public couplé de l’honnêteté des acteurs politiques en sont les vecteurs. Un vrai partenaire optera de verser dans cette noble direction avec Haïti afin de concrétiser les belles maquettes de gouvernance et d’infrastructures modernes telles que les écoles, les hôpitaux, les stades, les routes, les aéroports, etc. In fine, toutes les âmes auront à festoyer à cœur joie sans des inquiétudes et des frustrations qui tendent à soulever la sainte colère pour lyncher des fêtards solitaires et chambarder les fêtes quand elles sont aux goûts discriminatoires.

 

Échec d’un seul, échec de tous

Afghanistan, Lybie, Palestine, Koweït, Irak, Philippines, Syrie…, longue est la liste de pays auxquels de récentes interventions militaires directes et indirectes de l’Occident ont complétement échoué. À l’issue de tels résultats catastrophiques, c’est l’image du monde civilisé qui est salie. L’une des raisons majeures des échecs de coopération est que l’Occident se plaît à installer aux pays du Sud des dirigeants marionnettes dépourvus de dialectique et dont le poids de la pensée est nul. In fine, quand on y incorpore l’éthique des moyens, on perçoit que la boulimie capitaliste de l’Occident qui concocte l’éviction de l’élite probe dans les affaires sérieuses des pays partenaires aboutit à un jeu à somme négative.

D’une part, on y recense les victimes économiquement pillées qui peinent à se relever. D’autre part, on dénombre les bourreaux qui vivent avec un poids de culpabilité séculaire qui leur attirerait des malédictions. Aujourd’hui, la misère psychologique de la France pour ce qu’elle a fait subir à une palanquée de pays de l’Afrique est interpellatrice. Aucune âme raisonnable de devait dormir en paix à la suite d’une injustice produite. Les dérives se multiplient notamment parce qu’il fait défaut à des élites de ce monde inique cette dimension de percer la pensée de MLK quand il preconisait : « Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier ». 

Notre Village universel serait tellement mieux si les conventions internationales - droits humains, droit à l’éducation, accès aux services de santé, paix, sécurité, intégration régionale, éradication de la pauvreté, etc. - étaient véritablement d’application. « Notre monde périt, faute de sincérité ». Il revient aux institutions de vigie de se dresser en croix contre les sophismes qui justifieraient les crimes.  Face à la démence de la raison, ni l’académique ni l’ecclésiastique ni le médiatique ne doivent se taire par lâcheté ou par complicité pour laisser faire pour léguer à la postérité un héritage de peur et de haine.

Les illustres économistes Joseph E. Stiglitz et Linda J. Bilmes (2008) – chercheurs chevronnés à MIT et à la Harvard - ont perçu dans l’invasion des États-Unis en Iraq l’un des plus graves gaspillages de l’histoire des États-Unis. S’ajoutent aux plus de trois trillions de dollars engagés à incendier, bombarder et exterminer des infrastructures et des vies innocentes des répercussions néfastes de long terme. Il convient de mentionner les dégâts post-traumatiques des séquelles des produits chimiques toxiques sur les générations futures.

Après trois quarts de siècle du cynique bombardement de l’Hiroshima et Nagasaki, de nombreuses contrées asiatiques continuent d’enregistrer des naissances « handicapées ». À l’issue des conflits, les chocs sur le système sanitaire, sur l’équilibre écologique et la récession économique engendrée par la hausse vertigineuse du prix du pétrole sur le marché mondial sont autant de retombées qui amplifient les défis pour les gouvernements. Plus près de nous, la guerre entre la Russie et l’Ukraine a déjà secoué les pylônes de l’équilibre énergétique et économique mondial.

« There is no free lunch ». Les deux éminents professeurs de la MIT et de la Harvard ont évoqué le coût d’opportunité des lourdes dépenses militaires farfelues de l’administration Bush en arguant qu’elles auraient pu contribuer à atteindre les objectifs de l’éducation pour tous, la sécurité sociale et la construction d’infrastructures durables au profit d’une pléiade de pays nécessiteux du globe. Qu’elles soient directes ou indirectes, les interventions étrangères charrient de monstres déficits.  Pourquoi alors faut-il subrepticement semer des graines de la guerre pour par la suite revenir super-puissamment pour rétablir la paix. La folie !

 

Les bottes : Une expérience cauchemardesque pour Haïti

Teintés d’un ensemble d’anecdotes accablantes, les feuilletons des bottes étrangères foulées au sol d’Haïti et qui ont étranglé à la Georges Floyd ce peuple résilient s’inscrivent parmi les plus choquants de l’histoire de l’humanité. En plus de l’énorme déficit économique et social qui en résulte, le coût financier du personnel d’une armée mobilisée en terre étrangère est budgétivore. Les plus d’un demi-milliard de dollars (Max Kail, 2019) engagé pour gérer la Minustha mobilisée en Haïti entre 2004-2017 sont une preuve éloquente de la magnitude des dépenses futiles à consacrer aux missions onusiennes.  Et si on s’attelait à doter la Police nationale et l’armée d’Haïti d’équipements, de matériels et ressources humaines qualifiées, les résultats ne seraient-ils pas plus efficients et plus soutenables ?

Le passage cynique des Casques bleus de l’ONU en Haïti a laissé orphelins de pères de nombreux enfants haïtiens. Non loin des Bases de la Minustha, on y repère - après neuf mois d’installation de ce corps étranger - des nourrissons aux teintes épidermiques allogènes et aux yeux bridés qui laissent présager que le géniteur vient d’une contrée latine ou de l’Asie du Sud. Nul besoin d’investigations approfondies pour convertir la suspicion en affirmation quand on décèle la proximité géographique de la famille monoparentale avec la résidence de ces soldats qui violaient nos femmes et qui volaient les cabris de nos paysans.

Évidemment, en raison de la pauvreté cuisante des familles qui prête le flanc à de mauvais deals sexuels, les cas de consentement « forcé » ont été aussi légion. Les curieux percevaient des amitiés érotiques « Jaunes et Noires » tissées par des liens pécuniaires. Mais aussi, les détournements de mineures faisaient rage. L’ECVMAS (réf. 4) a fait état d’un pic des grossesses précoces au lendemain du séisme 2010 qui allaient sans doute résulter en de multiples enfants sans pères. L’explication la plus probable de cette déchéance sociétale est que nos jeunes filles devenues soudain détentrices de leurs propres tentes étaient exposées à une privation économique qui nourrit un certain clientélisme « érotique » avec des militaires de l’ONU. Le marchandage sexuel était à son paroxysme.

Quoi qu’il en soit, nos filles ne devaient jamais procréer dans des conditions délétères qui les contraignent à élever seules leurs enfants dans l’indignité et la mendicité. Nous ne disposons pas de données actualisées sur l’acuité du phénomène des enfants déscolarisés et en domesticité qui seraient enclins à agrandir plus tard les statistiques du nombre de gangs. Cependant, des anecdotes vont dans le sens d’une disparition dans la capitale de nos vulnérables enfants des rues qui mendiaient devant les restaurants et qui s’accrochaient aux portes des voitures pour essuyer les vitres en contrepartie de quelques « adoken ».

Le ministère des Affaires sociales, la Brigade de Protection des Mineurs (BPM), l’Institut du Bien-Etre social et de Recherches (IBESR) avaient-ils pris des dispositions pour accueillir dans un centre ces enfants démunis ? Ces derniers deviendraient-ils des adeptes et disciples des familles et alliés détraqués ? Cela ne vaut pas la peine de languir à espérer une enquête de l’IHSI pour se faire une idée. Le recrutement de gros et de petits monstres pour renforcer les gangs cruels continuait alors que l’État faillit à sa mission. Le loisir a bu la cigüe, l’école est figée en mode lock. Que nous reste-t-il ? Triste. Tant sur le plan sanitaire que sécuritaire, le pays est en ruine. Une mission militaire étrangère saurait-elle rétablir un équilibre soutenable ou servir de palliatif à un mal profond ?  

Les béantes différences culturelles, les souvenirs colonialistes angoissants et les blessures d’un passé traumatisant qui n’ont jamais été cicatrisées sont autant d’obstacles qui rendent complexe sinon impossible la mission de prise en charge d’une nation du Nord par une du Sud. Par exemple, on ne perçoit aucune sincérité dans l’aide de la France à Haïti quand on sait que l’Hexagone a raflé ignominieusement plus de vingt-huit milliards de dollars à l’ancienne Perle des Antilles dans une rançon de dette d’indépendance. Piketty argue que cette dette inique a lourdement grevé le développement économique, politique et humain de l'île. 

Pour rester cohérente dans sa démarche de promotion de l’illustre Déclaration des Droits Humains et pour mériter sa place dans le concert des nations modernes, la France doit reconnaître les tortures et les injustices qu’elle a causées à Haïti et donc porter les corrections qui s’imposent, notamment en lui restituant la dette de son indépendance acquise au prix fort le 1er janvier 1804.

Le livre de Thomas Piketty (2019), qui plaide pour la réduction des inégalités inter et intra pays à travers un codéveloppement qui puisse garantir justice sociale, fiscale et climatique au profit de l’humanité entière, en dit long sur l’histoire des exploitations des anciennes colonies. Pour découvrir la position de l’auteur sur la rançon de la dette de l’indépendance versée à la France, le lecteur peut se référer à l’interview de l’économiste français réalisée sous la plume de l’économiste Thomas Lalime (réf. 12).

À travers une approche politico-idéologique des régimes inégalitaires, Piketty a mis en exergue les limites du capitalisme mondial. L’auteur croit que la réduction des inégalités sur la planète devrait passer par l’adoption d’un système de socialisme participatif qui consacre la primauté de l’éducation sur les droits de propriété privée.

Les États-Unis également ont joué un rôle prédateur dans l’asphyxie de notre île coincée dans une trappe de sous-développement (Sic. Lucas, 1988). De nombreux chercheurs, dont Piketty (2019), sont d’avis que la richesse de la plus grande puissance économique mondiale est entachée d’exploitations et d’injustices faites aux sociétés colonisées. Les États-Unis ont planifié de nombreux vols organisés de la richesse nationale, dont celui de la réserve d’or du pays à la veille de l’occupation de 1915 (réf. 14) qui ont rendu rachitique les muscles économiques de la république.

Récemment, dans leur implication à faciliter l’entrée et la sortie « liben libè » de mercenaires-snippers lourdement armés qui ont foulé le tarmac pour exécuter des missions opaques au profit du pouvoir PHTK, mais au détriment de la population, les États-Unis se sont davantage discrédités. Plus grave encore, les plénipotentiaires du Core-Group sont enclins à mobiliser des institutions de droits humains quand un bandit est tombé sous les stratégies de la PNH alors que de nombreux massacres perpétrés sur la population laissent les organisations internationales indifférentes. Je ne comprends pas cette cohérence bizarre du Binuh dans l’incohérence sociale d’encenser la fédération du banditisme. Cette cohabitation PHTK et Core-Group est malsaine. 

Alors qu’aucun mariage ne peut durer dans une hypocrisie « Je t’aime, moi non plus », la communauté internationale qui dit coopérer avec Haïti pour lui sortir du bourbier ne fait que jouer à l’hypocrisie. Elle se plairait à embrasser Haïti à la Judas Iscariote pendant qu’elle pointe sur les coordonnées géospatiales de ses mines prolixes desquelles elle se rassasie dans la gourmandise. Uniquement des esprits ingénus auraient fait confiance à ces génies boucaniers entêtés à implémenter inter alia des projets de parcs industriels conçus intégralement par de « Vrais Amis » d’Haïti qui sont faux sur toute la ligne. Dans un tel contexte, les bottes étrangères ne peuvent inspirer confiance.

A suivre

 

Carly Dollin

carlydolin@gmail.com

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